Sur un PIÉDESTAL
Les chaussures à plateforme, dans le collimateur de l’histoire.
Un talon haut et une semelle avant qui élève le soulier vers les hautes sphères du style: de l’Antiquité aux défilés automnehiver 2021-2022, la chaussure à plateforme a su se faire remarquer. Cette saison, la it-shoe se décline en un éventail de styles: en escarpin surélevé – résolument glamour – chez Versace et Moschino, en bottillon à l’esprit disco chez Molly Goddard, ou encore en flâneur hybride chez Loewe, sous l’oeil aiguisé du directeur artistique de la griffe, Jonathan Anderson. Bref, les possibilités sont infinies, du moment qu’une fois enfilée, notre paire nous permet de gagner quelques centimètres supplémentaires.
LES PREMIERS PAS
Le théâtre de la Grèce antique nous a donné Antigone, OEdipe roi, Andromaque… et les premières plateformes de l’histoire! À l’époque, les acteurs ont en effet l’habitude de chausser des cothurnes, des sandales gladiateur dotées de semelles en liège pouvant mesurer jusqu’à 15 cm de hauteur, un moyen comme un autre de gagner en prestance.
Durant le Moyen Âge, au Moyen-Orient et dans l’Empire ottoman, les habitués des hammams portent des kabkabs, une sorte d’échasses qui éloignent les pieds du sol chaud et mouillé. Au Japon, on préfère enfiler des sandales en bois, appelées geta, et en Chine, on privilégie les chaussures mandchoues, ou Qixies, dotées d’un large talon au milieu de la semelle.
En Europe, on adopte plutôt des patins en bois surélevés dès qu’on sort dans la rue, pour se protéger de la boue et de la saleté. À force d’être transformées, ces chaussures d’extérieur donneront lieu aux chopines, que choisiront d’abord les courtisanes, puis les nobles vénitiennes au 16e siècle. Pourvus de socles pouvant atteindre près de 50 cm, ces souliers démesurés sont d’une telle extravagance que les femmes s’appuient sur une canne ou font appel à leur servante pour pouvoir se promener sans risquer la chute…
L’ASCENSION
Dans les années 1930, le créateur Moshe Kimel dessine une paire de plateformes pour l’actrice Marlene Dietrich, avant que Salvatore Ferragamo n’introduise la sandale Rainbow, créée spécialement pour l’actrice Judy Garland, qui a fait sensation dans Le Magicien d’Oz. Le modèle culte, toujours offert aujourd’hui, est reconnaissable à sa semelle de 8,5 cm réalisée à partir de plusieurs couches de liège aux nuances joyeuses.
Mais c’est l’ère disco, durant les seventies, qui propulse véritablement la chaussure à talon compensé au premier rang des tendances (Elton John, David Bowie, Yoko Ono et Donna Summer
en sont d’ailleurs fans). Dès lors, le soulier foule les trottoirs et les planches du Studio 54, la célèbre boîte de nuit qui enflamme les nuits new-yorkaises, avant de se pavaner sur les passerelles. Moment culte lors du défilé Vivienne Westwood, automnehiver 1993-1994: Naomi Campbell – juchée sur des semelles de 22 cm – s’affale sur le tapis… et inscrit ce moment dans les annales de la mode! Pour sa collection du printemps 2010, Alexander McQueen crée aussi le buzz avec ses bottillons Armadillo au style ovni, qui culminent à 30 cm de haut. Lorsqu’elle vire dans les extrêmes, la chaussure à plateforme est capable de toutes les folies, et c’est pour ça qu’on l’aime!