STYLE DE VIE
Périple sur la côte atlantique.e
Au départ de Bordeaux, découvrir le littoral atlantique réserve son lot de découvertes et d’enchantements. Notre collaborateur l’a sillonné en famille à bord d’une autocaravane, et il a (presque) tout aimé de son expérience.
Il est 22 h, les lueurs du couchant rosissent ce qu’il reste de la bouteille de vin, plantée dans une dune de sable. Malgré l’heure tardive, il fait étonnamment clair, et plusieurs flâneurs sont affalés en attendant la conclusion du spectacle offert par le soleil; mes enfants, eux, laissent filer le sable entre leurs doigts, seul témoignage du temps qui passe. Car ici, sur l’immense DUNE DU PILAT, le temps semble suspendu. Bizarrerie géographique qui s’élève aux abords de l’Atlantique, cette colossale montagne de sable s’étire sur 3 km. Du haut de son sommet, on se sent à la fois en plein désert et en bord de mer, une expérience qu’on ne peut vivre qu’en peu d’endroits sur Terre. Et parce que nous séjournons au camping Panorama, nous avons un accès direct à cette merveille à toute heure du jour et de la nuit. Aménagé au coeur d’une pinède, il domine l’Atlantique, ses plages et ses langues de sable. Un point de chute idéal pour entamer une virée en autocaravane – le bon vieux camper ou camping-car, comme disent les Français. Pendant un peu plus d’une semaine, nous avons longé la Côte d’Argent et la côte basque, à bord de notre «maison roulante». Un périple en famille qui nous a permis d’explorer différemment ce coin de pays, avec son lot de «Oh!» et de «Bah...».
ARCACHON ET LE CAP FERRET
Pas facile de circuler avec un bahut de sept mètres de long, encore moins de trouver du stationnement. En chercher un dans la ville d’hiver d’Arcachon s’avère pourtant agréable tant les splendides résidences Belle Époque pullulent. Autrefois érigées pour recevoir l’aristocratie britannique et des vacanciers en mal d’air iodé, elles sont toutes plus ravissantes les unes que les autres. Après cette balade architecturale dans ce quartier haut perché, nous mettons le cap sur... le CAP FERRET, situé en face du bassin d’Arcachon. La traversée en navette maritime dure moins d’une heure et dès notre approche, les lieux fleurent bon les huîtres. Et pour cause, les ostréiculteurs se comptent par centaines dans les sept villages de microcabanes où on déguste ces perles vivantes arrosées d’un p’tit blanc frais. Le secteur des «44 hectares», lui, a plutôt été investi par les célébrités, dont Philippe Starck, Audrey Tautou, de même que Guillaume Canet et Marion Cotillard, dont l’amour des lieux date d’avant le tournage du film Les petits mouchoirs, en 2009. C’est d’ailleurs en reniflant un peu que nous quittons ce petit coin de paradis encore sauvage pour poursuivre notre périple.
DU CAP FERRET À MIMIZAN
«Pardon, vous pourriez bouger de là? J’ai loué cette maison pour deux semaines et votre camping-car m’obstrue la vue!», de s’indigner une dame. Nous sommes dans le joli village balnéaire de MIMIZAN, et la seule vue que nous obstruons est celle qui donne sur le trottoir d’en face... où il n’y a rien à voir. Cette anecdote illustre bien lque les autocaravanes ne sont pas toujours bienvenues en France. D’abord, il est interdit de se garer n’importe où pour passer la nuit; ensuite, les stationnements dédiés sont souvent situés loin des attraits. Et quand on trouve enfin un emplacement, il faut parfois composer avec l’humeur des résidents. «D’accord, madame, je vais me garer juste là, devant la vue de votre voisin.» Cela fait, nous enfourchons nos vélos pour une virée dans l’immense pinède qui borde Mimizan. La Côte d’Argent est couverte de pins maritimes, et la forêt que nous traversons sur fond de chants de cigales est si jolie que mes deux rejetons en oublient les pentes à gravir pour gagner le joli lac d’Aureilhan, qui a de petits airs de par chez nous. «On se croirait au Québec!», s’exclame Fiston. Sur place, ma fille et moi partons en quête de doux effluves en parcourant la Promenade Fleurie, où 300 espèces florissantes bordent un étang dans un cadre éminemment pastoral. De retour à Mimizan – où Coco Chanel se réfugiait dans les années 1930 –, nous concluons la journée sur l’immense plage pour admirer «l’écume scintillante comme un métal précieux», comme le disait le journaliste Maurice Martin, à qui on doit l’expression «Côte d’Argent». Le lendemain, au moment de reprendre la route, je constate que notre lourd véhicule s’est enlisé dans l’emplacement mou du camping. Ni une ni deux, trois gaillards rappliquent avec pelles et plaques de métal pour nous extirper de là en cinq minutes. Finalement, le sable, c’est comme la neige, mais en plus chaud.
