VILLAGE MORT DEBOUT
Simon perd la vie dans un accident de voiture. Un suicide, c’est clair. L’onde de choc frappe l’ensemble de la petite communauté d’Irénée-les-Neiges, un village mort debout, peuplé de désenchantés et dirigé par une mairesse butée et xénophobe. C’est là le point de départ et le décor du formidable et très inspiré RÉPERTOIRE DES VILLES DISPARUES, onzième long métrage de Denis Côté, qui sera présenté en compétition officielle au Festival de Berlin avant d’atteindre nos écrans en mars. Le réalisateur de Curling et de Vic + Flo ont vu un ours nous ramène sur son terrain de jeu de prédilection, la campagne, où cette fois les morts reviennent tourmenter les vivants...
Pourquoi cet intérêt marqué pour le monde rural dans votre oeuvre? Mon imagination s’active beaucoup plus à la campagne. C’est un champ des possibles sans fin et un lieu de tous les excès. Dans mon esprit, c’est là où les gens font les mauvais coups, cachent les secrets ou vivent tout simplement les aventures les plus entières. En ville, je ne saurais pas vraiment où planter ma caméra et je connais trop bien les codes. Je ne me perds pas. La campagne est une jolie page blanche pour moi.
Les revenants qu’on retrouve dans le film font beaucoup penser aux zombies de Les Affamés de Robin Aubert. Qu’est-ce qui les distingue à votre avis? Robin a fait un travail merveilleux. Il a réfléchi au film de genre, à ses clichés, à son héritage que j’aime beaucoup. Mais Répertoire des villes disparues a un vernis moins cool, et les fans de films d’horreur n’éprouveront pas le même plaisir à décortiquer ses trouvailles. Oui, les morts reviennent au village – réellement et métaphoriquement – mais je les utilise comme prétexte pour mieux parler des vivants, de leur résistance au changement et à la différence, de leur peur de l’autre.
Quelles étaient vos sources d’inspiration? Je pense qu’au onzième long métrage, on ne s’abreuve plus beaucoup du travail des autres. On cherche davantage à se bousculer soi-même. Très frontalement, je dirais que la lecture du roman poétique Répertoire des villes disparues de Laurence Olivier, ma principale inspiration, a coïncidé avec l’arrivée des premières vagues de migrants à Lacolle. Le scénario s’est déployé autour de cette inquiétude, ridicule par moments. J’avais envie de créer en périphérie de ce phénomène et de ce débat.