Échos vedettes

Jean-Michel Vanasse: plaisirs branchés

DEPUIS SEPT ANS, JEAN-MICHEL VANASSE ANIME ET PRODUIT L’ÉMISSION PLANÈTE TECHNO, À EXPLORA. QUANT À MARILOU ETHIER, ELLE A NOTAMMENT ANIMÉ, AVEC LAURA-GABRIEL, LE BALADO FEMMES À MARIER. LES DEUX COMPLICES PROPOSENT UNE NOUVELLE SÉRIE DOCUMENTAI­RE TRÈS PA

- PAR FRANCIS BOLDUC

SEXE+TECHNO,

Jean-Michel, quelle est la genèse de la série documentai­re que vous animez? Une équipe de producteur­s de Moncton m’a contacté il y a deux ans. À ce moment-là, je cherchais à élargir mes horizons et à montrer d’autres facettes de ce que je peux faire. Je voulais sortir de ma zone de confort, et je pense que c’est ce qui est arrivé avec Toutefois, je ne voulais pas que ce soit une émission dans laquelle on teste des jouets sexuels, par exemple. Ce n’était pas l’objectif de cette série documentai­re.

Décrivez-nous cette série...

permet de voir comment la technologi­e a changé la sexualité avec le temps. Ce que c’était avant, ce que c’est maintenant, en 2021, ce vers quoi on s’en va et ce que ce sera dans 10, 20 ou 30 ans. On tente d’imaginer l’avenir en se basant sur ce qu’on connaît en ce moment. C’est la meilleure façon de décrire la série. Chaque épisode a une thématique. Par exemple, une émission est consacrée aux rencontres dans le monde virtuel, une autre parle des modificati­ons pour mieux performer et une autre traite d’accompagne­ment pour combler la solitude. Cette dernière émission est une de celles que je trouve des plus fascinante­s. Dans le passé, on parlait de la fameuse poupée gonflable, qu’on a souvent vue dans les films ou dans les soirées d’enterremen­t de vie de garçon. Maintenant, il y a des robots sexuels connectés. On parle de tout ça et on explique, sans jugement. C’est vraiment une quête pour comprendre ce qui se passe et ce qui s’en vient.

À qui s’adresse cette série?

Ça s’adresse à tout le monde. Ce qui est super intéressan­t, c’est que des rôles se sont créés naturellem­ent entre Marilou et moi. Marilou est la fille très curieuse de voir tout ce qui se passe dans le domaine des applicatio­ns de rencontres, de la pornograph­ie et des jouets sexuels. Moi, je suis le père de famille qui voit parfois un peu tout ça d’un oeil étrange. Je pense représente­r une partie du public cible, et Marilou, l’autre partie. Ça s’adresse à tous les curieux. Je crois que les gens qui tomberont sur l’émission vont l’écouter jusqu’à la fin, parce qu’elle est rythmée et dynamique. Ce n’est pas voyeur, au contraire: ça va éveiller une certaine curiosité et ça traite de sujets dont on parle un petit peu moins en temps normal.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris, avec tout ce que vous avez traité dans la série?

L’ouverture des gens qu’on a rencontrés. On a fait une table ronde durant un tournage, et j’ai senti que les participan­ts étaient beaucoup plus ouverts que je l’aurais cru à parler de sexualité, de pornograph­ie et de jouets sexuels. Je croyais que ça allait être plus tabou que ça l’a été. Je pense toutefois que les gens sont quand même assez conservate­urs, mais qu’ils comprennen­t vers quoi on s’en va.

Et vers quoi s’en va-t-on quand on parle de sexe et de techno?

En ce moment, la relation la plus intime que les gens ont dans leur vie, ce n’est pas avec leur conjoint ou conjointe, mais avec leur téléphone intelligen­t. Leur téléphone est au courant de leurs secrets. La prochaine étape: cette relation ira audelà du téléphone pour combler d’autres besoins. C’est un peu vers ça qu’on s’en va. La technologi­e est tellement entrée dans nos vies que, pour plusieurs personnes, le contact humain ne sera plus nécessaire. Elle comblera aussi tous les autres besoins.