LA CÔTE DU SURF AUX PORTES DU PAYS BASQUE
Connue pour ses pimpantes maisons à colombages aux volets bleus, verts ou sangde-boeuf, ses immenses férias du mois d’août et son fameux jambon cru, BAYONNE
est tout aussi réputée pour son chocolat. C’est par ici que la divine friandise a été introduite en France, quand des Juifs espagnols et portugais se sont établis dans la capitale culturelle basque. Depuis, la ville a sa Guilde des chocolatiers, son Académie du chocolat et... Cazenave. Fondée en 1854, cette chocolaterie n’a pas changé d’un iota depuis: les porcelaines, vieilles tables et splendides vitraux sont d’origine, tout comme le goût des fameux chocolats chauds mousseux et des chocolats à la cannelle. Plus au sud, SAINT-JEAN-DE-LUZ forme une pétulante ville balnéaire au ravissant patrimoine et aux mille délices. Chez Pierre Oteiza, les charcuteries sont si fraîches qu’on peut presque les entendre braire, tandis qu’à la Maison Adam, on fabrique les mêmes macarons que ceux qui étaient servis au mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse, en 1660. Non loin de là, la Maison Pariès prépare de délectables muxus (macarons doubles) et de succulents kanougas (caramels tendres). Ne reste plus qu’à franchir le fleuve côtier de la Nivelle pour gagner la commune de Ciboure et faire une sarabande devant la maison natale de Maurice Ravel, auteur du Boléro. Le lendemain, l’invitante plage d’HENDAYE est hélas livrée aux averses, alors nous empruntons les (très) étroits chemins basques pour atteindre le craquant village d’ESPELETTE, aux façades couvertes de guirlandes de piment, pour ensuite faire escale à SARE,
l’un des plus beaux villages de France, pétri de vieilles pierres et de murs chaulés. Non loin de là, nous montons enfin à bord du petit train panoramique, un teuf-teuf à crémaillère qui permet d’atteindre la RHUNE,
un sommet culminant à 905 mètres, à cheval sur la France et l’Espagne. D’un côté, la mer se dévoile; de l’autre, les Pyrénées s’élèvent; entre les deux, à deux heures de route vers le sud, on devine Bilbao et son fabuleux musée Guggenheim. Mais ce sera pour une autre fois, puisqu’il faut maintenant rendre le motorisé et remonter vers Bordeaux. «Dis papa, on pourrait retourner sur la dune du Pilat?» ● «Les enfants, ça vous dirait d’aller à la plage des Culs Nus?», dis-je, alors que nous approchons d’HOSSEGOR. Je blague: en lieu et place de la plage de nudistes, je préfère la plage principale, qui me rappelle Cape Cod, dans cette mecque française du surf. Mieux, cet ancien haut-lieu de la vie mondaine me donne encore plus envie de passer en revue les 400 ravissantes villas basco-landaises de la ville, avant de me gaver (encore) d’huîtres autour du lac salé d’Hossegor. Mais le spectacle des jeunes surfeurs à la peau mordorée vaut lui aussi le détour, depuis une terrasse de la place des Landais, là où on peut autant voir et être vu que boire et être repu. Ce sera cependant le restaurant Tante Jeanne qui aura le fin mot de la journée, avec ses glaces dégoulinantes de décadence. À quelques dizaines de kilomètres plus au sud s’étend BIARRITZ, qui se targue (elle aussi) d’être la capitale européenne du surf. Autrefois «reine des plages et plage des rois», cette cité chic, cool, mais jamais cul pincé était jadis fréquentée par les têtes couronnées d’Europe, qui s’y sont fait bâtir de luxueux pied-à-terre. Aujourd’hui, on se balade la tête en l’air entre les demeures à l’architecture éclectique, converties en gîtes ou en appartements de luxe, avant de pénétrer à l’intérieur de l’ancien palais impérial, devenu l’Hôtel du Palais, pour prendre le thé à défaut d’y prendre une chambre.