ELLE (Québec)

L’ÂGE DE RAISON

- TEXTE JESSICA DOSTIE

Gros plan sur les femmes qui décident d’afficher leur âge sans artifice.

Les INTERVENTI­ONS ESTHÉTIQUE­S n’ont jamais été aussi accessible­s – et populaires. La plus récente compilatio­n fait état de quelque 23 millions de procédures en tout genre réalisées en 2018 à travers le monde: une hausse fulgurante de près de 30 %au cours de la dernière décennie. Prenant le CONTREPIED de cette tendance de fond, certaines choisissen­t d’AFFICHER LEUR ÂGE sans artifice aucun. Diagnostic d’un phénomène.

Lilianne, 55 ans, est du nombre. «Les rides, ce n’est pas si mal», confiet-elle. Cette jeune grand-mère s’en tient à un maquillage discret – un trait de crayon, du rouge à lèvres – et à sa crème hydratante. Rien de plus.

Genèse d’une tendance En dépit des apparences, l’obsession de l’éternelle jeunesse n’est pas propre au 21e siècle. La tyrannie du paraître imprégnait déjà les croyances il y a des centaines, voire des milliers d’années. Bien avant Instagram ou la télé en HD! Dans la mythologie romaine, par exemple, la déesse Junon se baigne chaque année dans la fontaine de Jouvence, réputée pour ses vertus régénératr­ices. Il n’y a pas si longtemps encore, au siècle dernier, l’épouse modèle attendait que son mari soit endormi pour se démaquille­r, appliquer son cold cream en couche épaisse et installer ses bigoudis, puis se levait aux aurores afin de paraître fraîche et dispose au réveil de son homme. «C’est comme si le malaise et la pression étaient déjà là, mais qu’ils ont été amplifiés par les médias sociaux, fait remarquer la psychologu­e Stéphanie Léonard. On vit à une époque où il n’y a jamais eu autant de moyens pour atteindre les critères de beauté [dictés par la société] et où le taux d’insatisfac­tion corporelle n’a jamais été aussi élevé.»

De l’autre côté du miroir Il y a quand même quelque chose de contradict­oire dans le fait que le recours aux interventi­ons – effractive­s ou pas – connaisse un essor sans précédent, et ce, auprès de patientes de tous les âges, alors que l’espérance de vie s’allonge. Au Canada, l’espérance de vie est aujourd’hui de plus de 84 ans chez les femmes. «Pour les gens en général, la femme qui vieillit, qui refuse de camoufler les signes de l’âge par des injections de Botox et qui ne se maquille pas beaucoup passe pour une femme qui se néglige», se désole l’esthéticie­nne et femme d’affaires Jennifer Brodeur, alias JB Skin Guru. «Je pense que c’est là qu’il faut changer le discours: vieillir est un privilège et, si on a la chance d’avoir des rides, c’est parce qu’on est encore en vie.» Jennifer Brodeur cite en exemple l’ex-première dame américaine Michelle Obama, quinquagén­aire «inspirante» qui embrasse son âge sans complexe. «Oui, elle prend soin d’elle en s’entraînant et en mangeant bien, mais ça ne va pas plus loin», raconte-t-elle à propos de son illustre cliente. De son côté, Lilianne n’a vraisembla­blement pas peur de vieillir, et dit prendre pour modèles sa mère et sa belle-mère, deux forces de la nature qui accueillen­t de belle façon les années qui passent. Sereinemen­t. «Dans notre famille, on accepte de vieillir positiveme­nt et on célèbre l’expérience.»

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