L’ART DANS TOUS SES ÉTATS
Bienvenue à Sarasota, un îlot artistique et design bouillonnant sur la côte du golfe du Mexique.
BIEN QUE BEAUCOUP ADORENT LA FLORIDE, CETTE DESTINATION N’A JAMAIS ÉTÉ au sommet de ma liste. Je préfère de loin le combo musée-resto à celui plagebikini. Mais dès que s’ouvrent les portes du tout nouveau Art Ovation Hotel, j’ai matière à revoir mes préjugés. Sarasota, en plus d’avoir des longues plages de sable blanc ensoleillées, recèle une vibrante scène artistique et culturelle, qui se dévoile déjà à l’hôtel avec sa galerie d’art et ses cours d’art offerts aux invités.
J’y rencontre Lisa DiFranza, la commissaire culturelle de l’hôtel, qui me mènera du hall au huitième étage à travers Legacy, l’expo des professeurs et anciens étudiants du réputé Ringling College of Art and Design. Devant les ascenseurs, je flashe déjà sur Diver, de la photographe Sally Pettibon, qui superpose des photos anciennes. Mais je ne suis pas la première : l’oeuvre est déjà vendue. Après la visite, je me commande un verre de Mumm au bar, pendant qu’un trio de jazz s’occupe de l’ambiance. Dans la lumière dorée de 16 h, des formes semblent sortir des énormes toiles abstraites aux couleurs pastel de Tom Stephens. Y vois-je la statue de la Liberté et un ovni ? On dirait que l’esprit de Sarasota fait son oeuvre.
Et cet esprit est peut-être bien celui de John Ringling, le richissime promoteur qui, 1909, a établi ses quartiers d’hiver puis son cirque dans cette ville tranquille du golfe, à une heure au sud de Tampa. Son domaine de 27 ha comprend un musée du cirque, la plus vieille roseraie de l’État, une villa digne d’un palazzo vénitien
construit sans aucune retenue, et un musée rose en U avec 21 galeries et une cour style Renaissance. À une époque, il possédait 25 % de Sarasota, m’explique Isabel, ma guide, en nous menant sur la terrasse en marbre cinq couleurs de Ca ’d’Zan, la maison des Ringling. «Il avait comme but avoué de faire de la ville un pôle artistique américain. » Avec plus de 55 000 objets, dont 5 tapisseries de Peter Paul Rubens, un Diego Velásquez (et un énorme David avec lequel je tombe face à, heu, fesse), Ringling semble avoir accompli sa mission.
Sarasota ne se limite pas à l’art de la Renaissance. Des édifices, comme l’église luthérienne St. Paul, le très mauve Van Wezel Performing Arts Hall ou même la bibliothèque municipale aux airs de gâteau de noces à côté de l’hôtel, témoignent de la vivacité architecturale de Sarasota et à quel point on fait les choses différemment ici. La ville abrite des constructions dignes de Palm Springs, et c’est un peu grâce à Philip Hiss, promoteur qui a voulu faire de la caye Lido une plateforme pour les architectes de l’école d’architecture de Sarasota, connue pour ses design modernes, ses imposants pare-soleil et ses énormes jalousies. Hiss a commencé par se faire construire une maison par Paul Rudolph, puis un studio par Tim Seibert. L’Umbrella House, aussi signée Rudolph, qu’Hiss a fait bâtir à des fins spéculatives (les visionnaires d’ici sont aussi de bons businessmen), est une boîte vitrée de 186 m2 garnie d’un toit parasol géant, qui recouvre aussi la piscine. Architectural Digest la considère comme l’une des cinq maisons les plus remarquables de la moitié du xxe siècle. D’ailleurs, presque tout le quartier de Lido Shores semble sorti d’un rêve futuriste des années 1950, dans lequel je me vois revenir dans quelques décénies en tant que snowbird.
La dernière journée, je prends part à une séance de portrait offerte par l’hôtel. Danica Joki , une grande blonde serbe diplômée du Ringling College, nous tend le matériel pour peindre le visage d’Audrey Hepburn à partir d’une photo. La fille à ma droite s’est déjà lancée dans un fauvisme assumé. Une heure plus tard, mon monochrome mauve avec quelques coups de rose pâle ajoutés sur un coup de tête n’est pas si loin de l’original. Je dirais même qu’il est surprenant, et au-delà de mes attentes. Un peu comme Sarasota.
VOS COMMENTAIRES : COURRIER@AIRCANADAENROUTE.COM