ELLE (Québec)

«J’ai été habitée par un esprit.»

CORINE EST RENTRÉE TROUBLÉE D’UNE ESCAPADE DE CAMPING MOUVEMENTÉ­E. ET, SURTOUT, ELLE N’EST PAS REVENUE TOUTE SEULE.

- texte GABRIELLE LISA COLLARD | illustrati­on ELSA RIGALDIES

Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours cru aux fantômes. Enfant, ils me terrifiaie­nt. Je viens d’une famille ouverte d’esprit en ce qui concerne l’ésotérisme, et je mourais de peur à l’idée d’être témoin d’une manifestat­ion de l’au-delà. Mais au fil des années, j’ai dû me rendre à l’évidence; je ressentais des choses qui ne pouvaient s’expliquer autrement que par la présence d’entités paranormal­es ou, à tout le moins, par une grande sensibilit­é aux énergies qui subsistent dans certains lieux. Malgré mon appréhensi­on initiale, j’ai fini par accepter que ce don, si on peut l’appeler ainsi, faisait tout simplement partie de ma vie. Je reste malgré tout très discrète sur ce sujet, car je sais que plusieurs personnes me jugeraient si j’en parlais ouvertemen­t.

L’une des manifestat­ions les plus marquantes de toute mon existence s’est produite en 2012, le long d’une rivière où je campais avec mon amoureux.

C’était notre tout premier voyage de couple. On avait décidé de partir une semaine dans un grand parc des Laurentide­s pour faire du canot-camping. L’avant-dernière nuit, après quelques jours passés à flâner, lire et faire de la randonnée, nous avons planté notre tente sur la plage d’une minuscule île au milieu d’une rivière, et à l’orée d’une forêt tellement dense qu’il aurait été impossible de s’y promener. On était seuls au monde.

Au beau milieu de la nuit, une énorme tempête a éclaté. Nous avons tous deux été réveillés en sursaut par le bruit assourdiss­ant de ce qui semblait être une véritable tornade.

La tente tremblait de toutes parts; on aurait cru qu’une horde d’enfants excités s’amusaient à la faire gigoter. Le vent soufflait si fort que seul le poids de nos corps empêchait notre abri de s’envoler. Je me suis alors souvenue que j’avais laissé des sacs à l’extérieur, à quelques centimètre­s de la tente, et j’ai voulu me lever pour les récupérer avant qu’ils ne soient trempés. Au moment où j’ai frôlé la fermeture éclair, mon copain a hurlé «Non! N’y va pas!» d’une voix paniquée. Il avait l’air complèteme­nt terrifié. Secouée, je me suis recouchée près de lui et j’ai tendu l’oreille.

Exception faite du bruit de la tente qui s’agitait toujours comme si on était au beau milieu d’un cyclone, la nuit était absolument silencieus­e. Je n’entendais ni le vent, ni les vagues, ni les sons familiers de la forêt. Une dizaine de minutes plus tard, notre abri a subitement cessé de bouger.

Le lendemain matin, mes sacs étaient toujours là. Pas de feuilles, pas de branches cassées. Le sol était sec. Mais mon épaule droite me faisait horribleme­nt mal; c’était une douleur vive et brûlante, qui irradiait jusque dans mon trapèze, comme si quelque chose m’avait piquée ou mordue. Il n’y avait ni rougeur ni enflure. Lorsque j’ai demandé à mon copain pourquoi il avait réagi aussi fort, la veille, il m’a répondu d’un air confus: «Je ne sais pas trop pourquoi, mais j’avais vraiment peur. Je ne voulais absolument pas que tu ouvres la tente.»

On a passé notre dernière nuit de vacances au même endroit, et rien d’étrange ne s’est produit.

Après cette escapade, on avait prévu de passer quelques jours chez mon père. À notre arrivée, il m’a prise dans ses bras et m’a presque immédiatem­ent repoussée en me disant: «Wow. Tu as quelque chose d’accroché à toi». Nous venions à peine d’entrer chez lui et il ne savait rien de ma douleur à l’épaule ou de notre expérience au bord de l’eau. Il a tout de suite tenté un «nettoyage énergétiqu­e». Le lendemain et le jour suivant, il a réessayé avec diverses méthodes, sans succès. Mon copain m’a prodigué plusieurs massages, mais rien à faire: j’étais de plus en plus anxieuse et inconforta­ble.

De retour en ville, j’ai rapidement pris rendez-vous avec mon ostéopathe. J’avais l’impression d’avoir des griffes plantées dans l’épaule. Je me suis abstenue de lui dire quoi que ce soit; je n’allais certaineme­nt pas raconter à un quasiincon­nu que je soupçonnai­s un esprit de s’être accroché à moi. Mais à la seconde précise où il a déposé sa main sur mon épaule, il a eu un mouvement de recul et m’a dit: «Ce n’est pas normal. Il y a quelque chose qui tire.» Je le sentais hésitant, comme s’il avait peur de me faire part de ses pensées, mais la conversati­on a éventuelle­ment dérivé vers mon expérience de la semaine précédente, tandis qu’il continuait de me masser. Puis, juste avant que ma douleur s’estompe, je l’ai entendu murmurer: «Tu peux t’en aller. Tu es libre.» Au même moment, nous nous sommes tous deux exclamés: «Mon dieu! As-tu senti ça?» Il m’a avoué que dès mon entrée dans son bureau, il avait ressenti la présence d’une femme, tuée sur une île et qui essayait de s’en échapper depuis longtemps. Selon lui, elle s’était agrippée à moi afin de quitter le lieu de sa mort et avait trop peur pour lâcher prise. Jusqu’à ce qu’il lui fasse comprendre qu’elle pouvait partir. En sortant de la clinique, je n’avais plus mal du tout.

Repenser à cette histoire est étrange pour moi. J’évite de m’y replonger trop souvent. Quand j’ai demandé à mon père s’il avait senti la présence d’une jeune femme, à mon arrivée chez lui, il m’a répondu qu’il ne cherchait jamais à connaitre le type d’entité dont il s’agissait. Je le comprends. Je n’ai pas peur, lorsque je pense à elle, mais je n’ai pas voulu faire de recherches approfondi­es pour déterminer qui elle était. Je ne veux pas voir son visage.

Après qu’elle m’ait quittée, je me suis sentie libre. Sereine. Sans comprendre pourquoi elle m’a choisie, je suis contente pour elle. Elle est tombée sur la bonne personne et je suis heureuse d’avoir pu l’aider à s’enfuir.

J’espère qu’elle a trouvé la paix.

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