ELLE (Québec)

ÉDITO

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La seule, l’unique Jenna Lyons!

EN 2006, J’AI COMMENCÉ

à travailler au magazine Châtelaine comme responsabl­e des pages Art de vivre. Lise Ravary, alors éditrice et rédactrice en chef de la publicatio­n, m’avait donné le mandat de démocratis­er les images de la section Mode. En gros, elle souhaitait que nos lectrices puissent décrypter facilement les courants mode et mieux comprendre les éléments de style pour pouvoir se les approprier.

Il fallait s’écarter des looks excentriqu­es qu’on voyait habituelle­ment dans les magazines de mode comme Vogue (c’est bien beau, les chapeaux à plumes et les jupes à traîne, mais ce n’est pas très pratique dans le métro!), sans tomber dans le piège des basiques ennuyants ou des articles griffés à prix exorbitant­s (qui a les moyens de se payer un pull en molleton à 1 500 $?!). Ma mission était de créer des séances photos présentant des looks attrayants et abordables qui avaient les qualités suivantes: recherchés sans être élitistes, branchés sans être prétentieu­x. Le but étant d’aider les femmes à élever d’un cran leur style au quotidien.

Ma vision de la mode de cette époque-là a été fortement influencée par le travail de mes deux icônes du style: Jenna Lyons, directrice de la création chez J.Crew, et ce, jusqu’en 2017, et Patricia Field, styliste de Sex and the City, série culte diffusée de 1998 à 2004. Ces deux New-Yorkaises au goût impec étaient – et sont toujours – les reines du high & low. Elles m’ont montré qu’il était possible de mélanger le chic et la fripe, les essentiels et les paillettes. Une veste de designer portée sur un t-shirt à 15 $ ou des baskets assorties à un tailleur. Mais plus que tout, elles m’ont permis de confirmer ce que je savais déjà: le style, le vrai, n’a rien à voir avec la taille de notre compte de banque.

Cette conception libératric­e de la mode, assez nouvelle au tournant des années 2000, a fait son petit bonhomme de chemin jusque dans nos pages. Jenna Lyons a eu le génie d’élever un détaillant américain de basiques preppy au rang des marques de mode les plus convoitées du moment. Comment? Son sens du style, éclectique (et moderne!), a permis de bonifier des articles courants de la garde-robe – le pantalon en chino beige, la veste tailleur ou le pull en cachemire, pour n’en nommer que quelques-uns – à l’aide d’idées de stylisme et d’astuces vestimenta­ires inusitées (et gratuites). Parmi mes préférées? Porter du bling avec des runnings et rouler négligemme­nt les manches d’un chemisier jusqu’aux coudes. Sa recette magique, presque infaillibl­e, s’est imprimée dans mon esprit à chaque page du catalogue J.Crew, que je dévorais saison après saison. Et à l’époque, je ne m’en cache pas, toutes nos séances photos du magazine Châtelaine en étaient grandement inspirées.

C’est fou de penser que 15 ans plus tard, ces modèles continuent d’alimenter mon imaginaire et de nourrir ma façon de vivre la mode. Avec l’annonce d’une suite à Sex and the City, j’en ai re-re-revu les vieux épisodes et je dois avouer que j’ai toujours le même plaisir à décortique­r la garde-robe de Carrie Bradshaw, créée par Patricia Field. Plusieurs de ses looks signature sont encore actuels (allô, la fausse fourrure colorée, l’imprimé léopard, la robe slip et les escarpins scintillan­ts!), et sa façon de briser les codes, maintenant complèteme­nt intégrée par madame Tout-le-Monde, est toujours aussi moderne. En regardant la nouvelle websérie de téléréalit­é Stylish with Jenna Lyons (voir notre reportage en page 42 pour en apprendre plus sur la vie post-J.Crew de cette créatrice), je constate que ma fascinatio­n pour cette femme est intarissab­le. Et, surtout, je m’autoflagel­le parce que je n’ai pas eu le cran de lui exprimer toute mon admiration lorsque je l’ai croisée par hasard au détour d’une rue dans le quartier SoHo, à New York. (C’est quoi, les chances?) Où y a de la gêne, y a pas de plaisir... La prochaine fois que je tombe sur elle, je l’invite à prendre un verre et je lui déclare mon amour.

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