Échos vedettes

La taille d’un homme ne fait pas sa grandeur

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Le grand Charles Aznavour n’est plus! Tout a été dit sur ce poète, auteur, comédien et interprète. Chaque fois qu’une étoile s’éteint, c’est souvent la surprise même si, dans certains cas, on s’y attend. Pour Aznavour, c’était comme un paradoxe. Immortel et pourtant mort! Ce petit bout d’homme se sera élevé et aura réussi à atteindre une stature impression­nante. Un exemple de résilience pour certains, un combattant pour d’autres, il n’aura laissé personne indifféren­t!

Fils d’immigrés arméniens, il aura porté toute sa vie l’histoire de ce peuple décimé par des hommes jaloux de son histoire, de sa grandeur et de ses rêves. Ces mêmes rêves qu’il aura à lui seul identifiés et mis en lumière aux yeux de ceux qui avaient, jadis, détourné le regard sur un drame humain innommable. Charles Aznavour était plus qu’un interprète, un chanteur, un auteur, un poète ou un acteur: c’était un catalyseur, un rassembleu­r. Un ensemble de petits ou grands défis devenus des références pour tous ceux qui croient en leurs rêves. Je m’voyais déjà de Charles Aznavour, c’est le temps qui passe; c’est ma jeunesse, mon adolescenc­e et ma maturité.

Quand il a écrit sa chanson La bohème en 1965, je n’avais pas encore 20 ans. Alors, quand il chantait: «Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître», il ne pouvait parler que de ma génération. L’auteur savait, avec sa plume, parler de tous les sujets chauds, comme de l’amour, bien entendu, mais aussi de la misère dans La bohème, de la solitude dans Le temps, de la mort et même de la séparation dans Tu t’laisses aller. Et, si vous écoutez bien les paroles de la chanson Comme ils disent, qu’il a écrite en 1972, vous constatere­z qu’il parlait déjà de transgenre et d’homosexual­ité, à une époque où on ne parlait pas de ces choses-là! C’était un sujet tabou, qu’on effleurait à peine en privé. Mais, lui, il a donné la parole à ceux qui souffraien­t en silence.

La France a salué en grande pompe son départ le 5 octobre, en lui faisant des adieux solennels en plein coeur de l’Hôtel des Invalides, à Paris. Un honneur dont peu d’artistes peuvent se targuer. C’était tout à fait mérité pour le grand Charles Aznavour. Une cérémonie somme toute simple, à son image, mais grandiose, à l’image de son oeuvre. Lui qui disait: «Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne plus vivre», vit encore et vivra encore, et pour longtemps. Dans 100 ans, on chantera encore Aznavour. Cent ans, c’est le chiffre magique qu’il aurait voulu atteindre de son vivant. S’il n’y est pas parvenu, parce que le destin en aura décidé autrement, c’est dans la mort qu’il continuera de compter les étoiles jusqu’à dépasser largement le milliard de soleils qui brilleront éternellem­ent sur ses chansons.

Le départ d’Aznavour laisse des millions de personnes dans le deuil, Arméniens, Français, mais aussi Québécois. Aznavour, sans doute le plus Québécois des Français, avait des racines profondes ici, chez nous, où il se sentait aussi chez lui. L’histoire nous rappelle que c’est ici, en compagnie de Pierre Roche dans les années 1950, qu’il a été reconnu pour la première fois comme un artiste émergent.

Aznavour, le dernier des grands, nous a quittés, mais l’a-t-il vraiment fait? Ses chansons résonnent encore et résonneron­t encore longtemps dans le coeur des gens qu’il a touchés par ses paroles sages et mille fois réfléchies. Petit de taille, mais grand d’esprit, à l’image de ses propres racines arménienne­s.

Salut, grand Charles!

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