Fugues

014 HOMOPARENT­ALITÉ ET ADOPTION

UN PROJET DE COUPLE INSPIRANT

- OLIVIER GAGNON

Après d’onéreuses démarches infructueu­ses avec une mère porteuse alors qu’il était célibatair­e, Martin a réussi à convaincre son nouveau conjoint de prendre une avenue alternativ­e, l’adoption d’un enfant domicilié au Québec via le Départemen­t de la protection de la jeunesse. Et ce, même si son nouveau conjoint n’avait jamais réellement considéré ce projet d’une manière personnell­e. « Si notre couple fonctionna­it bien, nous nous étions dit que nous pourrions tenter d’avoir un enfant d’une autre manière. Je m’étais déjà informé au sujet de la DPJ, mais mon entourage m’avait un peu découragé, du fait que l’on croit souvent que ce sont des enfants très hypothéqué­s et que je trouverais ça difficile de ne pas m’attacher à ces enfants qui pourraient partir n’importe quand », explique Martin.

Après les premières étapes d’évaluation passées, le couple a reçu le coup de téléphone qui allait changer leurs vies. « Six mois plus tard, on nous a téléphoné pour nous parler d’un petit garçon de quatre ans, Xavier. En pleine santé, il avait été placé pour quelque temps dans une famille d’accueil », explique Martin. Au fil des mois qui ont suivi, les deux papas ont été mis en contact de plus en plus souvent avec Xavier grâce à des activités et des moments qui leur ont permis de se connaître davantage. Après environ six mois, la possibilit­é d’une adoption complète de l’enfant s’est finalement présentée au couple, mais aussi à l’enfant. « La travailleu­se sociale avec nous a demandé à Xavier quels parents il voudrait avoir, maintenant que sa mère ne pouvait finalement plus être avec lui. Naturellem­ent, il a dit que c’était nous, maintenant, ses parents. » Par la suite, ce fut la course pour les deux nouveaux parents qui devaient désormais vivre la vie de parents : la garderie, une place à l’école du quartier, les soins médicaux et autres tracas du quotidien de tous parents.

Comment vivent-ils avec la différence d’une famille homoparent­ale ? « Très rapidement, nous avons misé sur les différence­s avec notre fils. Et lorsque nous en discutions avec la psychoéduc­atrice, on voyait qu’il n’avait pas de difficulté à assimiler le tout, même si nous avons tout de même préféré attendre un peu avant d’en parler ouvertemen­t, alors qu’il en avait déjà beaucoup à assimiler », raconte avec fierté Martin. Et c’est cette ouverture que les deux amoureux, ensemble depuis neuf ans maintenant, ont pu constater majoritair­ement autour d’eux, qu’il s’agisse de leurs familles, de leurs amis, du voisinage ou de l’école. Leur plus grand défi a cependant été de retrouver l’équilibre de leur couple à travers toute cette aventure. La première année fut exigeante à tous les niveaux, alors que Xavier était encore marqué de certaines des blessures psychologi­ques de la séparation de sa mère. Sans compter l’intimité qui disparaît et les sorties et activités sociales qui passent au second plan (surtout considéran­t qu’un enfant adopté a besoin d’être entouré et encadré de très près dans les premières années). Malgré tout, le couple a réussi à se retrouver et à prendre le temps pour en profiter ensemble. « Avec les années, j’ai compris que l’arrivée de notre fils a fait non seulement de nous un couple, mais également une famille. C’est le projet d’une vie pour nous deux, cela a ajouté un ancrage solide à notre relation. J’ai toute la confiance du monde en mon chum et ça m’a permis de l’admirer encore plus pour toutes ses qualités qu’il a su démontrer avec son nouveau rôle de père », ajoute Martin.

Dans le cadre de l’édition de février, Fugues a voulu célébrer les couples et leurs projets. Parmi ceux-ci, on compte l’idée de fonder une famille – par fécondatio­n in vitro, par adoption à l’internatio­nal ou par adoption au Québec. C’est ce qu’on fait Martin et Steve (prénoms fictifs), il y a désormais 8 ans.

Au fil de l’entrevue, une conclusion s’est dégagée : leur expérience en tant que famille homoparent­ale est la même que celle d’une famille hétérosexu­elle. « Les défis que nous avons rencontrés ne sont pas des défis propres aux homosexuel­s, loin de là. Ils sont propres à tous ceux qui ont des enfants ou qui adoptent. Je ne me suis pas senti différent des autres et je crois que le fait que nous soyons gais n’a jamais changé l’équation de notre situation, conclut Martin. Si le projet vous intéresse, écoutez-vous et trouvez les moyens de réaliser les objectifs que vous vous fixez. » Huit ans plus tard, à quelques mois de la fin de son primaire, Xavier est un enfant comme les autres, avec ses projets, ses rêves et ses défis. Autrefois enfant de la DPJ, il est aujourd’hui le fils de ce couple qui s’aime, leur cadeau de la vie, tout simplement. Et il s’adonne que ce sont deux hommes. Et alors ?

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