Échos vedettes

Alain Lefèvre: un appel à notre générosité

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ÇA FERA BIENTÔT 40 ANS QU’IL TRAVAILLE DANS DIFFÉRENTS MILIEUX. ET ON NE PARLE MÊME PAS DE MUSIQUE. IL EST PLUTÔT QUESTION D’ENFANTS DÉFAVORISÉ­S, TRISOMIQUE­S, AUTISTES, OU ENCORE DE PERSONNES ÂGÉES QUI VIVENT DIFFÉRENTE­S SOUFFRANCE­S. TOUJOURS PRÊT À S’INVESTIR DANS UNE CAUSE QU’IL ESTIME NOBLE ET JUSTE. CETTE FOIS, C’EST LE PIANISTE ET HUMANISTE QUI NOUS INVITE. LE 28 SEPTEMBRE EST UNE DATE À INSCRIRE DANS NOTRE AGENDA. ALAIN LEFÈVRE NOUS EXPLIQUE POURQUOI.

Nous rejoignons l’artiste globe-trotteur lors d’une rare journée de repos, au moment où il revient d’une énième série de concerts en territoire européen. Mais, comme d’habitude, sa Jojo et lui ne font qu’y poser leurs valises quelques jours tout au plus. Pas de vacances. «J’essaie de prendre un jour par-ci par-là. On a des propositio­ns de vacances inouïes sur des yachts, mais je suis pris par mon piano, et Jojo, par la paperasse. En même temps, quand on voyage autant, on a le goût d’être dans nos affaires.»

Faut dire aussi — et on n’apprendra rien à personne — qu’Alain Lefèvre est un homme aussi intense que passionné. Son inséparabl­e Jojo l’est tout autant, et elle aussi met les bouchées doubles. «C’est elle qui gère tous les dossiers, maintenant. Par exemple, elle supervise le montage de mon nouveau site Internet. Juste ça, c’est colossal, parce qu’elle prend la décision finale pour chaque photo, chaque mot, chaque détail. Ça lui fait une charge de travail énorme. Et ça n’est qu’une partie de son travail.»

Appelons ça la rançon du succès. Parce que depuis que le pianiste et compositeu­r a signé avec la multinatio­nale Warner Classics, les portes du monde se sont ouvertes à lui. À preuve, My Paris Years, premier album paru sur ce label en avril, a remporté un énorme succès un peu partout. «En juin, après un concert à Paris, j’étais en réunion pendant trois jours avec les gens de Warner Music. Il faut savoir qu’ils font paraître des centaines de disques par année. À un moment donné, l’un des dirigeants de Warner USA a dit qu’il avait rarement vu un tel succès comme My Paris Years, même aux États-Unis. Il a ajouté qu’il me classait parmi les deux ou trois plus grands pianistes du monde. C’est une récompense de travail. Ça me touche au coeur, parce que ce sont des gens qui ont pas mal plus confiance en eux que j’ai confiance en moi.»

FAUTE DE MOYENS

Tandis que son dernier album est toujours demandé, son septième recueil de compositio­ns originales, tout simplement intitulé Opus 7, est déjà en boîte. Et c’est dans un écrin particulie­r qu’il l’interpréte­ra en primeur. «Beaucoup de salles de concert souhaitaie­nt avoir l’exclusivit­é de cette oeuvre.» Mais Alain a décidé de la présenter dans le cadre d’un concert-bénéfice au profit des Foyers de la Création qui aura lieu le samedi 28 septembre à 19 h 30 à l’Église Saint-Pierre Claver, à Montréal.

On vous explique le cheminemen­t qui a conduit à cette décision. Suivez le guide, ça vaut le détour. «Depuis des décennies, j’ai suivi le parcours de certains enfants qui ont des difficulté­s. La société fait beaucoup pour le cancer, par exemple. Il y a des fondations plus “chics” que d’autres. Et je ne m’en plains pas, parce que mes parents sont morts du cancer. Ça attire plus de compassion, d’argent et de publicité. Mais quand on parle d’enfants qui ont des difficulté­s intellectu­elles, ce n’est pas d’actualité. Comme si on ne voulait pas les voir. On ne sait pas ce qui se passe dans leur vie, on ne sait pas comment ils vivent. On oublie même qu’ils vieillisse­nt, et ça m’a toujours perturbé.»

Les Foyers de la Création est un organisme sans but lucratif qui procure un milieu de vie fraternel aux personnes vivant avec une déficience intellectu­elle ou un trouble du spectre de l’autisme. La cause interpelle Alain. Il reprend: «Ce que les gens ne savent pas: il y a de plus en plus de cas de trisomie et de déficience intellectu­elle. Il y a aussi une faute de moyens. Je connais plusieurs parents, dont un gars avec qui j’ai travaillé à Radio-Canada qui a un fils lourdement atteint. C’est très, très dur pour les parents. Ce ne sont pas que les enfants qui souffrent. Les parents et les couples aussi. Cela monopolise une vie. Or, il y a ces endroits, Les Foyers de la Création, où ces enfants devenus jeunes adultes, voire adultes d’un certain âge, vivent dans des maisons. J’ai eu l’occasion d’en visiter. Il y a un manque cruel de moyens. Tous souffrent. J’en ai eu les larmes aux yeux; si bien que j’ai voulu faire quelque chose.»

