ELLE (Québec)

ENTREVUE

Discussion avec l’actrice Marion Cotillard, nouvelle égérie du No5 de Chanel.

- TEXTE THÉO DUPUIS-CARBONNEAU

L’histoire, on la connaît bien: Gabrielle Chanel voulait un jus élégant et épuré, à l’image des vêtements qu’elle créait. «Un parfum de femme à odeur de femme», voilà la commande qu’elle passe en 1921 au nez Ernest Beaux, qui lui présente peu après deux séries d’échantillo­ns, numérotés de 1 à 5, et de 20 à 24. C’est le cinquième qui, par son bouquet capiteux d’ylang-ylang, de jasmin, de rose de mai, d’iris et de muguet, rehaussé d’aldéhyde (une molécule synthétiqu­e à l’odeur d’orange), de musc et de cèdre, capte l’attention de Coco Chanel. Le mythique N°5 est né. Et le nom va de soi pour la créatrice de mode: «Je lance ma collection le 5 mai, cinquième mois de l’année, laissons-lui le numéro qu’il porte, et ce numéro 5 lui portera chance.» Succès instantané. Dès son lancement, N°5 devient le parfum le plus vendu du monde et restera le premier choix des Françaises jusqu’en 2011. Sa renommée n’a d’égal que les nombreux visages qui

l’incarnent au fil des années, de Catherine Deneuve à Audrey Tautou, en passant par Nicole Kidman, Lauren Hutton, Carole Bouquet et même Brad Pitt. Marilyn Monroe, quant à elle, n’en a jamais été l’égérie officielle, bien que sa célèbre confession «Ce que je porte la nuit pour dormir? Juste quelques gouttes de Chanel N°5» ait marqué l’imaginaire collectif...

La fragrance culte prend maintenant les traits de l’actrice française Marion Cotillard, dont le talent a pu être apprécié, entre autres, dans Un long dimanche de fiançaille­s,

The Immigrant et La Môme. «C’est très émouvant pour moi de continuer à écrire l’histoire de ce parfum; je me sens très chanceuse», nous confie l’actrice, jointe par Zoom – notre nouvelle réalité! – l’été dernier.

Quel est votre premier souvenir lié à N°5?

Je l’ai découvert lorsque ma mère l’a offert à une amie en Angleterre. Je me souviens de la première fois où je l’ai senti: dès lors, j’ai rêvé de pouvoir le porter un jour. Il possédait une forme de pureté, de complexité et de mystère qui me faisait rêver.

Quelle relation entretenez-vous avec la parfumerie?

Quand on choisit un parfum, il devient une partie de nous. J’ai un rapport particulie­r avec les fragrances, parce qu’en plus d’en porter personnell­ement, j’ai aussi l’habitude d’en choisir pour les personnage­s que j’interprète. Il y en a que j’ai adopté pendant certains moments clés de mon existence, mais que je sais que je ne reporterai plus. Et puis il y en a d’autres qu’on peut porter toute notre vie. C’est le cas de N°5, parce qu’il est singulier, mais aussi parce que, grâce à sa complexité, il a la capacité de développer une odeur unique sur chaque femme. Je pense que c’est ce qui lui confère son aspect éternel.

Y a-t-il un personnage que vous avez interprété qui correspond à N°5 de Chanel?

Le premier qui me vient en tête serait Ewa, du film The

Immigrant, de James Gray. On pourrait croire que ce parfum ne correspond pas à ce qu’est Ewa, car elle ne se parfumait pas, mais il y a quelque chose dans le parcours de cette femme, de la complexité de sa vie, de la liberté à laquelle elle aspirait, qui me fait penser à ce jus. Ce sentiment d’indépendan­ce correspond complèteme­nt, pour moi, à l’influence que Coco Chanel a eue sur le monde et à ce qu’elle voulait provoquer chez les femmes. Mais aussi chez les hommes, qui le sentent sur la peau de ces dernières! D’ailleurs, je pense que c’est un parfum qui peut aussi être porté par des hommes...

Vous parlez de la force de Gabrielle Chanel. C’était une femme de conviction, d’idées, de changement…

Oui. Une femme qui s’exprime par sa créativité, avec toute la curiosité et l’amour des arts qu’elle possède, mais aussi avec la liberté d’être qui elle est et de ne pas se conformer aux codes – encore plus prégnants à l’époque –, c’est forcément évocateur pour celles qui n’osent pas être qui elles sont, par conditionn­ement ou par habitude. Les femmes qui suivent leur propre parcours et respectent leur besoin vital de s’exprimer m’ont toujours inspirée. Une figure comme Coco Chanel est un moteur et une grande inspiratio­n pour nous toutes.

Est-ce qu’il y a une odeur qui vous émeut? Qui vous rappelle un souvenir d’enfance?

J’aime l’ambre, parce que ma mère en ramenait de gros morceaux d’Inde. Ses effluves chaleureux me réconforte­nt beaucoup. Il y a aussi l’odeur du café avec les tartines au beurre... Je déteste le café, mais ça me rappelle les petits-déjeuners chez mes grands-parents, et ça me touche beaucoup.

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Une image tirée de la nouvelle campagne de N° 5 , qui sera dévoilée plus tard ce mois-ci.
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N° 5, de Chanel (172 $ les 100 ml; chanel.com).

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