ELLE (Québec)

DÉCO

SHEILA BRIDGES, une des designers de l’année 2020 selon ELLE Decor, a créé dans sa maison, dans l’État de New York, un sanctuaire baigné de lumière où les souvenirs prennent tout leur sens.

- Texte VERONICA CHAMBERS Production CHARLES CURKIN Stylisme OLGA NAIMAN Adaptation ELIZABETH POITRAS

On s’invite dans la charmante maison de la designer Sheila Bridges.

EN 2002, SHEILA BRIDGES ÉCRIT SON PREMIER LIVRE, Furnishing forward: a practical guide to furnishing for a lifetime, avec une idée toute simple en tête: si on achète seulement les pièces de mobilier qu’on aime vraiment, on les conservera toute notre vie. Sa maison de la vallée de l’Hudson, dans l’État de New York, est remplie de ses pièces préférées, qui forment une ode à tous les objets qui lui inspirent de la joie. Il suffit de penser aux chaises Fornasetti, décorées de deux Africains en djellaba marocaine traditionn­elle. «J’ai posé l’oeil sur elles au début des années 1990, raconte Sheila. Ce sont des classiques du mobilier, et elles m’accompagne­nt partout où je m’installe.»

Sa résidence, une beauté noir goudron dont les plafonds sont à plus de neuf mètres de hauteur, sise sur un chemin parsemé de maisons de ferme traditionn­elles, attire invariable­ment le regard. C’est la première maison que Sheila a entièremen­t construite, elle qui a passé son enfance dans une vieille maison en pierre à Philadelph­ie. Ses autres demeures actuelles, situées dans Harlem et à Reykjavik (Islande), ont toutes deux un cachet patrimonia­l. «J’ai toujours voulu construire une maison, dit-elle, afin de pouvoir exprimer chacun des éléments à ma façon.» Sheila a commencé la constructi­on de la propriété en 2018 et y a emménagé l’année suivante.

Sheila Bridges a grandi à l’ère du R&B et du hip-hop, marquée par l’échantillo­nnage de vieilles pièces soul sans cesse ressuscité­es et réimaginée­s. Dans le même esprit, sa maison de la vallée de l’Hudson puise des éléments à une source qui est chère à la designer et qui témoigne de ses séjours en Islande: son extérieur sombre rappelle Búðakirkja, une église située sur une péninsule que Sheila aime particuliè­rement. La créatrice admire depuis longtemps l’effet de la façade noire de cette église qui se découpe sur un panorama enveloppé d’un manteau de neige blanche.

UN ÉCRIN RECELANT MILLE COULEURS

Même si la maison est érigée sur une propriété de près d’un demi-hectare, Sheila a choisi de restreindr­e son empreinte. Plutôt qu’une constructi­on surdimensi­onnée, elle a conçu un chez-soi – et un pavillon de piscine – juste assez grand pour elle. «La maison ne fait que 148 mètres carrés, et j’ai décidé de me limiter à cette superficie. J’ai été tentée de bâtir une plus vaste demeure, mais, finalement, je n’ai pas besoin de plus d’espace pour vivre.»

La maison compte deux chambres à coucher, une chambre d’invités avec salle de bain attenante, et au deuxième étage, derrière son studio, Sheila a aménagé une sorte d’atelier: une chambre principale aux murs recouverts de toiles classiques de la Hudson River School, une vaste salle de bain principale et une salle de séjour qui reproduit agréableme­nt celle qui est dépeinte dans un tirage de Mickalene Thomas suspendu au mur. Elle a peint cette dernière pièce dans une nuance de lavande sereine de Farrow & Ball.

Dans cette maison qui exsude l’art, l’abondance de toiles et d’impression­s accrochées aux murs qui s’élèvent sur deux étages crée un effet percutant. Sur un des murs, un tirage d’une oeuvre de Jean-Michel Basquiat. Ailleurs, une image de style Renaissanc­e par l’artiste haïtienne Fabiola Jean-Louis. Dans la salle de bain principale, une murale couvre un côté de la pièce, de même que l’intérieur de l’armoire à pharmacie.

ESTHÉTIQUE POLITIQUE

À l’instar de rayons de bibliothèq­ue remplis d’éditions originales, les murs de la maison de Sheila vibrent grâce aux oeuvres qui racontent l’histoire de son héritage, de ses voyages et des amis qu’elle a rencontrés en chemin. Devant la demeure, un drapeau américain rouge, vert et noir flotte dans le vent: c’est une réplique d’une oeuvre de l’artiste David Hammons de 1990 en hommage à l’élection de David Dinkins, premier maire noir de l’histoire de la ville de New York. «J’aime hisser mon drapeau pour nous rappeler l’histoire profondéme­nt troublante des États-Unis et la nécessité de voir se concrétise­r des changement­s significat­ifs», dit Sheila.

Çà et là dans la maison, on retrouve la célèbre toile de Jouy Harlem de la designer. Sa création emblématiq­ue reprend les codes du motif sur toile, qui dépeint traditionn­ellement des scènes pastorales françaises, et qu’elle réinvente en mettant en scène des tableaux vibrants de la vie afro-américaine. Souvent déclinée en version papier peint (qui sert fréquemmen­t de fond aux télédiffus­ions Zoom de la journalist­e et animatrice Gayle King sur CBS!), sa création textile orne aussi des parapluies, des verres et des vêtements. L’automne dernier, Sheila lançait même des baskets Converse sur lesquels était imprimée sa célèbre toile.

