Échos vedettes

Valérie Guibbaud: elle aborde l’aide médicale à mourir

- Valérie Guibbaud

VOUS VISITEZ VOTRE PÈRE À L’HÔPITAL. ROUTINIER. VOUS GAREZ VOTRE VOITURE DANS LE STATIONNEM­ENT ET PRENEZ VOTRE TICKET QUI INDIQUE 10 H 32. BANAL. VOUS PAYEZ EN QUITTANT À 16 H 32. NORMAL. ENTRETEMPS, VOTRE PÈRE VOUS AURA APPRIS QU’IL A DÉCIDÉ D’AVOIR RECOURS À L’AIDE MÉDICALE À MOURIR ET VOUS AUREZ ASSISTÉ À SON DÉCÈS À 14 H 59. C’EST CE QU’A VÉCU VALÉRIE GUIBBAUD LE 9 MAI 2017.

Valérie raconte tout ça au journalist­e de la façon la plus sereine qui soit. Comme si cet épisode surréalist­e n’avait été qu’un rêve. Pourtant, elle l’a vécu à fond, au point d’en faire un récit, 14 h 59, paru chez Libre Expression. Une réalité assumée.

On connaît la chroniqueu­se culturelle du réseau Cogeco et collaborat­rice à l’émission Marina comme une pétillante jeune quarantena­ire. Un livre ouvert. Et ce livre, elle l’offre aujourd’hui avec fierté. À nous et à son père. «Il a toujours écrit, et son rêve ultime était d’être publié. Souvent, à Noël, ma soeur et moi recevions ses écrits. Il était originaire de France et portait en lui une histoire riche.»

C’était sa façon de s’exprimer. Parce que Monsieur Guibbaud parlait peu. «Je ne le connaissai­s pas, mon père...» Ironie du sort, un an après son départ, elle l’a découvert. «Sa femme, Ginette, me disait qu’il s’inquiétait beaucoup pour moi dans les dernières années. Mais il ne me le disait jamais! Je pensais qu’il ne m’aimait pas. Mais non! Elle m’a tout fait comprendre.»

DES PORTES S’OUVRENT

Il faut dire que Monsieur Guibbaud était bipolaire. «Il n’avait aucune confiance en lui et était infiniment fragile. Parfois, il n’était plus capable d’être avec lui-même. Alors, c’était difficile pour lui d’aller vers l’autre et de s’ouvrir.» Son décès aura permis à Valérie de réaliser à quel point elle pouvait lui ressembler. «Le fait de savoir ça maintenant m’apaise, parce que j’avais plein de questions, mais pas de réponses. Je trouvais ça injuste.»

Ça vaut pour les Guibbaud et ça vaut aussi du côté des Boucher. «Avant, j’avais l’impression que ma soeur, ma mère et moi n’étions pas de la même famille. Je trouvais que je ne leur ressemblai­s pas, qu’on n’avait pas grand-chose en commun. À travers la mort de mon père, j’ai réalisé à quel point on se ressemblai­t. Un décès peut amener une nouvelle vie.» Des portes se sont ouvertes. «Je me suis rapprochée de ma mère et je suis devenue amie avec ma soeur et Ginette qui, pour moi, a longtemps été la maîtresse de mon père. Aujourd’hui, c’est l’une des personnes que j’aime le plus au monde, et je suis heureuse qu’il ait fini ses jours avec elle.»

Au fil de 14 h 59, Valérie lève le voile sur sa famille à travers sa vie d’enfant et d’adulte. Il est question de ses deux enfants, du divorce de ses parents, de sa soeur... Lorsque le décès de son père est survenu, elle avait quitté peu de temps auparavant l’homme qui avait partagé sa vie pendant 14 ans et avait rencontré un nouvel amoureux. «Le point central du livre est mon père. Tous ceux dont je parle dans le livre ont un lien avec lui. Ce n’est pas un livre sur moi.»

C’est aussi un bouquin qui aborde la loi C-14 sur l’aide médicale à mourir. Le Dr Claude Trudel, qui a assisté Monsieur Guibbaud, en signe la préface, et Véronique Hivon, marraine de cette législatio­n, y prête son concours. «On connaît encore peu de choses sur l’aide médicale à mourir. Ma réalité est la réalité de plusieurs, et elle le sera de plus en plus. Si je peux apaiser et rassurer un peu, j’aurai atteint mon objectif.»

LE 9 MAI 2017

Le 9 mai 2017, lorsque Valérie est entrée dans la chambre de son père, elle a vu dans son visage qu’il se passait quelque chose. «Il m’a dit qu’il avait décidé de l’heure à laquelle il voulait partir. C’était carrément surréalist­e. Moi, je ne faisais que lui rendre visite en pensant aller faire ma journée après!» Quatre heures plus tard, entouré des siens, il décédait.

Ses proches l’entouraien­t. «Nous lui tenions la main. Accepter de laisser partir quelqu’un est un geste d’amour pur. On voit la vie et la mort se croiser en douceur. C’est le moment le plus fort auquel j’ai assisté. Plus fort que la naissance de mes enfants, même.»

Oui, Valérie Guibbaud est sereine. En paix. «Je ne lui ai jamais autant parlé que depuis qu’il est parti. Je me sens accompagné­e, même là où il ne serait jamais allé. Son urne est dans un columbariu­m à cinq minutes de chez moi. Chaque jour, je peux passer lui dire bonjour!»

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Avec son père, Gilbert, à l’été 2016.

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