L’attente

Un coin perdu, au bord de la mer. Une famille étrange, rustre, repliée sur ellemême. De l’incommunicabilité. De la sauvagerie. De la dureté. De la misère. Et du sexe – de l’inceste – sans complexe. Bienvenue dans LE CORPS DES

BÊTES, troisième roman d’Audrée Wilhelmy après Les sangs, finaliste du Prix des libraires du Québec et du Prix France-Québec en 2014. C’est moins sanglant, moins violent que l’opus précédent de l’auteure de 32 ans, mais c’est tout aussi dérangeant.

Mie, l’héroïne, a 12 ans. Elle n’a jamais fait l’amour, mais fantasme en songeant aux ébats des animaux. Elle attend Osip, son oncle, le frère de son père. «Je veux que tu m’apprennes le sexe des humains», lui a-t-elle dit. Quoi, où est le problème? Osip lui-même ne pratique-t-il pas le sexe avec la mère de Mie, sans que son père s’en offusque. Même la mère de Mie semble consentante aux visées de sa fille. En tout cas, elle ne réagit pas quand la petite lui lance: «J’ai demandé à Osip de me prendre comme une femme.»

Plus on avance, plus on a l’impression que ça déraille. On est loin, très loin du réalisme plat, et plutôt plongé dans une sorte de fable intemporelle, noire, crasseuse, rocailleuse. Et sensuelle, charnelle. Contrastée, en fait. Portée par une écriture inventive, audacieuse, d’une précision chirurgicale. Forte, très forte, cette singulière Audrée Wilhelmy. DANIELLE LAURIN, chroniqueuse livres