On a tous ressenti, au printemps dernier, l’onde de choc qu’a provoquée le départ de Dany Turcotte de son poste de fou du roi à

L’homme n’était tout simplement plus capable de supporter la pression exercée par l’autre plateforme qui s’est greffée, au fil du temps, à la télévision classique: les réseaux sociaux. Doit-on parler de fléau, de mode ou d’évolution? Personne n’aurait pu s’imaginer, il y a 40 ou 50 ans, voir une personnali­té aussi marquante que Dany Turcotte quitter une émission phare de la télé au Québec, et même ailleurs. Bien sûr, les Jacques Normand

Jacques Fauteux ou même Joël Denis — ceux-là mêmes qui avaient le mandat d’ajouter leur grain de sel à une conversati­on entre deux autres personnes — recevaient eux aussi leur lot de critiques. Ce n’est pas toujours facile de plaire en faisant le pitre. À l’époque, avant le Net et les réseaux sociaux, la critique se faisait cependant de façon plus civilisée, la plupart du temps par courrier ou sous forme de critique ou d’analyse — pour ceux qui avaient le privilège d’avoir un micro ou une chronique dans un journal. Cette façon de faire permettait de mieux accepter les critiques négatives, en raison du temps passé entre le crime et sa dénonciati­on.

Aujourd’hui, cette façon de faire est révolue; rien que d’en parler tient du folklore. Passons à l’ère moderne, soyons de notre temps. De nos jours, quiconque veut faire de la télé doit avoir suivi un cours de survivalis­te. Il n’est plus possible de penser faire le métier d’animateur, de coanimateu­r, de critique, d’observateu­r ou même de spécialist­e en quelque matière que ce soit, sans s’attendre à se faire critiquer (ce qui, en soi, est très bien). Attention! Sur les réseaux sociaux, toutefois, il ne s’agit plus de critiques constructi­ves; grâce à l’anonymat que procure cette plateforme, certains s’en donnent à coeur joie. On est loin des centaines de lettres signées que recevaient les réseaux de télévision, à l’époque. Qu’elles fussent constructi­ves ou destructri­ces, toutes ces critiques étaient importante­s à l’avancement de la production.

Dany Turcotte a connu cette époque. Et même s’il savait — ou, du moins, se doutait — dans quoi il s’embarquait, il était certaineme­nt loin de se douter des dégâts que pouvaient causer quelques dizaines ou centaines de malpolis, voire imbéciles, qui s’amusent à faire du mal tout simplement pour voir la réaction de leurs victimes. Donner un clavier à ces inconscien­ts, c’est donner les clefs de sa voiture à un singe dans une plantation de banane. On est loin d’avoir fini avec ces fous du mal. Il faut apprendre à vivre avec eux. L’imbécile est partout, et il est sournois. Mais pour moi, il est nécessaire: il me permet de m’évaluer. Dany Turcotte a bien fait de ne plus accepter la violence. C’est ce qu’on crie sur tous les toits. En se retirant, il démontre qu’il est le plus fort. En coupant les vivres à ces monstres, il les empêche de se nourrir.

Mais qui veut prendre sa place? On cherche... Que celui ou celle qui s’assiéra dans sa chaise soit prévenu: il faut être fort pour affronter une armée d’imbéciles. La meilleure arme demeure l’indifféren­ce, et c’est ce que le prochain fou du roi devra faire: ne pas être assez fou pour les nourrir. Il devra être juste assez fin pour les ridiculise­r, car même anonymes, ces imbéciles se reconnaiss­ent. Petite carte: «Un fou qui sait qu’il est fou est moins fou qu’un fou qui ne sait pas qu’il est fou!»

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada