Échos vedettes

«JE NE PEUX PAS VIEILLIR, C’EST IMPOSSIBLE!» – Renée Martel

BEAUCOUP DE SOLEIL, PAS MAL DE PASSAGES NUAGEUX ET QUELQUES VIOLENTS ORAGES. EN 71 ANS, RENÉE MARTEL A TOUT CONNU, TOUT VÉCU. ET TANDIS QUE L’AUTOMNE S’INSTALLE, ELLE DÉFIE L’HIVER AVEC ARRIÈRESAI­SON, SON NOUVEL ALBUM.

- JEAN-FRANÇOIS BRASSARD

«Quelle magnifique soirée c’était! J’étais vraiment très heureuse.» En cette frisquette matinée d’octobre, Renée est rayonnante et flotte sur un nuage. Hier (le 2 octobre), la SOCAN l’a honorée en lui remettant le prix Excellence pour souligner l’ensemble de sa carrière. Même si elle a beau cumuler les marques de distinctio­n depuis 1968, alors qu’elle avait été nommée Révélation féminine de l’année au Gala des artistes, elle ne s’y habitue pas! De plus, certaines soirées se démarquent des autres. Parce qu’hier soir, voyez-vous, Renée n’était pas seule. Sa fille, Laurence, l’accompagna­it. Et son cher papa Marcel aussi, du haut de son coin du ciel. «J’ai eu la surprise de ma vie quand JeanFranço­is Breau est monté sur scène pour interpréte­r Un coin du ciel, la chanson de mon père. C’était très émouvant et il m’a vraiment touchée. Il a demandé à la foule de chanter. C’est un moment que je n’oublierai jamais.»

Sa surprise était décuplée du fait que ce classique de notre patrimoine avait déjà été honoré par la SOCAN. Le 7 septembre, lors du spectacle d’ouverture du Festival Western de St-Tite, ce titre avait en effet été intronisé au Panthéon des auteurs-compositeu­rs canadiens. Tout en soulignant l’élégance de cet hommage senti, elle ne peut réprimer un regret: «Mon père n’a jamais réalisé l’impact qu’il avait. Il n’a jamais su à quel point les gens l’aimaient. À St-Tite, j’aurais tellement aimé qu’il soit présent pour vivre ce moment. Ça me rend fière et me chagrine en même temps.»

LA CULPABILIT­É D’UNE MÈRE

Ce prix Excellence qu’on lui a remis le 2 octobre, à Montréal, l’a touchée droit au coeur. «Ça faisait des mois qu’on m’avait prévenue. Sur le coup, j’étais très honorée. Le temps a passé et j’avais oublié. Mais quelques jours avant la remise, j’ai commencé à être nerveuse. Le Gala m’a fait une place extraordin­aire. Ça m’a bouleversé­e. Quand tu regardes ta vie défiler sur grand écran, c’est quelque chose...»

Sur la tribune, Renée a rendu hommage à ses deux enfants, Laurence et Dominique. «J’ai dit que je les avais bien réussis, résume-t-elle en riant. Je ne me souviens à peu près pas de ce que j’ai dit... J’ai mentionné que faire ce métier lorsqu’on a des enfants n’est pas facile. Il faut que tu l’aimes en mosus, ton métier. Quand tu pars en tournée et que tu es obligée de les faire garder ou qu’ils restent à la maison avec leur père, il y a une culpabilit­é qui s’installe. J’ai vécu ça longtemps. Mon fils était devenu père de famille et je m’excusais encore. Il me répondait: “Franchemen­t! Arrête de t’excuser.” Quand il est devenu musicien, il a mieux compris ma réalité. Ma fille est dans le métier et elle comprend aussi. Mais quand ils étaient petits, je me sentais très coupable.»

Renée a fait la paix avec ce sentiment. Quelques légers flashbacks, rien de plus. «Quand je revois des photos d’eux enfants, cette émotion remonte. Mais je me ressaisis toujours en me disant que j’ai fait mon grand possible. Si j’avais été une aussi mauvaise mère que ça, ils ne seraient pas aussi proches de moi qu’ils le sont. Ils me disent tout le temps qu’ils m’aiment. Ça fait que je me dis que j’ai fait quelque chose de correct.

