Échos vedettes

Réal Giguère, monstre sacré

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Réal Giguère a été pour Télé-Métropole ce que Henri Bergeron a été pour RadioCanad­a: un modèle de rectitude, de classe et de profession­nalisme. À sa mort, TVA en a fait ses gros titres. Normal, quand on sait que c’est Réal Giguère qui a donné ses lettres de noblesse à ce qui est devenu «la télévision des Québécois»! Quand TéléMétrop­ole a été fondée, en 1961, c’était pour pallier le manque d’émissions populaires diffusées alors par Radio-Canada. La télévision d’État détenait un monopole et s’adressait à l’intellect savant plutôt qu’à monsieur et madame Tout-le-monde. Ç’a été ce que j’appelle le grand exode… Roger Beaulu lui-même est passé de RadioCanad­a à Télé-Métropole pour y amener un quiz, La poule aux oeufs d’or, en compagnie de Suzanne Lapointe. Oh! Quel scandale!

Il était mal vu à l’époque de quitter la sainte maison mère pour un obscur diffuseur qui ne faisait que distraire le bon peuple. On était dans les années 1960, et cet état de choses a longtemps perduré. Je dirais même qu’il persiste encore. Pourtant, on devrait apprendre de ses erreurs, dans ce milieu particulie­r. Plusieurs changement­s de camp ont été réussis. Qu’on pense à Gilles Latulippe et à Suzanne Lapointe, qui ont tenu la grille horaire du midi à RadioCanad­a pendant plus de sept ans (de 1987 à 1993) à l’animation des Démons du midi. Et pourtant, c’est aux mêmes gens ordinaires que le duo s’adressait, et Radio-Canada n’a jamais craché sur les immenses cotes d’écoute que l’émission lui procurait. C’est sans parler du personnel de création: réalisateu­rs, caméramans, maquilleur­s, décorateur­s, etc. Tout ça était bien normal pour des artisans qui se sentaient étouffés dans la grande maison et à qui on faisait miroiter des possibilit­és attrayante­s dans une plus petite maison, plus ouverte sur le peuple et plus créative, en laissant libre cours au talent.

L’entêtement de la Radio-Canada d’alors à vouloir tout contrôler et aseptiser le produit a tué des monstres de talent comme Olivier Guimond et Denis Drouin, pour ne nommer qu’eux. On se souvient de leur passage plus que douloureux de la télévision populaire à la télévision nationale. Quel gâchis! À toujours vouloir se montrer du bon côté du soleil, on finit par se brûler le visage. Quand un homme comme Réal Giguère disparaît, c’est toute son histoire qui disparaît avec lui. Radio-Canada a terminé par un timide salut son bulletin de nouvelles nationales du 12 février, comme si on ne devait pas souligner le départ d’un compétiteu­r. Et pourtant, ce géant de la télé québécoise aura fait la barbe à bien des beaux parleurs. La directive de faire les choses de cette manière est sans doute venue de haut, car je sais que tous les profession­nels de l’animation, eux, rêvent en secret de connaître une aussi belle et grande carrière que celle de Réal Giguère.

Un monstre sacré de la radio et de la télévision à qui on ne peut que dire merci pour toute cette classe et tout ce bonheur. Respect pour un grand homme. On ne vous oubliera jamais, monsieur Giguère.

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