ELLE (Québec)

ÉCRIRE POUR SURVIVRE

- C. L.

Marie-Pier Lafontaine est arrivée dans le monde littéraire québécois comme un coup de poing. Chienne, une autofictio­n habile, déstabilis­ante et nécessaire – parce que la violence perdure en ce bas-monde – dépeint une famille dominée par un père sadique. Devenue adulte, la fillette abusée mord avec sa plume en guise de crocs. Après la parution de cette bombe qui a tant fait jaser, maintenant que la poussière est un peu retombée, où en sont les réactions autour du livre?

Après la parution de Chienne, dont il a été abondammen­t question dans les médias, comment votre famille a-t-elle réagi?

Je ne suis plus en contact avec ma famille depuis plusieurs années. Et ce ne sont pas des littéraire­s… Mais ce livre ne s’adresse pas à mes parents, je l’ai plutôt dédié à ma soeur. Elle est très contente du livre. Eux… je m’en fous un peu, je suis très loin, ils ignorent ce que je deviens.

Les lecteurs, les hommes, vous ont-ils fait part de leurs commentair­es?

Le conjoint d’une amie, père d’une petite fille, m’a écrit pour me dire que c’est le livre le plus violent qu’il a lu dans sa vie. En tant que père, il a été bouleversé. J’avoue que je ne pense pas trop aux hommes quand j’écris. Ça m’a surprise et touchée.

Pourquoi tenez-vous tant à mentionner que Chienne n’est pas un témoignage, mais bien une autofictio­n?

Je ne veux pas qu’on nie la liberté que j’ai prise dans le projet et qui est ma quête intime et féministe. La littératur­e est un espace où j’ai le droit d’en prendre. Quand on me pose des questions sur la vérité dans le projet, j’ai l’impression qu’on m’éloigne de ce que je veux faire et qu’on oublie la liberté que j’ai prise par rapport au réel.

Avez-vous vécu l’écriture et la publicatio­n comme une délivrance?

Je ne pense pas avoir vécu une libération par rapport à mon vécu. Depuis que j’écris que je travaille sur la violence. Quand j’ai fait approuver la version finale, j’ai eu un gros rush d’émotions mélangées, mais j’étais très fière de moi, contente d’avoir mené ce projet jusqu’au bout. Je me sentais libérée par rapport à l’écriture. J’ai eu l’impression d’avoir enfin trouvé ma propre voix. Ce n’est pas un texte de délivrance, c’est un texte de survie.

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