HORS-PISTE
Gros plan sur le chic alpin d’hier à aujourd’hui, des stations de ski aux passerelles des défilés.
LA MODE D’HIVER
Lors d’une conférence de presse numérique (pandémie oblige), Miuccia Prada a évoqué sa jeunesse lorsque, dit-elle, il faisait chaud et qu’elle allait skier en bikini. C’était juste après le dévoilement de la collection automne-hiver 2021-2022 de Miu Miu, qui a été photographiée à Cortina d’Ampezzo, une station des Dolomites nichée à 1224 mètres d’altitude. Il n’y avait pas de meilleur décor pour présenter ce vestiaire hybride composé de doudounes pastel, de pantalons matelassés et de robes délicates, en soie ou à paillettes, à enfiler plus pour se faire bien voir sur la piste de danse que sur une piste rouge. Au défilé Chanel, la combinaison de ski, griffée évidemment, a aussi fait son apparition, parfaite en toute circonstance pour descendre avec nonchalance les pentes de Courchevel ou pour fouler les pavés du très chic 8e arrondissement de Paris. Chez Prada et Emilio Pucci, le vêtement technique s’est plutôt assuré d’étreindre la silhouette, comme un clin d’oeil au style près du corps qui a pris de l’ampleur à la montagne dans les années 1950. Pour sa part, Thom Browne a fait appel à la skieuse alpine américaine Lindsey Vonn pour endosser sa collection, dont une robe de soirée à traîne jaune, gonflée à bloc comme une doudoune. Peu pratique pour slalomer, mais ce n’était pas le but.
UN STYLE AU SOMMET
Si les sports d’hiver font des adeptes dès la fin du 19e siècle, leur popularité prend véritablement de l’ampleur à partir des années 1920. À l’époque, les touristes huppés descendent à Saint-Moritz ou à Chamonix, mais le style technique et sportif se fait encore attendre: les hommes privilégient le costume; les femmes, elles, skient en jupe avant d’adopter le pantalon bouffant, dit «norvégien», qu’elles dissimulent sous un long manteau pour ne pas froisser les bonnes moeurs. La fourrure et la laine sont alors privilégiées, mais la seconde a un inconvénient majeur: elle absorbe la neige fondue comme une éponge. Puis, au tournant des années 1930, la mode commence à s’intéresser à ces destinations enneigées qui accueillent la jet-set durant l’hiver: les marques et les designers – Hermès, Madeleine Vionnet, Patou, Schiaparelli, entre autres – s’éprennent dès lors du chic alpin et offrent à leur riche clientèle un vestiaire fait pour frimer dans les stations huppées.
En 1947, Emilio Pucci a l’idée de créer une combinaison de ski; la tenue novatrice se retrouve en couverture du magazine Harper’s Bazaar un an plus tard. En 1952, la créatrice allemande Maria Bogner conçoit quant à elle un pantalon moulant et extensible fait dans un mélange de nylon et de laine. Le vêtement, radicalement sexy pour l’époque et offert dans plus de 40 nuances vives, est exporté aux États-Unis, où il séduit Elizabeth Taylor, Jackie Kennedy et Marilyn Monroe.
Dès lors, la mode évolue: de nouvelles marques d’hiver apparaissent au Canada comme ailleurs – telles que Moncler (1952), Canada Goose (1957), Sorel (1962) et Kanuk (1970) –, et les tendances urbaines s’invitent à la montagne. C’est ainsi qu’à Gstaad comme à Aspen, les couleurs fluo des années 1980 font place aux silhouettes baggy des années 1990. Et cet hiver? À voir la garde-robe cocon proposée par Miu Miu cette saison, il semblerait plutôt que l’enjeu soit de brouiller les pistes en enfilant une nuisette avec un passe-montagne et des bottes en fourrure synthétique. On ne descendra peut-être pas les pentes comme ça, mais on aura le look qu’il faut pour l’après-ski.