Bons souvenirs en stock « Les émotions et la remémoration positives contribuent à un bon état de santé général. »
Se créer un «Pinterest» mental de moments heureux est non seulement possible, mais souhaitable pour nous aider à construire notre bonheur. Deux experts nous expliquent l’abc de la remémoration positive — juste à temps pour survivre au stress des fêtes.
Peine d’amour, décès d’un proche parent, déception professionnelle... Ces épisodes douloureux se traversent plus facilement lorsqu’on peut puiser en soi des réminiscences réconfortantes, qui consolent et aident à mieux vivre. Un Noël particulièrement chaleureux, un coucher de soleil spectaculaire sur la plage, un coup d’éclat au boulot. Vous savez, «la fois où...» vous vous êtes senti comme ceci et vous avez ressenti cela, et combien c’était merveilleux? Ce sont tous ces moments qu’il faudrait préserver de l’oubli pour mieux faire face aux mauvaises passes de l’existence. Car, comme le chantait si bien Diane Dufresne: «Un souvenir heureux est plus vrai bien souvent que le bonheur.»
En cette époque qui nous a donné de fabuleux outils comme Instagram ( où l’on conserve nos clichés favoris) ou encore Facebook (qui, grâce à sa fonction fait ressurgir sur notre page des bribes de notre passé), force est d’admettre que l’on carbure quelque peu à la nostalgie. Aussi, pour nous aider à faire remonter à la surface nos plus doux souvenirs, voici les conseils de deux spécialistes: la psychologue montréalaise Caroline Cohen et le neuropsychologue français Guillaume Vallet. Pouvez-vous nous éclairer sur le fonctionnement de la mémoire? Caroline Cohen: La mémoire utilitaire permet d’apprendre et de retenir des gestes fondamentaux, qui sont devenus presque automatiques, comme ceux de notre routine matinale (arriver au bureau le matin, poser son sac sur le classeur, aller se chercher un café...). Cette même mémoire fait également en sorte que nous n’ayons pas à nous concentrer sur notre rythme cardiaque ou notre déglutition ni à réapprendre tous les jours à traverser la rue au feu vert, par exemple. La mémoire «des souvenirs», elle, est émotionnelle. Elle renferme tout ce qui a forgé ce que nous sommes aujourd’hui, notre vécu et la charge affective qui s’y rattache: l’amour reçu de nos parents, nos vacances en famille, une victoire sportive, mais aussi une trahison, une humiliation. L’inconscient, pour sa part, représente un réservoir de souvenirs oubliés. Certains y seraient enfouis pour nous protéger, car s’ils remontaient à la conscience, ils viendraient perturber notre équilibre. Ils se manifestent néanmoins à travers les lapsus, les rêves, mais aussi la somatisation [lorsqu’un état psychologique a un effet sur notre état physique]. De même, dans un processus normal, un souvenir malheureux est éventuellement relégué à l’arrière-plan pour laisser la place à d’autres souvenirs, plus supportables. Comment pouvons- nous utiliser les expériences positives du passé, engrangées dans notre «disque dur », pour mieux faire face aux difficultés du présent? C. C.: Les expériences positives permettent d’affronter plus sereinement la vie quotidienne, car elles sont comme une ancre qui stabilise notre psychisme. Pour réactiver ce vécu positif et utiliser son potentiel, on peut tenter de le recréer [voir l’encadré Je me souviens]. Pour des souvenirs qui seraient trop profondément enfouis dans notre inconscient, de l’aide peut s’avérer nécessaire: hypnose, thérapie de la pleine conscience, psychanalyse, etc. La remémoration positive a- t- elle d’autres effets qu’un bon état d’esprit? Guillaume Vallet: Oh, oui! Le bienêtre et les souvenirs positifs sont associés à un meilleur fonctionnement gastro-intestinal, à un rythme cardiaque plus lent, ainsi qu’à un niveau de stress moins élevé. Des études ont aussi démontré que les personnes fréquemment déprimées avaient une
Le neuropsychologue et chercheur Guillaume Vallet nous propose quelques lectures édifiantes sur les thèmes du bonheur, des souvenirs et du mieux-être. «Une base commune à ces ouvrages, dit-il, est d’être en accord avec soi-même, de réduire les exigences que nous avons vis-à-vis de nous-mêmes et de prendre du temps pour soi, notamment en faisant de la méditation en pleine conscience.» C Del’artdubonheur (L’Iconoclaste), Imparfaits, libresetheureux (Éditions Odile Jacob) et Etn’oublie pasd’êtreheureux (Éditions Odile Jacob), du psychiatre Christophe André.
Lapuissancedelajoie (Fayard), du philosophe Frédéric Lenoir.
Lelivredelamémoire (Dunod), du grand spécialiste que fut le professeur émérite Alain Lieury.