Au-delà des clichés par SAMUEL LAROCHELLE
Même si nos proches entremetteurs finissent généralement par comprendre qu’on ne datera probablement jamais leur collègue/cousin/ami du secondaire simplement parce qu’il aime les pénis lui aussi, quantité d’hétérosexuels pensent encore que les gais s’excitent sur absolument TOUS les représentants de la gent masculine. Bien entendu, quelques hétéros méritent que je me brise le cou lorsque je les croise sur la rue. J’ai également fantasmé à plus d’une occasion sur les acteurs Jude Law, Jake Gyllenhaal et Kit Harrington (John Snow dans Games of Throne). Mais ces derniers possèdent un tel sex-appeal que même de gros mâles hétéros doivent ressentir un petit quelque chose frétiller inconsciemment en les voyant.
Tout cela pour dire que mes congénères homos et moi-même n’avons que bien peu d’intérêt pour les gars de l’autre «équipe». Et ce, même quand on se retrouve dans les vestiaires avec eux! Oui, bon, je serais menteur d’écrire que je n’ai jamais récité des prières mentales pour éviter que mon appréciation d’un corps étranger se répercute sur ma nudité, mais on parle ici de très rares exceptions. En général, ça prend pas mal plus qu’une paire de fesses dénudées pour me faire défaillir; le pourcentage d’hétéros qui m’allument étant encore moins élevé que celui des gais, lui-même bien peu élevé.
Néanmoins, s’il advenait qu’un hétéro voit scintiller un éclat d’attirance dans le regard d’un homo, il devrait s’enorgueillir de l’effet suscité et se rappeler que le gars a certainement mieux à faire que d’essayer de le convertir. Ceux qui réagissent avec dégoût/peur/colère ne sont évidemment rien d’autre que des êtres homophobes et ignorants, qui ont probablement grandi dans un contexte où il était bien vu de vomir des horreurs sur les « tapettes » et qui, n’ayons pas peur des mots, partent dans la vie avec une strike contre eux. Sans oublier que le zieutage de bizounes est une activité hautement pratiquée par l’hétérosexuel moyen, qui a de tout temps cherché à comparer ses attributs avec ceux du voisin.
Quelques exceptions…
Tel que mentionné ci-haut, certains hétéros attirent notre attention, une fois de temps en temps. Puisque les gais ont eux aussi quelques patterns affligeants, nombreux sont ceux qui carburent à l’inaccessible : un concept multifacettes qui peut, parfois, prendre le visage d’un hétéro. Ils n’essaieront probablement jamais de convaincre l’objet de leurs fantasmes de tester la chair masculine, mais il se peut qu’ils gloussent intérieurement à leurs contacts. Pour ma part, j’ai toujours réagi plus intensément lorsqu’un hétéro me complimentait sur mon allure ou se montrait attentionné à mon égard. Comme si l’absence de potentiel relationnel et la présence d’un flirt parfois non avoué rendaient la chose plus enthousiasmante. Prenez, par exemple, ce serveur d’un restaurant du Village où j’allais régulièrement pendant des années : eye candy, sourire craquant, aux petits soins, il s’arrangeait toujours pour me donner la meilleure table et prenait le temps de s’informer de ma vie dès qu’il en avait l’occasion. Même si je le savais en couple avec une fille, j’ai (un peu) roucoulé le jour où, me voyant souffrir d’une grippe d’homme de première catégorie, il m’a apporté un breuvage gratuit pour que j’aille mieux, en plaçant son doigt sur ses lèvres pour que ma surprise n’éveille pas la jalousie chez les autres clients.
Mieux encore : j’ai déjà eu un rancard avec un hétéro! Il y a de cela trois ans, un commis dans une boutique du centreville a flirté avec moi et m’a invité à passer une soirée en sa compagnie. Convaincu qu’il était gai, tant nos phéromones parlaient le même langage, j’ai accepté sans hésiter. Au bout de quelques heures, sa bouche a eu envie de dire bonjour à la mienne. Peu après, gêné, il m’a confié qu’il était majoritairement hétéro, mais curieux. Comment aije réagi à ce revirement de situation? Malaise? Choc? Déception? Pas du tout! Je venais de frencher un hétéro, équivalent relationnel d’un gardien de but qui compte en prolongation, lors du septième match de la Coupe Stanley. Ce n’est pas censé se produire, on n’y rêve pratiquement jamais, mais si ça arrive, on sourit et on ne se plaint pas!
Plutôt que de publier une série de clichés sur la place des gais dans la vie des femmes, version adorateurs-demagasinage-et-de-potins-qui-offrenttellement-de-bons-conseils-de-garsavec-qui-on-ne-veut-pas-coucher (soupir), je pense qu’il est temps de parler de la place particulière (lire ici : ambiguë et pleine de nuances) qu’occupent les hommes hétéros dans la vie des homosexuels.
Même si je m’amuse à résumer ces anecdotes, elles ne sont nullement représentatives de la place unique des hétérosexuels dans mon cercle social. Avec eux, je fais du sport, je me fous complètement de ce que je vois sous la douche, je déconne, je discute, je fais des étreintes en public sans malaise et je profite d’une dynamique ô combien rafraichissante : directe, sans flafla, libre de la propension (souvent féminine) à la suranalyse et de l’ambiguïté (parfois tenace) avec certains amis gais. Bref, je n’ai aucunement envie de coucher avec eux, mais je ne m’en passerais pas!