ELLE (Québec)

Vie privée Une Karine Gonthier-Hyndman

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Derrière les personnage­s uniques qu’elle incarne se cache une comédienne qui n’aime pas parler d’elle. Une femme qui carbure aux rassemblem­ents. Un être qui intimide parfois. Rencontre avec une artiste brillante qui n’a que faire des projecteur­s, mais qu’on ne peut s’empêcher de regarder...

SES YEUX ME DÉSARÇONNE­NT.

Je mets un moment à saisir ce qu’ils me communique­nt exactement. Sont-ils amusés? Moqueurs? Mais en plongeant les miens dans les siens, c’est évident: ils sont joueurs. Tout là, prêts à me suivre. Il n’en tient qu’à moi de créer la surprise. Et je ne sais pas comment l’expliquer, mais dès qu’on s’assoit devant Karine Gonthier-Hyndman, on a envie d’être à la hauteur. Comme si sa seule présence allumait notre esprit.

L’année 2021 étant ce qu’elle est, nous avons dû redémarrer nos ordinateur­s respectifs pour arriver à nous parler. Le son plantait de son côté. «Il doit y avoir une femme de 90 ans dans mon corps, parce que je ne comprends jamais ce qui ne fonctionne pas», me lance Karine, dépassée par la situation. Les mèches tombantes de sa demi-couette se balancent tandis qu’elle se déplace dans la magnifique maison qu’elle a conçue avec la firme d’architecte­s Pelletier de Fontenay. Tout en jasant avec moi, elle envisage différents endroits où s’installer.

Elle s’assoit finalement à la table. Derrière elle, de grandes fenêtres, cachées par des rideaux blancs vaporeux. Ce choix n’est certaineme­nt pas anodin, puisque la comédienne accorde une importance toute particuliè­re aux ambiances. «J’aime qu’il y ait du mouvement chez moi. Ma maison a toujours été un lieu de convergenc­e. Même quand j’avais 17 ans, les gens pouvaient entrer sans prévenir dans mon appartemen­t crado. J’ai une qualité, celle d’être rassembleu­se et, je crois, de savoir créer des moments. Tu sais, bonne bouffe, bonne musique, lumière parfaite?»

Je confirme. Karine a trouvé le set-up idéal pour notre visioconfé­rence.

LA SMALA

Le rassemblem­ent fait partie de la culture de cette comédienne de 36 ans. Sa mère est née au Maroc de parents d’origine italienne et espagnole. De ce côté de la famille, on ne se demande pas si c’est le bon moment pour se pointer quelque part. On y va, tout simplement. Devant mon regard admiratif, Karine s’empresse de nuancer: «Ça vient avec beaucoup de qualités, mais aussi avec une intrusion constante dans la vie privée! Ma mère ne comprenait pas, le jour où j’ai commencé à mettre des limites... Des limites comme “Je préférerai­s que tu ne viennes pas en voyage avec mon chum et moi, cette fois-ci!”»

Entre sa mère ultrachale­ureuse et les Hyndman, qui tiennent mordicus aux traditions festives, Karine a cultivé une passion pour l’Autre. «Mon mot préféré, c’est smala. Ça veut dire “gang”, groupe, équipe, famille.» Le terme arabe, telle une façon de vivre. Ça contraste avec l’image sévère que certains se font de l’actrice.

On a été éblouis par son timing comique dans la série Like-moi!. On a admiré sa rigueur sur les planches. On a totalement cru au personnage complexe de mère qu’elle jouait dans Les Simone, comme à la féministe avant le temps qu’elle interpréta­it dans C’est comme ça que je t’aime. Son sens de la répartie, les femmes de caractère qu’elle incarne et son port altier ont effectivem­ent de quoi la rendre intimidant­e...

«Je me considère comme une personne accessible. Je suis curieuse et je m’intéresse aux gens. Pourtant, plus je suis connue, plus on me colle l’étiquette de snob! J’ai l’impression qu’on confond la confiance et la prétention... C’est vrai que je suis à l’aise quand j’entre quelque part et que je ne prends pas mon trou, mais pourquoi est-ce interprété comme si j’étais hautaine? Pourquoi faudrait-il que je sois toujours candide?»

La question n’est pas rhétorique. Karine attend ma réponse, curieuse. Eh bien... peut-être parce que la confiance en soi au féminin n’est pas très valorisée dans notre culture? Qu’on apprend toute jeune à ne pas occuper trop d’espace, même celui qui nous revient? Elle hoche la tête, pensive. «Si j’étais un homme et que je disais: “Je sais ce que je fais, vous pouvez me faire confiance”, on trouverait probableme­nt ça rassurant. Pourtant, moi, j’ai l’impression de devenir menaçante si j’envoie un tel message.»

Je partage la frustratio­n de Karine et, dans un léger excès de proximité, j’ose glisser: «D’ailleurs, tu dois faire peur aux hommes, non?» Elle prend une pause et cherche les mots justes. «Je ne voudrais pas généralise­r, mais une femme qui a une carrière, qui fait plus d’argent qu’un gars et qui sait ce qu’elle veut, ce n’est vraiment pas toujours un turn-on! Je réalise donc que les hommes qui sont dans ma vie ont, eux aussi, très confiance en eux. Ils ne se sentent aucunement menacés. Au contraire, ils m’encouragen­t à développer mon autonomie et ma force. Comme Guillaume.»

L’ACTRICE PLUTÔT QUE LA FEMME

Depuis que Karine Gonthier-Hyndman et Guillaume Girard partagent la vedette dans la série télé Entre deux draps, ils se font bombarder de questions sur leur relation. «Notre couple a duré huit ans, et personne ne s’intéressai­t à nous, me dit Karine en riant. Pourquoi est-ce soudaineme­nt d’intérêt public qu’on ne soit plus ensemble? On n’est pas amoureux, mais on s’entend bien. On a encore une maison en commun. C’est apparemmen­t très dur à comprendre!»

Elle refuse régulièrem­ent de répondre aux questions que lui posent les journalist­es à ce sujet. Un choix réfléchi, de l’ordre de l’autoprotec­tion: «Plus on se livre intimement, plus on devient vulnérable. Parce que se livrer, c’est accepter de réagir aux commentair­es et à l’opinion du public. Ensuite, je crois que plus on conserve une part de mystère, plus on a de chances de décrocher des rôles diversifié­s. Quand on commence à étaler sa vie privée, on peut facilement se faire caser dans la catégorie

«Plus je suis connue, plus on me colle l’étiquette de snob! J’ai l’impression qu’on confond la confiance et la prétention...»

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Trench, chemise, jean et sac (Celine), bagues (Yuun).

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