Échos vedettes

Gilles Pelletier: ses amis le pleurent et le célèbrent

- PAR HÉLÈNE FLEURY

LE SAMEDI 6 OCTOBRE, ENVIRON 200 PERSONNES SE SONT RÉUNIES AU THÉÂTRE DENISE-PELLETIER, À MONTRÉAL. POUR UNE DERNIÈRE FOIS, ILS Y ONT SALUÉ LEUR CAMARADE, PÈRE, GRAND-PÈRE, ONCLE, GRAND-ONCLE ET AMI, GILLES PELLETIER. AU DÉBUT, L’AMBIANCE ÉTAIT BON ENFANT; LES GENS SE SALUAIENT ET SE RETROUVAIE­NT, LES SOURIRES FUSAIENT. PUIS LA SALLE A LENTEMENT ÉTÉ PLONGÉE DANS LE NOIR. LE RECUEILLEM­ENT S’INSTALLAIT PEU À PEU. LE SILENCE S’EST FAIT DANS L’ASSISTANCE TANDIS QUE LES LUMIÈRES S’ÉTEIGNAIEN­T. L’HOMMAGE POUVAIT COMMENCER.

Gilles Pelletier est décédé le 5 septembre 2018, à l’âge vénérable de 93 ans. Né à SaintJovit­e, dans les Laurentide­s en 1925, c’est à 20 ans qu’il entame sa carrière de comédien grâce à sa soeur Denise, en jouant dans Le songe

d’une nuit d’été de William Shakespear­e. Plus jeune, il s’était engagé comme matelot, et cette passion de la mer a duré toute sa vie. D’ailleurs, dans un extrait d’entrevue présenté samedi, on entend Gilles Pelletier déclarer en riant: «J’ai été baptisé à l’eau de mer!» et ajouter, sur sa carrière de comédien: «J’y suis allé par désoeuvrem­ent. C’est toujours le hasard qui crée les choses importante­s.»

Claude Poissant, l’actuel directeur du Théâtre Denise-Pelletier, a d’abord souhaité la bienvenue à toutes les personnes présentes. Puis on nous a montré un extrait de Cap-aux-Sorciers, un des premiers téléromans québécois, diffusé de 1955 à 1958 à Radio-Canada. L’histoire, qui se passe dans la région de Charlevoix, raconte les péripéties d’un village de pêcheurs. Gilles Pelletier y

interprète le capitaine Aubert, homme d’une grande prestance qui le rendra célèbre dans tout le Québec. C’est dans ce même téléroman qu’il donnera la réplique à Françoise Graton, le grand amour de sa vie, avec laquelle il passera plus de 60 ans. Plusieurs membres du clan Graton sont d’ailleurs venus livrer leurs témoignage­s au cours de ce vibrant hommage rendu au grand homme.

UN HOMMAGE ÉMOUVANT

Presque ému aux larmes, Vincent Graton, cet homme qui fustige régulièrem­ent les grands de ce monde, a la voix remplie d’émotion. «C’était un chef de clan qui proposait un style de vie», confie-t-il à l’assistance. Il aura appris aux Graton à parler vrai, à être francs, à regarder leur interlocut­eur droit dans les yeux, sans faux-fuyant. «C’est un grand artisan qui a voulu démocratis­er le théâtre, la culture, pour la rendre accessible aux jeunes, entre autres», ajoute-t-il. Plusieurs salueront son côté patriotiqu­e et sa fierté du Québec. Yves Desgagnés soulignera qu’en jouant

Junior dans L’héritage, de Victor-Lévy Beaulieu (1987-1990), il se serait même déjà évanoui tant les échanges avec son père, Xavier Galarneau, magistrale­ment interprété par Gilles Pelletier, étaient intenses. Voici quelques propos qu’on retiendra de cet hommage.

«Un des premiers rôles que j’ai eus — je venais à peine de sortir du Conservato­ire —, c’était une figuration dans Un

simple soldat, dans lequel jouait M. Pelletier. Tout ce que je faisais, c’était d’exécuter une danse avec lui. Tous les soirs, je regardais la pièce. Pour moi, ç’a été une leçon d’acting de le regarder faire. Il était prodigieux. J’avais une très grande admiration pour lui. On avait joué cette pièce en tournée partout au Québec. Et Marcel Dubé nous accompagna­it.x

— Louise Turcot

«Un des premiers souvenirs que je conserve de M. Pelletier, c’est dans Rue de l’Anse. Il faisait mon père là-dedans. Ç’a été une très belle expérience. J’ai beaucoup joué ici, à la Nouvelle Compagnie théâtrale (l’ancien nom du Théâtre

Denise-Pelletier) lorsqu’il la dirigeait. J’ai joué Ben Hur, de Jean Barbeau, rôle pour lequel il m’a dirigé. Comme directeur, il était très respectueu­x; il me laissait aller. Après, il me poussait à aller plus loin. Ç’a été très agréable. C’est lui qui avait suggéré mon nom à Gratien Gélinas pour jouer Ti-Coq, ici.»

— Daniel Gadouas

«J’ai joué dans Capaux-Sorciers avec Gilles. J’ai joué dans Richard III, dans Le Cid, etc. Je le connais depuis que j’ai 12 ans. Gilles, c’était comme un grand frère pour moi.»

— Monique Miller

«Un des beaux souvenirs que j’ai de Gilles Pelletier: j’ai 16 ans et c’est mon bal de graduation. Comme il me sert de père depuis mes 12 ans (son véritable père étant décédé), je me souviens d’arriver dans ce magnifique lieu qu’est l’hôtel Ritz Carlton avec mon premier petit chum, puis avec Gilles qui ouvre le bal avec moi. Ça se faisait comme ça dans ce temps-là; c’est avec ton père que tu ouvrais le bal. C’est donc avec lui que j’ai dansé ma première danse ce soir-là.»

— Mireille Deyglun

«Pour moi, Gilles était un chêne, un marin, un homme de vision, un homme en amour avec son territoire.»

— Yves Desgagnés

«Je me souviens juste que mes frères et moi on demandait à Gilles de raconter des histoires, parce que quand Gilles racontait quelque chose, c’était fait avec panache, dans un style déclamatoi­re, c’était comme un show. À Noël, on avait hâte que mon oncle Gilles (François Chénier est son neveu) nous raconte ses histoires.x

— François Chénier

«Gilles Pelletier, pour moi, c’était un héros. Pour moi, c’était le Jean Béliveau du théâtre. Une espèce de force tranquille. Imbattable. Lorsque j’étais jeune, j’écoutais Gilles Pelletier dans Rue de l’Anse et dans RCMP, qui passait en anglais et en français. Gilles Pelletier, ç’a été ma première rencontre avec le théâtre. Il a fait partie de ceux qui m’ont donné le goût de devenir comédien.»

— LouisGeorg­es Girard

«Gilles Pelletier était un pilier pour le théâtre québécois. Il a été un repère pour moi, un homme de vision à l’esprit large, toujours curieux et près des jeunes. Il avait beaucoup de profondeur. J’en garderai le souvenir d’un grand homme.»

-Jean-Oraucois Casabonne

Gilles était une sorte de mentor pour moi. C’est lui qui m’a donné ma chance. Je suis sorti en 1967 de l’École nationale et, dès cette année-là, j’ai joué pour la NCT avec Gilles. Je suis devenu son assistant et j’ai joué, l’année d’après, dans La

mouette, de Tchekov. J’ai aussi joué dans Un simple soldat. On passait nos nuits à triper sur le théâtre... on discutait des pièces dans son bureau, en buvant du scotch et en fumant des petits cigares.»

— Gilles Renaud

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