Échos vedettes

Une grande amitié les unissait «RENÉ A ÉTÉ UN COMPAGNON EXTRAORDIN­AIRE»

- J.-F.B.

C’est d’abord leur passion pour le golf qui a favorisé la solide et indéfectib­le amitié entre René Angélil et Michel Bergeron. Et, bien sûr, celle du hockey. «René était un grand partisan du Canadien. Quand il y avait une confrontat­ion avec les Nordiques, je le voyais parfois et il me disait: “Je n’ai pas le choix, Michel, c’est mon club depuis le Rocket.” Il admirait Maurice Richard.» C’est donc sur les verts que leur relation est née. «C’était un compétiteu­r et un gambler; moi aussi, je l’étais. On jouait souvent l’un contre l’autre.»

Puis René et Céline ont quitté le Québec pour s’établir d’abord en Floride, et à Las Vegas ensuite. «On est toujours demeurés amis malgré la distance. Il nolisait un avion pour moi et me disait: “Amène cinq ou six golfeurs!” Et, quand on y allait, Céline prenait soin de ma femme. Elles jouaient aussi au golf ensemble.»

René Angélil ne buvait pas d’alcool. La nourriture était son péché mignon. «Dans les restos, il était incroyable­ment généreux avec le personnel, et il l’était autant au golf avec les caddies. Guy Lafleur était aussi généreux. Comme René, il ne laissait jamais les autres payer. Les gens à table ne voyaient même pas l’addition arriver. L’un comme l’autre l’avait réglée discrèteme­nt.»

Le Tigre a dirigé le Démon blond lorsqu’il a fait son retour au jeu avec les Rangers de New York durant la saison 1988-1989 de même qu’en 1989-1990 avec les Nordiques. Les anciens adversaire­s du début de la décennie ont ainsi appris à se connaître plus intimement et à s’apprécier davantage.

Ce qu’on sait peut-être moins, c’est qu’un lien indicible unissait le trio de choc AngélilLaf­leur-Bergeron. Michel raconte: «Lorsque le Canadien a voulu que Guy devienne l’un de ses ambassadeu­rs, j’étais présent quand celui-ci a demandé à René de négocier son contrat. René adorait Guy et il avait accepté ce mandat avec une grande fierté. René a su que Darryl Sittler gagnait plus cher que Guy pour remplir le même rôle à Toronto, et il trouvait ça injuste. Il voulait que Guy soit payé à sa juste valeur. Au bout du compte, il a eu ce qu’il méritait et tout le monde était content!»

DES REGRETS

D’un premier mariage avec Louise, il a eu une fille, Anick. Puis, au coin d’une rue, il éprouve un véritable coup de foudre pour Michèle, qui a de son côté deux enfants, Sophie et Francis. Ensemble, ils auront Karine. L’homme de 75 ans se montre vulnérable lorsqu’il est question des siens, qu’il estime avoir négligés. «Quand je parle de ma famille, je deviens émotif, surtout parce que j’ai des regrets. Je ne m’en suis pas trop occupé... Si ça n’avait pas été de ma femme... Heureuseme­nt, les quatre enfants ont formé une belle famille. Il y avait une belle chimie entre eux. Encore là, c’est ma femme qui s’en occupait. Si elle n’avait pas voulu venir à New York, je n’y serais pas allé. C’est elle qui a tout pris en charge, et ça représenta­it d’énormes changement­s sur tous les plans: médical, scolaire, bancaire... Et les enfants ne parlaient pas anglais. Elle a vu au bien-être de la famille et s’occupait de tout. Pendant ce temps, je faisais du hockey. Que ce soit à Québec ou à New York, je faisais la même job. Je pense que les enfants m’en veulent un peu, mais on ne peut pas revenir en arrière.»

Durant toute sa carrière derrière le banc d’une équipe de hockey, le Tigre se devait de gagner. «Dans le hockey profession­nel, si tu ne gagnes pas, tu perds ta job. J’ai eu à me battre toute ma vie.»

Ça a commencé dès le premier jour, alors qu’il venait d’être nommé coach des Draveurs de TroisRiviè­res, de la Ligue de hockey junior majeur du Québec. «Je suis arrivé et les joueurs ont fait la grève pendant trois jours. Ils ne voulaient pas jouer pour moi. Puis je suis arrivé dans la Ligue nationale de hockey à 34 ans. Il y avait des joueurs de mon âge! Je n’avais jamais joué dans la LNH, et le respect, je ne l’ai pas eu automatiqu­ement. Ç’a été une vie tough. Le respect ne s’achète pas. Je devais travailler et prendre les bonnes décisions. Au bout du compte, il fallait que je gagne.»

UN TRÈS SÉRIEUX AVERTISSEM­ENT

De passionné de hockey qu’il était, le Tigre en est devenu obsédé et n’avait la tête qu’à ça 20 heures sur 24. Une carence de sommeil, combinée à trop de café et de tabac, à une alimentati­on inadéquate et à un stress ingérable, l’a conduit à faire un infarctus le 1er décembre 1990 à seulement... 44 ans! Il s’en souvient comme si c’était hier. «Quand j’étais dans l’ambulance, je pensais à mon père. Lors d’une fête familiale

chez ma soeur, il avait fait un AVC et en est décédé. Il avait 47 ans et j’en avais 24... De son côté, plusieurs membres de la famille sont décédés à la suite de problèmes cardiaques. C’est génétique et j’étais le parfait candidat.»

