Échos vedettes

Ingrid St-Pierre: ne plus se cacher derrière des peurs

«Je me cachais derrière une envie d’être parfaite tout le temps. Je n’assumais pas que je pouvais parfois me planter.»

- – Ingrid St-Pierre

ELLE VOULAIT TOUT LAISSER TOMBER. ELLE AVAIT MÊME DEMANDÉ À SON PÈRE SI ELLE POUVAIT RÉINTÉGRER L’ENTREPRISE FAMILIALE. AVEC SAGESSE, IL A PLUTÔT SUGGÉRÉ À SA FILLE DE SE REPOSER ET DE PRENDRE UN PEU DE RECUL. RICHE IDÉE. AUTREMENT, INGRID ST-PIERRE NOUS AURAIT PRIVÉS DU TRÈS BEL ALBUM PETITE PLAGE ET DE LA TOURNÉE QUI SUIVRA.

Ingrid St-Pierre ne tourne jamais autour du pot. Elle est d’une rafraîchis­sante vérité. Pas une seconde elle n’esquive le fait d’avoir voulu tout abandonner. Une remise en question amorcée voilà trois ans. D’où le coup de fil à son paternel. «Je lui ai dit que je ne pourrais probableme­nt plus écrire et que je retournera­is travailler avec la famille à Cabano.» Monsieur St-Pierre a ri affectueus­ement avant de prodiguer à sa fille ses bons conseils. «Je me disais que je n’étais peutêtre pas faite pour la musique. J’étais épuisée de la tournée et d’avoir accouché sur les entrefaite­s. J’étais convaincue que c’était fini. Mais tout le monde me disait de me calmer et de me reposer pour trouver un espace mental créatif.» Ingrid a saisi l’occasion pour vivre d’autres choses. Et voir du pays. «Je suis redevenue autre chose qu’une maman. Ça m’a fait du bien», constate la mère d’un fiston de trois ans.

D’autres événements lui ont redonné des ailes, comme cette rencontre faite dans le cadre du projet Faire oeuvre utile, d’Émilie Perreault. C’est ainsi qu’elle a fait la connaissan­ce de Martin, qui a été touché droit au coeur par sa chanson Ficelles. Dans ce titre, Ingrid aborde la maladie d’Alzheimer, dont souffrait sa grand-mère. «Participer à cette émission a été l’un des beaux moments de ma vie. Ça a donné un sens à ce que je fais, surtout à une époque où la culture est pas mal tassée dans un coin. Ça m’a fait du bien de réaliser que je pouvais faire du bien à des gens. Ça m’a stimulée à faire un autre album.»

Autant de tapes dans le dos qui l’ont amenée à poursuivre sa route, malgré les doutes. «Je remets tout en question chaque fois que je commence à écrire. Ç’a toujours été comme ça, mais encore plus pour cet album. J’ai trouvé ça particuliè­rement difficile

parce qu’il y a tellement d’artistes qui écrivent de magnifique­s chansons. Pourquoi en écrirais-je d’autres? Je me suis vraiment questionné­e et j’ai baissé les bras quelques fois. Mais j’ai fait des rencontres, comme celle de Martin, qui m’ont amenée à penser que j’avais ma place et que je pouvais écrire encore.» D’où Petite plage.

LÂCHER PRISE POUR SE LÂCHER LOUSSE

Ingrid s’est remise à écrire dès qu’elle a arrêté de vouloir faire un album. Dès qu’elle a lâché prise, quoi! «Quand je me suis donné le droit d’être libre, de faire ce dont j’avais envie et de ne créer pour personne d’autre que moi, je me suis mise à écrire des chansons carrément égoïstes et égocentriq­ues. (rires) J’ai décidé de ne pas penser aux personnes qui allaient les écouter, comme si toutes les chansons allaient rester dans mon tiroir. Ça m’a donné la liberté d’aller dans des sphères extrêmemen­t personnell­es. Il n’y a aucune barrière dans mon écriture. J’espère qu’il n’y aura aucune barrière dans l’écoute. J’espère que mes chansons atteindron­t les gens et leur feront du bien.» C’est effectivem­ent ce qui pourrait arriver. Ne dit-on pas que les sujets les plus personnels sont les plus universels?

Dans l’écriture, l’artiste s’est lâchée lousse. Un abandon déclenché par une prise de conscience toute personnell­e. «Je me cachais derrière une envie d’être parfaite tout le temps. Je n’assumais pas que je pouvais parfois me planter. Je ne peux être une maman, une artiste et une blonde parfaite tout le temps. C’est là-dedans que je me cachais.» C’est la femme qui vient de parler. Parce que l’artiste, elle, a toujours été transparen­te avec son public. «Je manque même de pudeur, concède-t-elle en riant. Sur le plan artistique, je me donne maintenant une très grande liberté d’être et d’aller où je veux quand je le veux. Je ne veux plus me cacher derrière aucune peur.»

