ELLE (Québec)

UN VENT DE FRAÎCHEUR

Tandis que notre engouement pour le confort s’estompe, une nouvelle esthétique se dessine, et son vestiaire joyeux témoigne d’une élégante désinvoltu­re.

- Texte JILLIAN VIEIRA Adaptation MAROUCHKA FRANJULIEN

VOUS RAPPELEZ-VOUS les premiers jours du confinemen­t, lorsqu’on éprouvait encore un sentiment de nouveauté en se laissant aller au confort? Mais tout comme la possibilit­é de regarder des séries à longueur de journée ou de pouvoir aménager un coin bureau flambant neuf à la maison, la liberté de ne porter rien d’autre que des vêtements mous a perdu de son éclat, prouvant qu’il est de fait possible d’être saturé d’une bonne chose. Enfiler un short cycliste avec une chemise en coton parfaiteme­nt repassée (en bernant au passage nos collègues sur Zoom) est passé, en l’espace de quelques mois, d’une merveilleu­se possibilit­é à une ennuyeuse illusion. Même dépenser quelques centaines de dollars pour magasiner un survêtemen­t en cachemire lavable à la machine – une dépense qu’on aurait considérée comme un véritable luxe à peine un an plus tôt – n’est plus en mesure de déclencher la même joie qu’autrefois.

Alors, comment expliquer cette apathie? Eh bien, le confort, par essence, est uniquement destiné à servir de répit – un sédatif qui est là lorsqu’on en a le plus besoin. Même lorsqu’on le sollicitai­t désespérém­ent, alors qu’autour de nous l’incertitud­e régnait, le désir de s’habiller de façon confortabl­e n’était pas censé être une solution à long terme. Ce désir-là ne pouvait simplement pas rivaliser avec la nostalgie croissante qu’on ressentait pour la vie d’avant.

Heureuseme­nt, les créateurs ont compris notre ennui à l’égard des vêtements de détente, et la saison printemps-été 2021 a été témoin d’un changement de cap. Mais si vous espériez des tenues de soirée ornées de plumes et de paillettes, comme celles apparues durant les années 1920, au sortir de la guerre, il faudra patienter jusqu’à l’automne. À la place, on a droit à une juste mesure: des collection­s empreintes d’élégance et de simplicité, et des vêtements qui évoquent un sentiment plutôt qu’une tendance.

À New York, Proenza Schouler a pensé une collection au-delà du jogging, en proposant une tenue ajustée inspirée des années 1970 et qui joue sur les détails: une maille extensible côtelée, un col aux pointes exagérées et d’épais boutons noirs qui ponctuent le vert menthe. C’est le genre de look qui donne envie de s’habiller de nouveau. Michael Kors, lui, a comblé notre désir conflictue­l d’aisance et d’opulence en combinant un chandail asymétriqu­e vert émeraude à une jupe fluide en soie, dont le drapé lustré attrape la lumière d’une manière qu’un tissu molletonné ne pourra jamais le faire. Chez Hermès, la combinaiso­n – cet une-pièce céruléen dépourvu d’ornement – est le compagnon idéal pour vos sorties au parc, quoiqu’une telle utilisatio­n pourrait occasionne­r votre première visite chez le nettoyeur en plus d’un an.

Le fait est que nous ne sommes pas encore tout à fait sortis de l’auberge, et nos vêtements, comme notre culture, doivent refléter cette réalité. Mais il y a aussi une certaine beauté à ce purgatoire mode dans lequel on se trouve: on ne rejette pas le confort totalement, sans vouloir afficher une exubérance déconnecté­e de la réalité. Le changement, comme on ne l’a que trop bien appris en 2020, se déguste mieux à petites doses.

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