Le fait de perdre son père à un si jeune âge l’a suivi. «Tout au long de ma carrière, lorsque j’ai été nommé coach à Trois-Rivières, à Québec ou à New York, j’ai toujours eu une pensée pour lui en me disant qu’il aurait été fier de moi et content.»

Plusieurs fois lors de notre entretien, Michel Bergeron fera allusion à ses parents. S’il décrit son père comme un homme calme, il en va tout autrement de sa mère. «Mon exubérance et mon sens du spectacle viennent d’elle. C’était une joueuse de cartes. Dans la famille, on a tous un côté gambler. Dans ma jeunesse, j’étais assez grouillant. Au hockey, j’étais intense et agressif. J’ai joué toute ma vie. Une chance que j’ai rencontré ma femme!»

RIEN QU’UN JEU?

À la suite de ce très sérieux avertissem­ent de santé, le Tigre a changé ses habitudes de vie, mais sa passion pour le hockey est demeurée intacte. Il a amorcé sa seconde carrière, celle d’analyste et de commentate­ur, au début de la décennie 1990. À CKAC, il coanimait une émission avec Danielle Rainville, et à TVA, faisant équipe avec Richard Garneau, il était analyste des matchs des... Canadiens! «Même si les premières années ont été difficiles, j’ai eu beaucoup de plaisir avec eux. Ils se servaient de mon expérience et je me servais de la leur. Mais, d’un camp d’entraîneme­nt à l’autre, il fallait que je me répète que je n’étais plus entraîneur-chef. Ça m’a pris trois ou quatre ans pour me dire que ma carrière de coach était derrière moi.»

Puis, en 2010, le Tigre revenait à ses premières amours par l’intermédia­ire de La Série Montréal-Québec, diffusée à TVA. «Ça ne devait être qu’un jeu, mais dès la première période du premier match, j’ai retrouvé mon esprit de compétitio­n, et ce n’était plus qu’un jeu.» Le hockey coule dans ses veines...

Aujourd’hui, à 75 ans, Michel Bergeron prend enfin du temps pour lui et sa famille. Avec Michèle, ses quatre enfants et ses petits-enfants, il profite davantage de la vie. Et même s’il ne peut revenir en arrière, il leur donne le meilleur de lui-même.

LE RÊVE...

L’homme a une vie qu’il aime et dont le petit Bergeron n’aurait jamais rêvé lorsqu’il grandissai­t à Ville Saint-Michel. Et s’il exprime le regret d’avoir négligé ses proches, il admet aussi avoir commis des erreurs à titre d’entraîneur-chef. «J’ai plus d’un regret. J’ai fait tellement d’erreurs... J’ai fait des déclaratio­ns incendiair­es... Avec les joueurs, j’étais parfois un peu dur», admet-il en ajoutant en avoir fait pleurer plus d’un.

Malgré tout, il cultive un rêve qu’il n’assouvira, hélas, jamais. «Mon plus grand regret est de ne pas avoir gagné la Coupe Stanley pour les partisans de Québec. Pendant les huit ans où j’ai coaché les Nordiques, les gens ont été tellement bons pour moi... Ils ont été sensationn­els! Quand je vais à Québec, ils me donnent encore de l’amour. Dans mes rêves les plus fous, j’imagine une parade sur Grande-Allée. Ç’aurait été formidable!»

 ?? ?? Michèle et Michel Bergeron foulant le tapis rouge du Gala Artis en 2018. Cette année-là, il était nommé dans la catégorie Animateur ou animatrice d’émissions de sport.
Avant de rencontrer sa femme, Michel avait eu une fille, Anick (en haut à gauche). De son côté, Michèle avait déjà deux enfants, Sophie (en bas à gauche) et Francis (en haut à droite). Ensemble, le couple a eu Karine (en bas à droite). Une famille parfaiteme­nt constituée et... reconstitu­ée!
Michèle et Michel Bergeron foulant le tapis rouge du Gala Artis en 2018. Cette année-là, il était nommé dans la catégorie Animateur ou animatrice d’émissions de sport. Avant de rencontrer sa femme, Michel avait eu une fille, Anick (en haut à gauche). De son côté, Michèle avait déjà deux enfants, Sophie (en bas à gauche) et Francis (en haut à droite). Ensemble, le couple a eu Karine (en bas à droite). Une famille parfaiteme­nt constituée et... reconstitu­ée!
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 ?? ?? Guy Lafleur, un ami pour toujours. Jacques Lemaire, l’ennemi juré.
Le 27 février 2011 au Colisée de Québec, à l’occasion de la tournée d’adieu de Guy Lafleur, les deux hommes échangeaie­nt une poignée de main empreinte de respect.
Guy Lafleur, un ami pour toujours. Jacques Lemaire, l’ennemi juré. Le 27 février 2011 au Colisée de Québec, à l’occasion de la tournée d’adieu de Guy Lafleur, les deux hommes échangeaie­nt une poignée de main empreinte de respect.

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