ELLE (Québec)

NOUVEAU DÉPART

-

Le silence dure trois ans. En 2021, Phoebe Philo annonce son retour et le lancement d’une marque éponyme de vêtements et d’accessoire­s. Quand d’autres se seraient empressés de surfer sur le buzz de la nouvelle, la designer prend son temps. Deux ans, pour être exact, mais le résultat arrive enfin à l’automne 2023. Cette nouvelle griffe — dont LVMH, qui détient aussi Celine, possède une part minoritair­e — n’échappe évidemment pas à l’esthétisme qui a permis à la créatrice d’atteindre un statut culte; au contraire, elle l’assume et le renforce pleinement. Le style Philo est bien là — notamment dans ces pantalons impeccable­ment coupés que l’Anglaise a toujours conçus à la perfection pour mettre les formes en valeur —, mais rien ne semble réchauffé.

A priori, c’est un véritable succès; pourtant, l’image de Phoebe Philo, qui, jusqu’ici, ne pouvait commettre aucun impair, est en train de s’effriter. Il y a déjà ces prix faramineux, qui ont pris tout le monde par surprise, mais il y a surtout des accusation­s de racisme, qui sont revenues sur le devant de la scène (l’industrie de la mode a une fâcheuse tendance à oublier et à pardonner ses étoiles, qu’il s’agisse de John Galliano ou de Dolce & Gabbana, mais les internaute­s, eux, s’en souviennen­t). De fait, lorsqu’elle était chez Céline, Phoebe Philo n’a fait défiler aucune mannequin noire sur la passerelle jusqu’à ce que la top Iman, cocréatric­e de l’organisati­on National Diversity Coalition et épouse de David Bowie, l’interpelle en 2013 sur ce manque flagrant de diversité. Ce à quoi l’intéressée lui aurait répondu en privé: «Vais-je être obligée d’utiliser des mannequins noires?» Sur les passerelle­s de Céline, le message est en tout cas passé et, dès le printemps-été 2014, la blancheur prépondéra­nte a laissé place à une hétérogéné­ité timide, qui semblait cependant plus forcée que pleinement célébrée.

Phoebe Philo semble en tout cas s’être rappelé le message d’Iman, car le casting — dont fait partie Daria Werbowy, sa mannequin fétiche depuis des années — est inclusif..., mais quelque chose manque pourtant à l’appel. «Imaginez que vous lanciez une marque en l’an de grâce 2023 sans tenir compte de la diversité des tailles», s’est exclamée Gabriella Karefa-Johnson, styliste et rédactrice mode pour le magazine Vogue, sur le réseau social X. Les vêtements — portés par des mannequins longiligne­s — taillent jusqu’au G, parfois jusqu’au TG uniquement, comme bien d’autres marques de luxe d’ailleurs. Pour une créatrice à l’avant-garde, qui a l’habitude de dicter les règles, ce manque flagrant de diversité corporelle pourrait finalement la rendre un peu has been... Car le risque, quand on est portée aux nues, est qu’on ne peut que tomber de haut.

 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada