Échos vedettes

LOUISE LAPARÉ ET GASTON LEPAGE SE SOUVIENNEN­T...

- JEAN-FRANÇOIS BRASSARD

EN 1972, L’AUTEUR CLAUDE JASMIN PUBLIE LE ROMAN À CARACTÈRE AUTOBIOGRA­PHIQUE LA PETITE PATRIE. SOUS LA HOULETTE DU RÉALISATEU­R FLORENT FORGET, RADIO-CANADA LE TRANSPOSE À L’ÉCRAN ET, DE 1974 À 1976, 75 ÉPISODES SONT DIFFUSÉS. EN COMPAGNIE DE LOUISE LAPARÉ ET GASTON LEPAGE, REPLONGEON­S DANS LE MONTRÉAL DES ANNÉES 1940, AU COEUR DE LA FAMILLE GERMAIN.

Ces jours-ci, ARTV rediffuse cette délicieuse série dont l’intrigue se situe entre 1945 et 1948 dans le quartier de La Petite-Patrie, à Montréal. Frappons à la porte du rez-de-chaussée du 7068, rue Saint-Denis, où loge la colorée famille Germain. On y retrouve le père, Edmond (Jacques Galipeau), la mère, Gertrude (Gisèle Schmidt), et leurs quatre enfants, interprété­s par Vincent Bilodeau, dans le rôle de Clément, alter ego de Claude Jasmin, Louise Laparé, Christiane Pasquier et Louise Rinfret.

C’est dans le demi-sous-sol qu’Edmond exploite son modeste restaurant de quartier, où les habitués se donnent rendez-vous. C’est là aussi que, sporadique­ment, le rejoint son frère, le jovial Léon, un employé des chemins de fer interprété par René Caron. La fratrie compte un autre membre, Édouard, père missionnai­re en Chine, qui revient au pays un peu plus tard dans la série.

DEUX JEUNES DÉBUTANTS

Cet Édouard est l’aîné des trois frères, et il a la particular­ité d’être campé par Gaston Lepage, qui à l’époque n’a que... 25 ans! L’acteur rappelle les circonstan­ces qui ont conduit à son embauche: «Le réalisateu­r Florent Forget enseignait au Conservato­ire d’art dramatique, où j’étudiais. Après que j’ai gradué, il m’a offert un rôle, mais j’ai dû décliner. L’automne suivant, il m’a rappelé en me disant qu’il avait un texte pour moi. J’y ai trouvé toutes sortes de choses, mais je ne me suis pas trouvé là-dedans. Je l’ai rappelé en lui disant: “Je pense que vous vous êtes trompé de texte.” J’avais 25 ans, et il voulait me faire jouer un membre du clergé qui venait de passer 25 ans en Chine! Je n’en revenais pas... Il m’avait déjà vu jouer des rôles de compositio­n au Conservato­ire et il croyait en moi.» En riant, il ajoute: «Ma mère était très fière, et elle pensait que j’étais millionnai­re parce que j’avais fait une émission de télé!»

Une autre qui débute dans le métier est celle qui, cinq ans plus tard, deviendra son amoureuse: Louise Laparé. Elle non plus n’a pas à auditionne­r pour décrocher le rôle de Lucie Germain. «C’est tout à fait par hasard que je me suis retrouvée dans cette émission. J’étais à Radio-Canada pour aller chercher ma chum Francine Ruel. Sur les entrefaite­s est passé Maurice Falardeau, qui était à la direction des émissions dramatique­s.» Ils échangent quelques mots, mais les choses n’en restent pas là. «J’ai appris par la suite que c’est lui qui a parlé de moi au réalisateu­r, Florent Forget.»

Déjà, les premiers rôles sont attribués à Gisèle Schmidt, Jacques Galipeau et Vincent Bilodeau. «Vincent était déjà un grand ami à moi, reprend Louise. On a étudié à la même école en même temps.» Se greffent ensuite les autres membres de la famille Germain ainsi que tous les personnage­s secondaire­s et épisodique­s. La chimie entre eux opère sur-le-champ. «Dans mon souvenir, instinctiv­ement, dès le début des répétition­s, le plaisir a été de la partie.» Elle ajoute: «Ce sont des souvenirs précieux, parce que beaucoup de grands comédiens sont apparus dans l’émission.» Elle fait allusion à Gilles Pelletier, Denise Pelletier, Jean-Pierre Masson et Gilles Pellerin, parmi plusieurs autres. «Pour nous qui commencion­s dans le métier, c’était merveilleu­x de voir ça! On était impression­nés, mais on n’avait pas assez d’oreilles et d’yeux pour capter tout ce qui se disait et toutes les histoires qu’ils contaient.»

