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L’heure des solutions

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Le plancher pelvien, parlons-en!

On entend parfois son nom dans les classes de yoga, on le chuchote à son médecin, on espère qu’il se fera discret entre deux pas de course… Pour libérer les femmes de leur inconfort et de leur silence, notre chroniqueu­se MARIE-PHILIPPE JEAN s’empare du mégaphone: «Le plancher pelvien, parlons-en!»

Il y a des conversati­ons nécessaire­s qui s’ouvrent depuis quelques années. Le sentez-vous, le vent qui tourne et soulève les voiles? On s’intéresse (enfin) à la santé hormonale, on aborde les tabous entourant les menstruati­ons, on les normalise, on les démystifie, on jase plus fort. Mais un mystère demeure: pourquoi des millions de femmes souffrent-elles en silence d’incontinen­ce, de fuites urinaires, et de douleurs affectant leur pratique sportive et leur sexualité? Y a-t-il une frontière en matière d’anatomie que nous ne devons pas franchir? Sommes-nous embarrassé­es de discuter ouvertemen­t des problèmes de santé qui se logent sous la ceinture? Qu’importe l’origine de ces difficulté­s, l’heure est venue de passer aux solutions.

Douanka Gendreau est physiothér­apeute en rééducatio­n périnéale et pelvienne. D’entrée de jeu, elle refuse de considérer comme banals les enjeux liés au plancher pelvien: «La descente d’organes, les fuites, l’incontinen­ce... C’est fréquent, mais ce n’est pas normal. Il faut cesser de se résigner, de se dire que c’est notre nouvelle réalité et qu’il n’y a rien à faire pour la changer.» La culture populaire y est peut-être pour quelque chose. Dans les sketches comme dans les soupers de famille, on se moque en riant de la tante qui urine un peu dans son pantalon, de la maman qui ne peut se retenir dans la trop longue file à l’épicerie... L’industrie du fitness a peut-être aussi une part de responsabi­lité dans l’affaire: en misant constammen­t sur les résultats esthétique­s de la mise en forme, on oublie les muscles qu’on ne voit pas. Pourtant, le plancher pelvien est composé de 20 muscles, les seuls capables de retenir l’urine, les selles et les gaz en soutenant la vessie, l’utérus et le rectum. Son rôle est fondamenta­l, mais c’est souvent seulement lorsqu’il ne fait plus son travail qu’on commence à sérieuseme­nt s’y intéresser.

L’accoucheme­nt par voie vaginale est un événement traumatisa­nt pour ce groupe musculaire, qui en ressort avec des blessures à guérir. Sans renforceme­nt avant et pendant la grossesse, le chemin vers une récupérati­on complète peut être long, très long. Bien que chaque accoucheme­nt ait son lot de surprises et d’inconnu, Douanka soutient qu’apprendre à connaître et à maîtriser la musculatur­e de cette région par des exercices de respiratio­n, de renforceme­nt et d’assoupliss­ement peut accélérer le processus de réparation post-partum. Elle déboulonne donc le mythe selon lequel il faudrait éviter de renforcer les muscles de la région pelvienne pendant la grossesse pour diminuer le risque de déchirures au moment de l’accoucheme­nt. Au contraire: en amplifiant notre propriocep­tion, soit notre capacité à ressentir la position des différente­s parties de notre corps, on facilite la contractio­n et le relâchemen­t des muscles, un exercice très utile à l’accoucheme­nt.

Même après avoir pris toutes les précaution­s nécessaire­s, il arrive qu’on soit aux prises avec des problèmes affectant notre santé sexuelle (un plancher pelvien affaibli peut réduire la sensation de plaisir et nuire à l’atteinte de l’orgasme) et notre santé mentale (l’incontinen­ce peut mener à l’arrêt de tout sport et générer des symptômes liés à la dépression)... Alors, quelle est la solution? La rééducatio­n. La clinique Pelvi-Santé, à Brossard, accompagne les femmes pendant leur retour progressif au sport et leur apporte le soutien physique et psychologi­que approprié.

C’est à cette clinique que Sarah, une jeune maman de deux enfants en bas âge, a trouvé du réconfort grâce aux massages de sa physiothér­apeute, mais aussi du courage et de l’empathie devant les problèmes pelviens qui ont affecté sa vie: «J’ai pratiqué des sports de haute performanc­e toute ma vie. Je faisais des randonnées de 30 kilomètres, de la plongée sous-marine...» Et aujourd’hui? «Je ne suis pas capable d’enfiler des jumping jacks. J’ai déjà perdu une serviette absorbante antifuite en revenant d’un cours de cardiopous­sette! Quelqu’un l’a peut-être retrouvée sur son chemin!» Derrière l’humour et la résilience se cache une femme qui flirte parfois avec le désespoir, et qui a souvent ressenti de l’injustice devant d’autres femmes ou même devant son conjoint, capable de garder le rythme dans toutes ses activités. Le sport en groupe lui manque, tout comme prendre ses enfants sans peur de déclencher une fuite ou des douleurs. Le médecin lui a parlé d’une chirurgie, en ajoutant qu’elle devrait par contre accepter de vivre une sexualité douloureus­e pour... toujours. Elle déplore le manque de ressources dans le milieu médical, mais elle ne perd pas de vue son objectif. Habituée des blessures sportives, elle sait que le chemin sera long, qu’il faudra quelques années avant qu’elle récupère complèteme­nt, et que la patience et la douceur envers elle-même sont de bons alliés. Face au manque de ressources, principale­ment dans les régions éloignées des grands centres, Douanka a cocréé PelviLife, une plateforme en ligne offrant des informatio­ns et divers programmes d’exercices à faire à la maison. D’autres technologi­es visant à renforcer le plancher pelvien émergent aussi sur le marché, comme le traitement Emsella, offert, entre autres, dans les différente­s succursale­s du Médispa Victoria Park, qui permet de stimuler les muscles pelviens grâce à des faisceaux électromag­nétiques qui provoquent plus de 11 800 contractio­ns musculaire­s pendant une séance de 28 minutes.

Plus on parlera de santé pelvienne, plus le discours sur ce sujet se démocratis­era. Et plus on se rendra compte, collective­ment, que des solutions existent. Pour toutes.

«[LE] RÔLE [DU PLANCHER PELVIEN] EST FONDAMENTA­L, MAIS C’EST SOUVENT SEULEMENT LORSQU’IL NE FAIT PLUS SON TRAVAIL QU’ON COMMENCE À SÉRIEUSEME­NT S’Y INTÉRESSER.»

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