à la dérive
Californienne d’origine canadienne, LORI LANSENS a l’étoffe des grandes écrivaines de notre époque; rigoureuse, fine observatrice, à l’affût de la nature humaine et de ses complexités et, surtout, capable de se mettre dans la peau d’êtres à part entière, de leur donner vie avec nuances et vérité. Ses personnages pourraient vivre à côté de nous, être des nôtres, comme les fameuses siamoises de son extraordinaire roman Les filles ou l’héroïne bien en chair d’Un si joli visage. Elle revient cette fois avec une action qui se déroule dans un avenir pas si lointain, soit en 2024. Deux copines adolescentes sont en cavale après avoir été accusées d’être à l’origine de l’explosion d’une bombe dans leur chic école privée, le soir du Bal de la pureté américaine... aussi étonnant que puisse paraître l’existence d’un tel type de bal. Il faut dire que la Californie où se déroule l’aventure est sous l’emprise d’une droite conservatrice marquée par des valeurs religieuses extrêmes et prônant, par exemple, une forte opposition à l’avortement. Rory Miller, la narratrice qui tient un blogue dans lequel elle critique et observe le monde dans lequel elle grandit avec intelligence et lucidité, raconte la noirceur, la peur et la rage de ces 48 heures d’exil pour échapper, avec son amie, aux autorités qui les pourchassent, sûres de leur culpabilité. À travers sa voix à elle, ce sont les dérives possibles de nos sociétés qui sont présentées sur un ton grave, mais qui n’est pas dépourvu de cet humour que la romancière, qui est aussi scénariste, maîtrise bien, suffisamment pour nous faire sourire tout au long du suspense, qu’elle maintient jusqu’à la finale, désarmante. Coup de chapeau aux traducteurs Lori SaintMartin et Paul Gagné, qui savent préserver, comme à chaque fois, l’esprit du texte original. Sortie prévue le 21 avril prochain.
CETTE PETITE LUEUR, LORI LANSENS, ALTO
CLAUDIA LAROCHELLE, CHRONIQUEUSE LITTÉRAIRE