LA GENÈSE D’UNE ICÔNE
Ses créateurs rêvaient d’une forme solide et durable dont la finesse frôlerait l’invraisemblable. Avec le tabouret C401, l’improbable s’est matérialisé pour mieux s’incarner dans une collection intitulée Filé doux.
PARFAIT. Formellement parlant, le tabouret C401 est parfait. Devant l’étonnante finesse de sa structure pourtant solide et pérenne, face à la pureté et la fluidité de sa silhouette, à la précision de son assemblage et à la noblesse de sa matière, l’observateur a les sourcils bien haut hissés. Il lui suffit, en effet, d’avoir recherché ce type d’assises pour mesurer la somme d’éléphants roses et d’engins jouqués que le marché propose. Alors, en présence de cette «chose», le commun des mortels est forcément médusé.
Il faut avouer que devant le très abouti et le méticuleux, on a souvent un réflexe bête (lire navrant): on le croit venu d’ailleurs. Du Japon, ou du Danemark. Mais non! Le C401 (C pour chaise, 4 pour la catégorie tabourets et 01 parce que c’est le premier qu’ils ont créé) est une création de Jason Burhop (Kastella) en association avec Étienne Dugal. L’idée de départ: dessiner un meuble de petite taille et le soumettre à la 9e édition des Grands PrixduDesign en 2016. Ce qui fut fait et récompensé.
« On aspirait à une forme épurée, se souvient Jason, mais suffisamment complexe pour être difficile à reproduire. On n’avait pas du tout dans la mire l’idée de le commercialiser; sa production exigeante laissait entrevoir une marge de profit trop négligeable. Alors, on a conçu le tabouret en fonction de nos seules envies et valeurs, sans préoccupations commerciales.»
Les valeurs auxquelles l’artisan réfère rejoignent les quatre piliers qui gouvernent encore aujourd’hui son entreprise, Kastella, soit encourager notre économie locale tout en ayant la plus faible empreinte écologique possible (l’entreprise s’approvisionne en
forêts FSC de régions proches, dans le Nord- Est et le Midwest américains, ainsi qu’au Canada), travailler avec des bois nobles, évoluer dans le respect d’un idéal esthétique contemporain et ne jamais compromettre la qualité d’un objet produit.
« En 2003, dans l’atelier- boutique, il y avait ma mère, nouvellement à la retraite, et moi», s’amuse Jason. La PME est aujourd’hui enracinée sur 1400 m2 (15 000 pi2) dans un espace bordant le parc des Gorilles dans le Mile- Ex. Elle regroupe 23 employés.
DE TRONC D’ARBRE À BRINDILLE
On dit qu’à force de rechercher la perfection, on obtient l’excellence. Il a fallu nombre de prototypes au C401 pour atteindre la justesse de ses proportions actuelles. Le diamètre de l’assise a été amplifié et ses pattes se sont affinées. Selon l’essence de bois, le petit meuble oscille aujourd’hui entre 10 et 15 livres, un juste poids qui l’empêche de chuter trop facilement.
Sous le disque galbé, si ce n’était de la jonction du piètement qui révèle une rupture dans le grain du bois, on pourrait croire le tabouret sculpté, voire moulé d’une pièce. Quant au reposepied, proposé en laiton ou en inox et usiné avec l’introduction d’une partie plane, il a imposé son contraste matériel en toute fin de parcours. Finalement, chaque courbe et chaque mesure ont leur raison d’être, aussi fonctionnelle qu’esthétique, jusqu’à l’arrondi des pattes qui assure leur protection au sol.
Maintenant, est- ce que le C401 est pur confort? À travers l’histoire, le tabouret a toujours été un outil transitoire — basique dans les étables pour la traite des vaches, ouvragé dans les salons pour la pratique musicale, tournant dans les bars et les diners. Il est aujourd’hui un passage obligé autour de l’îlot de cuisine. La réponse de Jason: « Il est assez surprenant. L’assiette circulaire de son siège machiné et la fluidité de ses arêtes font que l’on se meut sur lui sans aucune contrainte. Si bien que ses adeptes représentent un large spectre en termes d’âges et de contextes.» Reste qu’il est exempt de dossier, d’appuie- bras et de recouvrement capitonné. Hé, la beauté a un prix! On pourrait s’étendre tout du long sur un divan Le Corbusier pour élucider la question puisque Jason n’a pas que des scies et des ciseaux, il a aussi un bac en psycho!
«OBSERVÉ DANS LE DÉTAIL, LE TABOURET C401 TÉMOIGNE EN TOUS POINTS DE QUI ON EST!»
— Jason Burhop