«L’arrière-saison, c’est les derniers beaux jours avant l’hiver. À 71 ans, j’en suis rendue là... Ensuite, c’est l’hiver et la vieillesse. Je hais ce mot, mais c’est la réalité.»

AVANT L’HIVER

S’il y a une autre chose que Renée fait correcteme­nt, c’est de la chanson. Le 2 novembre paraîtra Arrière-saison. On l’attendait l’année dernière, puis au dernier Festival Western de St-Tite, mais les saisons ont passé et le fruit est maintenant mûr. «C’est un superbe album qui allie pop et country. Je respecte le fait que je vienne du country, mais à l’exception de J’ai un

amour qui ne veut pas mourir, mes grands succès sont pop. Il y a de l’inattendu sur ce disque. Je veux toujours surprendre.»

Sur Arrière-saison, il est question de la vie, de l’amour... «Je n’aurais pas pu chanter ces textes à 20 ou 30 ans, ni même ce genre de chansons.»

Le titre est beau. «Au sens propre autant qu’au figuré, l’arrière-saison, c’est les derniers beaux jours avant l’hiver. À 71 ans, j’en suis rendue là. Ça peut durer quelques années. Ensuite, c’est l’hiver et la vieillesse. Je hais ce mot, mais c’est quand même la réalité.» Les derniers mots sont brutaux. La réalité, aussi inéluctabl­e soit-elle, ébranle. Majestueus­e du haut de ses 66 ans de carrière, Renée Martel n’est-elle pas immortelle? Sent-elle seulement le poids accumulé des saisons? «Je pense que je ne me sentirai jamais vieille. Mentalemen­t, du moins. Je suis entourée de jeunes. Je travaille avec eux. Ils sont passionnés. En plus, je suis entourée de mes enfants et petits-enfants. Ma fille va avoir 31 ans et mon fils en a 44. Et je suis pas mal grand-maman gâteau. Mon monsieur Henri (NDLR: le plus âgé

de ses petits-fils) a eu 17 ans le 1er octobre et au cours des prochains jours, je vais être grandmère pour la quatrième fois.» Ce sera le quatrième garçon de Dominique. Il souhaite même avoir d’autres enfants. «Ben... coudon! Ça me fait des petits à cajoler. Ils sont jeunes dans leur coeur et leur tête. Je ne peux pas vieillir, c’est impossible!»

Le constat est serein. Renée n’est même pas résignée. Elle s’abandonne, tout simplement. «L’arrière-saison, je regarde ça avec beaucoup de sérénité. Ce n’est pas triste. C’est simplement réaliser où on en est rendu.» Ainsi va la vie.

Renée prend les moyens pour rester jeune. Et son amour du métier y est pour beaucoup. Elle amorcera une importante tournée dès le printemps prochain. «Je suis partie pour deux ou trois ans. Je ne veux pas arrêter. Ma vie, c’est la scène.» On aura l’occasion d’en reparler.

D’ici là — tenez-vous bien

—, elle offrira 21 représenta­tions en 23 jours du spectacle Noël, une tradition en chanson, de concert avec huit autres artistes, dont Michel Louvain, Johanne Blouin et Yves Lambert. Premier spectacle dans son Drummondvi­lle natal le 1er décembre et dernier, à Laval le 23 décembre. Son agenda est bien noirci et elle sait déjà ce que lui réserve son réveillon de Noël! «Je vais être effoirée en train de regarder des films de père Noël!» lance-t-elle dans un éclat de rire.

 ??  ?? Marcel et Renée sur scène, en 1981. Le 2 octobre dernier, sur le tapis rouge du Gala de la SOCAN, Renée et sa fille, Laurence, qui allait présenter sa mère sur scène quelques instants plus tard.
Marcel et Renée sur scène, en 1981. Le 2 octobre dernier, sur le tapis rouge du Gala de la SOCAN, Renée et sa fille, Laurence, qui allait présenter sa mère sur scène quelques instants plus tard.
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