Échos vedettes

Jean-Pierre Ferland: une nouvelle chanson à 85 ans

− Jean-Pierre Ferland

- SAMUEL PRADIER

DEPUIS PLUS DE 50 ANS, JEAN-PIERRE FERLAND EST ENTRÉ DANS LE COEUR DES QUÉBÉCOIS AVEC DES CHANSONS INTEMPOREL­LES QUI ONT RYTHMÉ NOTRE QUOTIDIEN ET LES GRANDS MOMENTS DE NOTRE PAYS. JUSTE AVANT DE CÉLÉBRER SES 85 ANS, LE 24 JUIN, LE CHANTEUR A REÇU TOUT UN HONNEUR QUAND UNE PLACE PUBLIQUE DE MONTRÉAL S’EST VU ATTRIBUER LE NOM D’UNE DE SES CHANSONS: PLACE DES FLEURS-DE-MACADAM.

L’histoire du Plateau-Mont-Royal, à Montréal, est étroitemen­t liée à celle de la famille de Jean-Pierre Ferland, puisqu’il y est né et qu’il y a longtemps habité. Son père, Armand Ferland, a d’ailleurs été propriétai­re d’une station-service Esso, située au 962, avenue du Mont-Royal Est, qu’il a exploitée de 1937 à 1966. C’est exactement sur l’emplacemen­t de cet ancien garage que la ville a créé la place des Fleurs-de-Macadam, en référence à la chanson du même titre de l’artiste.

UN PÈRE PROPRE ET CHIC

«Le prix de l’essence était 32 cents pour le jaune et 37 pour le rouge, se souvient Jean-Pierre Ferland. Jacques, mon frère aîné et moi, on lavait les autos et on récoltait 25 sous par voiture. On allait régulièrem­ent manger dans le restaurant en face; c’est là qu’on a amené nos premières blondes. Et je me souviendra­i toujours que, lorsque je mangeais mon club-sandwich, je sentais encore l’essence. C’était épouvantab­le!» Il avoue même que, encore aujourd’hui, il met le moins souvent possible lui-même de l’essence dans sa voiture en raison de ses souvenirs olfactifs. «Mais j’ai quand même de bons souvenirs de cette époque. Mon frère Robert, qui est plus jeune que moi, était notre gérant. C’était lui le boss. Me faire donner des ordres par mon jeune frère, ça ne me plaisait pas beaucoup. Mon père était toujours présent au garage, mais il était toujours propre et chic. Il n’a jamais mis les mains sur une pompe à essence.»

DES COUPS PENDABLES

En évoquant l’histoire du garage de sa jeunesse, Jean-Pierre Ferland se remémore inévitable­ment des souvenirs liés à son père, qu’il qualifie de très autoritair­e. «Mon père était un homme extrêmemen­t sévère. Il aimait son garage par-dessus tout. Il a même gagné des prix de propreté, ce qui existait dans le temps et qui était assez étonnant pour un garage. Je me souviens que la toilette était d’une propreté extraordin­aire. Mais c’était nous, les garçons, qui faisions tout le temps le ménage parce que mon père exigeait que ce soit propre.»

Il lui arrivait aussi de faire des coups pendables à son père, comme lorsqu’il «empruntait» sa voiture sur l’heure du midi. «On habitait tout près, au 5089, rue Chambord, près de Laurier. Mon père avait une Buick 1942. Le démarreur était en dessous de la pédale d’accélérate­ur. Quand il venait manger le midi, je descendais doucement l’escalier, je rentrais dans la voiture et je partais faire le tour du pâté de maisons. Quand il repartait, il se demandait souvent pourquoi la batterie était encore à terre. (rires)»

FAIRE HONTE À SES PARENTS

Si Jean-Pierre Ferland était encore trop jeune pour écrire des chansons dans le garage, ses parents ont toutefois pu être témoins de son succès dans le milieu de la musique... et même en avoir honte! «J’avais écrit une chanson grotesque et cochonne qui s’appelle Les framboisie­rs. Le refrain disait: On s’prend le cul pour un framboisie­r / On fait l’amour comme des pieds / Et après on se demande pourquoi / C’est bon mais ça dure pas.» Alors qu’il accompagna­it ses parents à une messe du dimanche, le curé les a pris à partie. «On était tous les trois assis sur un banc. Quand le curé est monté en chaire, il a commencé en disant: “Quand on pense qu’on a des paroissien­s qui écrivent des chansons dégoûtante­s...” Ma mère était rouge comme une tomate, et mon père avait la tête entre les deux jambes. On n’est plus jamais retournés à la messe ensemble.»

TOUJOURS AUSSI CRÉATIF

Jean-Pierre Ferland s’est dit très heureux que la Ville de Montréal honore tant son père qu’une de ses chansons. «C’est un peu irréel pour moi. Ça me donne des frissons. J’avais peur que ma musique et mes chansons ne trouvent jamais leur public. Je n’ai pas vu tout ce qui s’est passé. J’étais plus orienté vers la perfection et mon travail. J’ai travaillé pour avoir du succès et de la reconnaiss­ance, mais je n’arrive pas encore à croire que les gens m’aiment et écoutent mes chansons.»

Avoir 85 ans est aussi une réalité qu’il a du mal à assimiler. «Je n’y crois pas... J’ai de la difficulté à me convaincre que j’ai vraiment 85 ans. Pour être honnête, je dois dire que je n’ai pas vu ma vie passer. Tout est allé très vite.»

Mais ce n’est pas son âge vénérable qui va l’arrêter de créer de nouvelles chansons. «Je viens d’écrire la meilleure chanson de ma vie! Ça s’appelle Le monde de Benjamin. J’ai des amis qui ont un fils autiste de 12 ans, et ils m’ont demandé de lui écrire une chanson. Je l’ai faite pour lui, et je la lui ai chantée récemment. Je l’ai aussi chantée devant des gens la semaine dernière, et tout le monde pleurait. C’est une des plus belles choses que j’ai écrites de toute ma vie!»

«J’ai eu peur que ma musique et mes chansons ne trouvent jamais leur public.»

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 ??  ?? Armand Ferland, le père du chanteur, était roux, et ses amis l’appelaient Ti-Rouge.
Armand Ferland, le père du chanteur, était roux, et ses amis l’appelaient Ti-Rouge.
 ??  ?? Dans les années 1950, le garage Esso de l’avenue du Mont-Royal était très fréquenté.
Dans les années 1950, le garage Esso de l’avenue du Mont-Royal était très fréquenté.
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 ??  ?? L’inaugurati­on de la place des Fleurs-de-Macadam a été l’occasion d’une réunion des frères et soeurs avec, de gauche à droite, Antoine, Anne-Marie, Jean-Pierre, Paul-Émile, Monique et Robert.
L’inaugurati­on de la place des Fleurs-de-Macadam a été l’occasion d’une réunion des frères et soeurs avec, de gauche à droite, Antoine, Anne-Marie, Jean-Pierre, Paul-Émile, Monique et Robert.
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