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La forteresse

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SITUÉE AU CENTRE DE L’ÎLE, SIGIRIYA EST UNE FORTERESSE SUR

un rocher qui s’élève à 370 m au coeur de la jungle, construite il y a 1500 ans par Kassapa, un roi parricide un peu nerveux des conséquenc­es de son geste. Avec un magnifique jardin à ses pieds et un système d’irrigation qui alimente une piscine au sommet, ça ressemble plus à un palace. À mi-chemin, la file bifurque vers un escalier en colimaçon menant à une anfractuos­ité peinte en blanc et cachant les Demoiselle­s de Sigiriya, une fresque rupestre de femmes richement parées, aux yeux mi-clos et esquissant un sourire encore bien visible malgré les signes du temps. Des 500 d’origine, il ne reste que 21 des portraits commandés par Kassapa pour témoigner de sa grandeur (une forteresse sur un monolithe ne suffisait pas).

Il y a de meilleures idées que celle de monter plus de 1200 marches inégales en gougounes, mais la vue en vaut la peine. Au loin, alors que le soleil se couche et accentue les tons rosés des

pierres, la région se couvre d’une brume diaphane qui donne aux montagnes avoisinant­es une allure onirique. Sigiriya a toujours été un site archéologi­que prisé des visiteurs, mais quand je regarde autour de moi, sa photogénie dans la lumière d’après-midi semble lui donner un nouveau souffle auprès d’une foule plus fan de photos que d’histoire. Du coin de l’oeil, j’observe une jeune femme en robe à pois qui se tient sur la pointe des pieds, les bras vers l’arrière, comme prête à prendre son envol pendant que son amie travaille derrière l’objectif. De l’autre côté, deux jeunes hommes à chignon filment un accéléré, assis en yogi devant l’horizon, bien calés sur un muret où trône un panneau disant : « Ne marchez pas sur les ruines. » En digne fille d’un avocat plus droit qu’un piquet, cet écart aux règles me chicote, mais je prends une grande respiratio­n.

L’augmentati­on du tourisme au pays, qui a accueilli plus de deux millions de visiteurs en 2017, met certaineme­nt une grande pression sur les sites anciens et sacrés. Je m’interroge: comment trouver l’équilibre entre célébrer la culture et l’histoire d’un pays sans l’exploiter ?

 ??  ?? CI-DESSUS, DE GAUCHE À DROITE La vue du sommet de Sigiriya s’ouvre sur un paysage montagneux et éthéré ; tout ce qui monte doit redescendr­e.
CI-DESSUS, DE GAUCHE À DROITE La vue du sommet de Sigiriya s’ouvre sur un paysage montagneux et éthéré ; tout ce qui monte doit redescendr­e.

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