Claude Gauthier: l’optimiste lucide
CLAUDE GAUTHIER FAIT ATTENTION À LUI. AUSSI, DEPUIS QUELQUES MOIS, A-T-IL QUITTÉ LA VILLE POUR TROUVER REFUGE DANS SA MAISON DES HAUTES-LAURENTIDES. ET C’EST DE LÀ QU’IL NOUS PARLE D’ABONDANCE DU QUÉBEC DONT IL RÊVE TOUJOURS ET DE SON NOUVEL ALBUM QUI CRISTALLISE SES ASPIRATIONS, AUX ENFANTS DE DEMAIN.
C’est qu’il est intarissable, le monsieur! Au téléphone, nous retrouvons un jeune homme de 81 ans dont la voix est aussi belle, ronde et chaude qu’elle l’a toujours été. Rassurant.
Rassurant, parce qu’il faut rappeler qu’en 2011, Claude Gauthier avait dû subir une chirurgie cardiaque. Son séjour à l’hôpital s’était prolongé à la suite d’une pneumonie. Voilà qui mettait abruptement un terme à l’une des plus belles aventures de sa vie: sa participation au spectacle Il était une fois... la boîte à chansons. Cette idée originale de Robert Charlebois lui aura fait partager la scène avec ses potes Pierre Létourneau, Pierre Calvé et Jean-Guy Moreau près de 200 fois. À l’occasion de la 101e représentation, un album double avait été mis sur le marché. Oui, on s’était inquiétés pour lui. Soyez-en assuré, il est plus en forme que la plupart d’entre nous. «Je peux monter et descendre les escaliers à répétition sans être essoufflé! Ces jours-ci, si je me ménage, c’est à titre préventif.»
C’est dans cet esprit qu’il a jugé plus sage de quitter un Montréal à la santé très inquiétante pour se retirer dans ses terres, à Mont-Laurier. «Ma femme est demeurée à Montréal. Elle s’ennuie de ses amies, mais elle est très occupée. Notre plus jeune fils, Geoffroy, prend soin d’elle en faisant les courses et en lui portant attention. Et comme nous sommes grands-parents depuis 18 mois, notre petit Léo l’appelle chaque matin pour lui donner des nouvelles», dit-il en riant, avec tendresse. L’album lui est d’ailleurs dédié, lui qui est le dernier des descendants de la famille Gauthier.
Grand-papa n’est pas laissé à lui-même pour autant. Il partage sa maison de Mont-Laurier avec son fils aîné, Sébastien, infographiste, qui a conçu les pochettes et livrets des derniers disques de son père, dont Aux enfants de demain qui paraîtra le 26 juin en version physique après avoir été lancé le 15 mai sur toutes les autres plateformes.
POUR LA SUITE DU MONDE
Le titre suggère un legs. Il y a de ça. Mais c’est surtout un message d’espoir porté par un homme qui participe toujours au débat. «Je suis de nature optimiste. La première chanson, Québec je t’aime, est un chant d’amour pour ce pays que j’aime tant», précise le créateur du classique Le plus beau voyage. «Le disque se clôt avec Printemps érable, que j’ai écrite dans la foulée des manifestations étudiantes de 2012.»
Un an après avoir connu de graves problèmes de santé, Gauthier avait retrouvé un nouveau souffle grâce à la jeunesse québécoise. Et cette génération l’avait fait rajeunir de quelques dizaines de printemps. Ça lui avait alors fait écrire: «J’avais perdu l’goût de t’écrire / Je ne voulais plus te chanter / T’avais cessé de me séduire / Je n’avais plus l’coeur à fêter.» Les jeunes avaient ravivé la flamme de notre homme.
La jeunesse, la vieillesse, l’ascendance, la descendance... Ces thèmes sont au coeur du 19e album de l’artiste. «J’écris tout le temps», dit celui dont le dernier album de chansons originales, 80 ans et 60 ans de chansons, est à peine âgé de deux ans. «J’ai ce que j’appelle “mes chansons du tiroir”», dit-il avec un clin d’oeil. Et, même si certaines ont été écrites il y a quelques années, elles collent à l’actualité de façon presque prophétique.
Claude Gauthier demeure optimiste, soit, mais il n’est pas jovialiste pour autant. Durant notre entretien, il s’emportera lorsqu’il fera allusion à la formule «Ça va bien aller». «Je trouve ça puéril et naïf. C’est comme si on se fermait les yeux en disant: “Y’a rien là.” C’est terrible, ce qui arrive à nos vieux!» Lorsque Claude Gauthier s’indigne, c’est avec une voix à calmer les orages. Réconfort dans la tourmente.