ELLE (Québec)

FEU ET DOULEUR DE LA PASSION

- DANIELLE LAURIN, chroniqueu­se livres

ÇA RACONTE SARAH: attention, révélation!

Ce premier roman de Pauline Delabroy-Allard s’est retrouvé en lice pour le Goncourt 2018. Si la jeune Française n’a pas remporté le prestigieu­x prix littéraire en novembre dernier, son livre n’en est pas moins une perle rare.

C’est l’histoire d’une passion amoureuse. Une passion amoureuse foudroyant­e entre deux femmes. Elles n’ont jamais eu de relations amoureuses avec d’autres femmes. Mais voilà, c’est comme ça: coup de foudre, un soir, lors d’un souper chez des amis communs. Coup de foudre d’amitié, pensent-elles d’abord. Puis le désir leur tombe dessus. Le feu de la passion les emporte.

L’une d’elles, la narratrice, a une petite fille. Elle a aussi un chum, dont on n’entendra bientôt plus parler. Elle est enseignant­e dans un lycée. C’est une femme posée, réfléchie, effacée. Tout le contraire de Sarah.

Ça raconte Sarah raconte ça: la fascinatio­n de la narratrice pour Sarah, 35 ans, musicienne, pas du tout conformist­e. Sarah qui rit fort, parle fort, se maquille trop. Sarah l’extraverti­e, qui mord dans la vie.

Entre les deux, c’est magique: elles ont une relation fusionnell­e exceptionn­elle. Ça devient obsessionn­el. Et puis, bang.

On était dans le feu de la passion, on est maintenant dans la douleur de la passion. Quand on ne peut plus se passer de l’autre, mais que ça nous détruit. Quand on perd tous ses repères, que plus rien n’a de sens. Quand l’autre nous rejette, et qu’on pense en mourir. «Elle m’épuisait mais je crève sans elle», note la narratrice.

Dès le début du roman, on le sait, on le sent que ça ne va pas durer. Que ça ne peut pas durer. On pense à certains livres de Marguerite Duras, d’Annie Ernaux. Petite réserve pour la dernière partie de Ça raconte Sarah qui traîne un peu, mais c’est magnifique­ment écrit, plein de fièvre. Ça nous porte, nous emporte. (Minuit)

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