ELLE (Québec)

DIX JOURS DE FIÈVRE

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«Elle n’a jamais connu une telle fulgurance. Lui non plus.» Elle, Élisa, jeune femme sombre de 20 ans, et lui, Olav, de 10 ans son aîné, se rencontren­t lors d’une fête populaire. UN JOUR, JE TE DIRAI TOUT, roman bref et intensémen­t charnel de la metteure en scène Brigitte Haentjens, raconte leur corps à corps amoureux dans un temps suspendu. Nous sommes quelque part sur une île nordique, où défilent des paysages ouateux. «L’eau, le ciel et la terre se fondent l’un dans l’autre, empiètent l’un sur l’autre, sans frontière distincte, s’offrant au regard dans un fastueux camaïeu de gris bleutés.» Nous sommes dans le désir pur, libre, foudroyant. Dans le plaisir sans retenue, la jouissance en boucle, page après page. «Ils saisissent tout avec la même avidité, la même gourmandis­e, le désir, ses délices, ses épiphanies.» S’intercalen­t ici et là des passages en italique, qui nous font entrer dans l’univers trouble de la jeune femme. Flash-back de sa vie à Paris, où elle est aux prises avec un père dominateur et violent, dont elle compte bien s’affranchir. On la découvre habitée par la noirceur d’écrivaines au destin tragique, comme Virginia Woolf, Sylvia Plath, Sarah Kane ou Nelly Arcan. De l’homme, on sait peu de choses. Sinon que ce Montréalai­s d’origine hongroise ne peut se défaire de son histoire familiale liée aux camps de la mort. Et que sa mère est gravement malade. L’auteure trouve les mots justes, à fleur de peau, pour dire la passion brûlante, incommensu­rable, qui traverse ces deux êtres abîmés. Pour dire la fin abrupte de leur histoire aussi, alors qu’au bout de 10 jours la séparation est devenue inévitable: «Elle souffre, aussi ardemment qu’elle a désiré Olav, de tout son corps, de chaque fibre de sa peau abrasée par la friction inlassable de leurs épidermes, la fusion totale de leurs êtres durant ces dix jours de fièvre.» (Boréal) DANIELLE LAURIN, chroniqueu­se livres

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