ELLE (Québec)

DANS LES COULISSES D’UN CHEF-D’OEUVRE

- DANIELLE LAURIN, chroniqueu­se livres

C’est une sculpture célèbre dans le monde entier. Mais qui a servi de modèle à cette Petite danseuse de quatorze ans sculptée par Edgar Degas il y a plus de 135 ans? L’écrivaine française Camille Laurens se penche sur la vie de la jeune fille demeurée à peu près inconnue.

Prix Fémina 2000 pour Danscesbra­s-là et, plus récemment, auteure de Celleque vouscroyez, la romancière revêt dans LA PETITE DANSEUSE DE QUATORZE ANS des habits d’essayiste. Malgré le peu d’informatio­ns disponible­s, elle ambitionne de rester au plus près de la vérité dans son enquête. Pas d’invention. Quelques suppositio­ns tout au plus, quand le doute s’installe.

Ce qui semble sûr: Marie Geneviève Van Goethem, sachant à peine lire et écrire, provenait d’une famille d’immigrés belges accablée par la pauvreté. Comme ses deux soeurs, elle était entrée enfant à l’Opéra de Paris en tant que petit rat, en échange de maigres rétributio­ns. L’une finirait par devenir professeur­e de danse, l’autre allait se frotter à la prostituti­on et faire de la prison pour vol. Quant à celle qui poserait à répétition pour Degas, elle allait bientôt être congédiée de l’institutio­n pour cause d’absences fréquentes. Son parcours, ensuite, demeure flou.

Camille Laurens s’attarde à décrire les conditions de vie misérables de la jeune ballerine, tout en s’immisçant dans les moeurs de l’époque. Les danseuses avaient alors très mauvaise réputation; l’Opéra de Paris était considéré comme un lieu de perdition. Ce qui expliquera­it, en partie, que lors de sa première exposition publique à Paris en 1881, La petite danseuse de quatorze ans, posée dans une cage de verre, vêtue d’un vrai tu tu en tulle, chaussons de danse aux pieds et ruban de satin dans les cheveux, ait fait scandale. «Pourquoi est-elle si laide?» se demandait-on. On reprochait au sculpteur d’aller à l’encontre des convention­s. De ne pas faire de l’art, tout simplement. Mais aux yeux de Camille Laurens, fascinée par ce chef-d’oeuvre: «Il s’agit bien pour Degas, avec cette sculpture, de susciter un étonnement, un choc salutaire qui ouvre la conscience du spectateur en lui présentant non pas une oeuvre élégante destinée à flatter son goût esthétique, mais le drame d’une société, auquel il contribue .»( Éd. Stock. En librairie le 6 octobre .)

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