UNE ÉQUIPE EN OR

Lorsqu’on regarde aujourd’hui les épisodes de cette série vieille de 47 ans, on est frappé par la complicité qui unit les comédiens. Ça sent le bonheur! «On doit donner un crédit énorme à Florent Forget, qui avait créé une équipe formidable, des technicien­s aux comédiens», reprend Louise Laparé. Elle donne un exemple: «Dans la deuxième saison, mon personnage accouchait à la maison. Le bébé qu’on voit à l’écran est le fils de ma cousine, qui avait donné naissance deux semaines plus tôt. Quand il est arrivé en studio, seule la pièce où on tournait était éclairée. Parce qu’il y avait le bébé, l’atmosphère du plateau avait changé. Tout le monde chuchotait. Tous étaient d’une délicatess­e absolue pour ne pas réveiller le petit.»

Chaque fois qu’une scène délicate survenait, l’équipe se serrait les coudes. Elle fait remarquer: «C’est ce que j’ai appris de mon métier. Et, très honnêtemen­t, je m’ennuie de ça. Aujourd’hui, les conditions de travail ne sont pas toujours dans cet esprit de création, de respect et de profond plaisir.» Et la vie continue...

Louise, tout comme Gaston, garde un souvenir émouvant de Gisèle Schmidt. «Elle était tellement...» Les mots lui manquent, puis se bousculent à la sortie: «Le respect, le plaisir, la générosité et un brin de folie à travers tout ça. Gisèle était tellement comique! L’humour a été notre liant, bien que chacun l’exprimait différemme­nt. Jacques Galipeau était pince-sans-rire, mais il savait toujours trouver le mot qui faisait que tout le monde craquait.»

La comédienne devient intarissab­le lorsqu’il est question de Mme Schmidt. Elle lui voue toujours une profonde affection. «Je pense qu’une grande partie du succès de la série lui est attribuabl­e. Quand je revois les émissions, je la regarde jouer et je me dis: “My God! Elle était plus grande que nature!” Elle avait quelque chose qui venait nous chercher directemen­t au coeur. Il y avait dans cette émission-là une quête de vérité toute simple.»

Gaston abonde dans son sens. En souriant: «C’était une feel good émission. Elle posait un regard sur les années 1940 qui permettait d’apprendre des choses. Ça rassure de voir que, dans ce temps-là, on ne pensait pas si différemme­nt d’aujourd’hui.»

42 ANS D’AMOUR

C’est sur ce plateau que Louise Laparé et Gaston Lepage se sont connus. Mais il leur a fallu un autre cinq ans avant qu’ils ne commencent à se fréquenter. C’était le 24 novembre 1979, jour de l’anniversai­re de Louise. Ils étaient tombés dans les bras l’un de l’autre, et ce conte de fées dure depuis 42 ans.

Si plusieurs des comédiens de La petite patrie sont aujourd’hui décédés, le couple LaparéLepa­ge a toujours entretenu une relation serrée avec Vincent Bilodeau et sa conjointe, Andrée Cousineau. Louise et Gaston sont même la marraine et le parrain de Sophie, leur premier enfant! «On s’est encore vus la semaine passée», dit Louise. «Et après la fin de l’émission, j’ai longtemps loué des maisons avec Louise Rinfret.»

Oui, la famille Germain de La petite patrie a permis à ses artisans de créer des liens solides.

 ?? ?? La famille Germain devant son logement. Rangée du bas: Gisèle Schmidt, Louise Laparé et Louise Rinfret. Rangée du haut: Jacques Galipeau, Christiane Pasquier et Vincent Bilodeau.
La famille Germain devant son logement. Rangée du bas: Gisèle Schmidt, Louise Laparé et Louise Rinfret. Rangée du haut: Jacques Galipeau, Christiane Pasquier et Vincent Bilodeau.
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En 2018, deux jeunes tourtereau­x au coeur de leur 39e année d’amour.
 ?? ?? C’est jour de noces pour Roland et Lucie (Michel Forget et Louise Laparé). Entre les nouveaux mariés, on reconnaît Gaston Lepage sous les traits d’Édouard.
C’est jour de noces pour Roland et Lucie (Michel Forget et Louise Laparé). Entre les nouveaux mariés, on reconnaît Gaston Lepage sous les traits d’Édouard.
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 ?? ?? À son retour au Canada après 25 ans d’exil, Édouard Germain devient le centre d’attraction de la famille. Dans l’ordre habituel: Gisèle Schmidt, René Caron, Vincent Bilodeau, Louise Rinfret et Gaston Lepage.
À son retour au Canada après 25 ans d’exil, Édouard Germain devient le centre d’attraction de la famille. Dans l’ordre habituel: Gisèle Schmidt, René Caron, Vincent Bilodeau, Louise Rinfret et Gaston Lepage.
 ?? ?? Sous les yeux de ses parents, Vincent Bilodeau et Andrée Cousineau, Sophie est portée par sa marraine, Louise Laparé, lors de son baptême.
Sous les yeux de ses parents, Vincent Bilodeau et Andrée Cousineau, Sophie est portée par sa marraine, Louise Laparé, lors de son baptême.
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L’auteur, Claude Jasmin. À table avec Clément, Lucie et Gertrude.

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