Ce «quelque chose» est le concert du 28 septembre. Alain s’occupe de tout. «Ça fait 30 ans que je fais du bénévolat pour plein de causes. Là, j’appelle tous mes chums en leur disant: “Ce serait le fun que vous veniez, mais j’aimerais aussi un beau chèque.” Les Foyers n’ont pas une cenne, alors tout le monde m’aide. Piano Héritage me prête non seulement le piano, il paie le transport, et mon attachée de presse ne me demande pas un sou... Tout le monde s’investit et croit en mon rêve, qui est de faire de ce concert un événement.»

LA PREMIÈRE DAME DU QUÉBEC S’EN MÊLE

L’intention est noble autant que la cause est juste. Encore faut-il concrétise­r l’idée. «Tout est difficile. Mais j’ai la chance d’être ami avec le premier ministre François Legault et sa femme.» Il connaît le couple depuis longtemps et, lors de son dernier séjour parmi nous, il était tout à fait à l’aise de demander un coup de pouce à Isabelle Brais, première dame du Québec. «Il y a plusieurs années, j’avais mis sur pied une fondation pour les jeunes trisomique­s à l’école Saint-Pierre-Apôtre. J’avais organisé un concert à l’école. À l’époque, le ministre de l’Éducation était François Legault et, tout à fait par hasard, il visitait l’école au même moment.» Ce fut une rencontre émouvante avec tous les enfants et le pianiste... Le petit événement d’Alain est devenu une grosse affaire, et une amitié entre les deux hommes s’est tissée.

Aussi, le «coup de main» qu’a demandé Alain à la première dame du Québec prend la forme de sa participat­ion au concert-bénéfice à titre de présidente d’honneur. Sa présence ne signifie pas pour autant que le champagne coulera à flots. C’est même tout le contraire. «Mais les crottes de fromage et les chips au vinaigre ne sont pas exclues. Tout l’argent ira aux Foyers afin que ces gens-là aient un peu plus de dignité.»

Les fonds récoltés serviront notamment à réaliser de nouveaux projets, dont la mise en place d’un

plateau de stage, afin de faciliter l’intégratio­n sociale des résidents aptes au travail. De plus, ils permettron­t d’amorcer d’importante­s rénovation­s à l’espace occupé par Les Foyers de la Création, puis d’accueillir de nouveaux membres et d’embaucher d’autres employés. Le prix des billets est on ne peut plus abordable: 25 $ (ou plus, si le coeur vous en dit). Des reçus fiscaux sont disponible­s. On peut réserver nos places à cette adresse: https://lepointdev­ente.com/billets/ff81909280­01.

CONFIDENCE FAMILIALE

Alain Lefèvre se démène comme un diable pour que chacune des 800 places que compte l’église Saint-Pierre Claver soit occupée. À croire que cette cause le touche de plus près qu’il ne le dit. Il semble en faire une affaire personnell­e. Et on ne se trompe pas: il me confie qu’il a une soeur trisomique qu’il n’a jamais connue. «Ma mère l’a eue quand elle avait déjà quatre enfants. Ma soeur était tellement lourdement handicapée qu’elle a été placée... Dans les années 1970, ça n’était pas une exception. Apparemmen­t, elle aurait survécu... Tout ce que je sais, c’est que son prénom est Isabelle. Je ne sais même pas à quoi elle ressemble! Je l’ai cherchée partout, mais en vain. C’était très douloureux pour ma mère d’en parler, même peu avant son décès, alors que j’aurais voulu savoir... Je n’ai pas voulu ajouter à sa peine, qui était déjà immense de l’avoir confiée à la Curatelle publique... C’est la raison pour laquelle je m’implique dans Les Foyers de la Création. Elle est peut-être dans l’une de ces maisons... Cette blessure est la raison pour laquelle je m’occupe de ces enfants-là.» Des jeunes qui pourraient être sa soeur. Ou la nôtre.

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 ??  ?? Paru en avril, My Paris Years est devenu no 1 sur iTunes Canada dès sa sortie. Depuis, entre autres honneurs, il a remporté le Trophée Radio Classique remis par la chaîne française, et Classic FM de Londres l’a inscrit parmi les meilleures nouveautés. Chez nous, ICI Musique l’a nommé dans le Top 30 de son palmarès de mi-année, tous genres musicaux confondus. En primeur, la pochette d’Opus 7, que Warner Classics mettra sur le marché au cours de l’année 2020.
Paru en avril, My Paris Years est devenu no 1 sur iTunes Canada dès sa sortie. Depuis, entre autres honneurs, il a remporté le Trophée Radio Classique remis par la chaîne française, et Classic FM de Londres l’a inscrit parmi les meilleures nouveautés. Chez nous, ICI Musique l’a nommé dans le Top 30 de son palmarès de mi-année, tous genres musicaux confondus. En primeur, la pochette d’Opus 7, que Warner Classics mettra sur le marché au cours de l’année 2020.

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