LANGUE FOURCHUE

Réagissant aux accusations d’abus sexuels portées contre son ami le père Bernard Preynat, le cardinal de Lyon Philippe Barbarin avait prononcé en conférence de presse ce lapsus devenu célèbre en France: «La majorité des faits sont prescrits, GRÂCE À DIEU». Les faits en question se seraient produits au cours des années 1980 et 1990, alors que Preynat était moniteur scout. Le délai de poursuite pour agression sexuelle étant de 20 ans, la majorité de ses victimes alléguées sont aujourd’hui sans recours. Ce qui arrangeait, sinon l’Église, à tout le moins le cardinal, dont le procès pour non-négociation d’agression sexuelle a eu lieu en début d’année. C’est pour libérer la parole des victimes que François Ozon a écrit et réalisé GRÂCE À DIEU. Le cinéaste, dont la majorité des films sont centrés sur des personnages féminins forts (8 femmes, Potiche, Jeune et jolie), focalise ici son attention sur trois profils masculins contrastés, interprétés par Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud. Issus d’horizons divers, ces hommes ont composé de façon différente avec la meurtrissure vécue dans leur enfance. À travers leurs parcours successifs puis croisés, Ozon raconte leur combat intérieur et leur dialogue de sourds avec le diocèse de Lyon. «Je me sentais obligé d’être à la hauteur de leur combat, de ne pas trahir leur cause», déclarait François Ozon en conférence de presse du Festival de Berlin, où son film a été projeté en première mondiale en février, avant sa sortie en salle en France. Se défendant de chercher à parasiter le processus judiciaire en cours (le procès de Preynat est imminent), Ozon réplique: «Tout ce que je raconte est documenté, toutes les déclarations sont tirées de verbatims qui ont été rendus publics. […] Nous n’avons pas fait un film politique proposant des solutions. Au contraire, c’est un film citoyen dans lequel on pose beaucoup de questions.» À voir dès le 5 avril.