GRANDIOSES BD
Profondément humaines et sensibles, les deux bandes dessinées suivantes dressent chacune à leur manière le portrait saisissant de femmes et de leur rapport à leur corps, avec ce qu’il transporte de douleurs, de mystères et de plaisirs insoupçonnés.
Catherine Ocelot fait partie de nos meilleures autrices de BD. Elle donne à lire, avec Symptômes, son quatrième album, une réflexion intime sur notre rapport aux mots et la gestion de notre voix intérieure. Devant affronter un mal-être récurrent, les femmes de cette histoire se retrouvent au coeur d’un processus de délivrance et de réconciliation, et sont appelées à dompter pour la première fois leurs tempêtes. Toujours porté par un cynisme plus drôle que désespérant, par des métaphores poétiques qui donnent des frissons, cet album est incontestablement un des plus forts de l’année. Qu’elles soient vieilles ou dans la fleur de l’âge, ces voix, notamment la principale qui est celle de l’autrice, se rencontrent dans une forme de sororité où s’appuie et se forme un choeur de femmes que rien ne peut arrêter, qui prouve une fois de plus que l’union fait la force.
Pour son troisième album, l’autrice de bédés française Aude Mermilliod s’est attaquée à l’adaptation du roman Le choeur des femmes, de Martin Winckler, paru en 2009, qui demeure au goût du jour, peut-être même plus aujourd’hui que jamais d’ailleurs. On y raconte l’histoire de Jean Atwood, une interne en gynécologie qui doit suivre une formation auprès du médecin Franz Karma. Cette périlleuse expérience, qui au final s’avérera salvatrice pour une Jean Atwood remplie de préjugés, de douleur et d’amertume, ne se fera pas sans malaises ni soubresauts, ni sans constater à quel point le traitement médical des femmes manque souvent d’humanité et est encore dominé par un certain patriarcat dépourvu d’âme. Fait étonnant: dans son précédent titre, Il fallait que je vous le dise, paru en 2019, Aude Mermilliod raconte justement son rapport à l’avortement en faisant référence à sa rencontre avec un fameux Martin Winckler. Tiens, tiens…