Mais les pièces les plus attrayante­s de la maison sont sans contredit les deux immenses mobiles suspendus dans le salon et la salle à manger, là où Sheila aime réunir des amis autour de la table et passer de longues soirées devant un feu de foyer. «Quand j’étais enfant, il y avait des mobiles dans ma chambre, puis dans ma chambre en résidence universita­ire, dit-elle. J’ai toujours craqué pour eux.» La vraie magie opère à l’heure où le soleil se couche, quand les mobiles projettent des ombres qui forment des arcs dans toute la demeure.

Il est difficile de ne pas remarquer le sourire qu’arbore Sheila lorsqu’elle fait faire le tour des lieux. C’est peut-être parce qu’elle est à la fois designer et cliente satisfaite. «Je travaille tout le temps sur des projets de vastes demeures pour mes clients. Des maisons de 1000 mètres carrés, partout au pays.» Mais la conception s’est révélée bien différente pour elle-même. «Ici, c’est petit, simple et ouvert. Un amalgame de musique, d’art et de culture. J’ai rempli l’espace uniquement de choses que j’aime.»

 ??  ?? Dans la salle à manger, des antiquités: fauteuils Louis XV et chaises Biedermeie­r. Chaise Fornasetti vintage, lampes Stair Galleries, tissu des parures de fenêtres Gastón y Daniela et photograph­ie (au centre) de Fabiola Jean-Louis.
Page de droite: La designer d’intérieur Sheila Bridges dans le salon de sa maison de campagne de la vallée de l’Hudson, dans l’État de
New York. La chaise vintage est signée Ernst Schwadron, le tabouret, Grosfeld House, et l’oeuvre d’art est de Kyle Meyer.
Dans la salle à manger, des antiquités: fauteuils Louis XV et chaises Biedermeie­r. Chaise Fornasetti vintage, lampes Stair Galleries, tissu des parures de fenêtres Gastón y Daniela et photograph­ie (au centre) de Fabiola Jean-Louis. Page de droite: La designer d’intérieur Sheila Bridges dans le salon de sa maison de campagne de la vallée de l’Hudson, dans l’État de New York. La chaise vintage est signée Ernst Schwadron, le tabouret, Grosfeld House, et l’oeuvre d’art est de Kyle Meyer.
 ?? Photograph­ie FRANK FRANCES ??
Photograph­ie FRANK FRANCES
 ??  ?? Dans le séjour, une collection d’oiseaux sculptés à la main repose sur une table suédoise ancienne. Canapé Hammertown Barn, foyer Ortal, appliques et guéridon italiens vintage. Sheila Bridges a conçu le mobile avec l’artiste Elizabeth Parker. Ci-contre, de gauche à droite: dans la cuisine, cuisinière Smeg, armoires sur mesure Dcor Design Works et robinetter­ie Waterworks. À la fenêtre, un store coupé dans un tissu Claremont. Suspension Circa Lighting, tapis Mad Mats et toile (à droite) de Nanette Hahn. Un secrétaire signé Donald Deskey et une chaise d’époque ayant appartenu au père de Sheila animent le studio, qui surplombe le salon et la salle à manger. Une couverture islandaise est posée sur le canapé vintage d’Albert Hadley. Une oeuvre de Peter Hildebrand est suspendue au-dessus d’une chaise capitonnée de George Smith. Le tapis vient du Maroc.
Dans le séjour, une collection d’oiseaux sculptés à la main repose sur une table suédoise ancienne. Canapé Hammertown Barn, foyer Ortal, appliques et guéridon italiens vintage. Sheila Bridges a conçu le mobile avec l’artiste Elizabeth Parker. Ci-contre, de gauche à droite: dans la cuisine, cuisinière Smeg, armoires sur mesure Dcor Design Works et robinetter­ie Waterworks. À la fenêtre, un store coupé dans un tissu Claremont. Suspension Circa Lighting, tapis Mad Mats et toile (à droite) de Nanette Hahn. Un secrétaire signé Donald Deskey et une chaise d’époque ayant appartenu au père de Sheila animent le studio, qui surplombe le salon et la salle à manger. Une couverture islandaise est posée sur le canapé vintage d’Albert Hadley. Une oeuvre de Peter Hildebrand est suspendue au-dessus d’une chaise capitonnée de George Smith. Le tapis vient du Maroc.
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 ??  ?? En haut, à gauche: dans la salle de bain d’invités, un robinet Waterworks surplombe le lavabo Kohler. Le tabouret vient du Ghana. Sheila a réalisé le motif de peinture qui orne les murs et l’oeuvre féline a été chinée aux puces de Chelsea, à New York. En haut, à droite: le lit d’invité est habillé d’une courtepoin­te kantha vintage, et la base, rembourrée, est recouverte d’un tissu de Gastón y Daniela. Le chevet ancien est de BK Antiques, et le papier peint est signé Adelphi Paper Hangings. Un duo d’appliques vintage flanque une nature morte dénichée chez Sutter Antiques.
En haut, à gauche: dans la salle de bain d’invités, un robinet Waterworks surplombe le lavabo Kohler. Le tabouret vient du Ghana. Sheila a réalisé le motif de peinture qui orne les murs et l’oeuvre féline a été chinée aux puces de Chelsea, à New York. En haut, à droite: le lit d’invité est habillé d’une courtepoin­te kantha vintage, et la base, rembourrée, est recouverte d’un tissu de Gastón y Daniela. Le chevet ancien est de BK Antiques, et le papier peint est signé Adelphi Paper Hangings. Un duo d’appliques vintage flanque une nature morte dénichée chez Sutter Antiques.

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