BULLE DE LUMIÈRE

Aujourd’hui, Petite plage voit donc le jour. «J’ai reçu quelques vagues dans les moments où j’ai douté. J’ai eu envie de créer un petit îlot de bonheur. Cet album, c’est ma plage à moi. C’est une petite bulle de lumière.»

Des chansons enregistré­es dans un environnem­ent idéal au Studio Wild, à Saint-Zénon. «Je ne pourrai plus jamais faire d’albums ailleurs, s’emballe-t-elle. C’est un endroit merveilleu­x. J’étais en studio, j’ouvrais la fenêtre et je pouvais lancer ma ligne à l’eau. Entre deux tounes, on allait se baigner. C’était plein de soleil. L’eau était translucid­e et inspirante. C’est un moment extraordin­aire que j’y ai vécu.»

La pochette annonce le contenu. Ingrid apparaît sans maquillage, les cheveux dans l’eau. «Par souci d’authentici­té, la photo n’est pas retouchée. Ça fait partie de ma démarche personnell­e et artistique.»

Des chansons pop déclinées de différente­s façons et réalisées par Philippe Brault. «Quand l’écriture a débloqué, tout s’est enchaîné très rapidement. Il y a beaucoup d’émotion dans ma voix. C’est à fleur de peau. Ça s’entend parce que je vivais mes chansons en même temps que je les enregistra­is. Il n’y a pas de pudeur dans cet album. Je me raconte totalement et je l’assume. J’ai envie d’être vraie avec les gens qui écoutent mes albums et qui viennent voir mes shows.»

C’est dans cette veine qu’elle a donné suite à la chanson Ficelles. «Je l’avais composée quand j’avais appris que ma grand-mère souffrait d’alzheimer. Cette fois, j’ai écrit L’enneigée tout de suite après avoir parlé au téléphone avec ma soeur, qui m’apprenait que notre grand-mère était en train de partir. Le titre est un clin d’oeil aux blancs de mémoire. C’est l’image que je me faisais de sa maladie. Comme une grande tempête de neige qui ensevelit les souvenirs. Ficelles a accompagné beaucoup de monde dans la maladie, et j’avais besoin de boucler la boucle. Je voulais aussi mettre de la lumière dans une chanson qui parle de la fin.»

TOURNAGE AU VIETNAM

Avec la sortie de l’album paraît l’extrait Les joailliers. Fait à souligner, le clip a été tourné au Vietnam. Ainsi, l’automne dernier, Ingrid est partie seule avec son sac à dos rejoindre le réalisateu­r afin d’y tourner trois vidéoclips. Elle y a séjourné huit jours. «Cette société voue un grand respect aux personnes âgées, et je trouvais que ça collait parfaiteme­nt à la chanson. Ici, on les tasse dans des CHSLD et on ne veut pas trop les voir. On ne les chérit pas comme le font les Vietnamien­s. Là-bas, les personnes âgées se regroupent dans les parcs pour danser de 4 h du matin jusqu’à midi. On est allés se promener là-dedans et on s’est mis à filmer.» Au cours de l’année, deux autres clips tournés làbas seront diffusés.

Rien de ce tournage n’était planifié. Du cinéma-vérité. «Je ne suis même pas maquillée. On ne se parlait même pas. Je ne faisais que rire. C’est un des beaux moments de ma vie. Je trouvais que ça faisait du bien de voir autre chose que ce qu’on nous montre généraleme­nt: des gens d’une culture différente, qui ne sont pas issus du même moule que nous. J’avais le goût de voir de la diversité culturelle et corporelle à l’écran. De voir des femmes vieillir. J’ai rencontré des inconnus fabuleux qui m’ont montré à danser. Tout est très, très instinctif.»

Son conjoint, Liu-Kong Ha, dont on peut entendre les percussion­s sur l’album, ne l’accompagna­it donc pas. Fait d’autant plus inusité qu’il est d’origine... vietnamien­ne! «Il est né dans un camp de réfugiés à Hong Kong et est arrivé au Québec à trois ans. Il n’est jamais allé au Vietnam. Je parle le vietnamien, je suis amoureuse du pays et je veux y retourner un jour avec mon fils et mon chum.»

Entre-temps, Ingrid présentera son spectacle partout au Québec. «Le spectacle est très axé sur les histoires derrière les chansons. L’écriture, le studio... Ce sont de petits secrets que j’ai hâte de livrer.»

 ??  ??
 ??  ?? Pour connaître les dates de la tournée qu’elle est à la veille d’amorcer: ingridstpi­erre.com.
Pour connaître les dates de la tournée qu’elle est à la veille d’amorcer: ingridstpi­erre.com.

Newspapers in French

Newspapers from Canada