DE MAIN DE MAÎTRE
Il n’avait que trois ans quand il a dit à sa grand-mère qu’il aimerait devenir marionnettiste. On peut affirmer qu’à 45 ans, Patrick Martel a remporté son défi haut la main. Sa plus récente création? Les marionnettes géantes de « Toruk - le premier envol », le tout dernier spectacle du Cirque du Soleil Soleil, main maintenant en tournée mondiale. Fugues a rencontré un marionnettiste en pleine possession de son art.
« Être un marionnettiste, c’est autant être un super technicien qu’un super poète!». C’est ainsi que se définit Patrick Martel. Pendant plus d’une heure, il me parle de marionnettes à gaines ou à gueule, de spectacles pour enfants ou pour adultes, de projets qui l’ont fait vibrer. Dire qu’il est passionné par son art ne serait pas à la hauteur de ce qu’il vit. Souriant, posé, le regard charmeur, ce créateur ouvertement gai vit avec autant d’intensité que lorsqu’il était enfant et qu’il ouvrait la télévision.
« C’est via les émissions jeunesse que j’ai eu mon premier contact avec les marionnettes. Il y avait Bobinette, bien sûr! Je me rappelle aussi de Brimbelle, la petite marionnette de la Souris verte. Mais de tous ces personnages, pour moi, Nic et Pic, c’était le top! C’est l’émission qui a le plus influencé ma carrière. Je devais avoir 7 ou 8 ans et j’avais ces deux marionnettes à la maison. Je me souviens avoir construit, avec ma mère, la montgolfière de Nic et Pic avec un panier à linge! J’étais fasciné par les marionnettes. Moi, enfant, quand je recevais un toutou, je regardais s’il y avait un trou pour mettre ma main dedans! » (rires).
Captivé par les marionnettes, il ne voit pas comment il pourrait en faire une carrière. Patrick choisit alors d’aller étudier en théâtre, à l’UQAM, dès 1989. Mais rapidement, il s’aperçoit qu’être comédien, ce n’est pas pour lui. Tout en poursuivant sa formation en jeu, il prend des cours de scénographie et aussi de fabrication de marionnettes. À peine sa formation universitaire terminée, il obtient un contrat pour le Grand jeu de nuit, spectacle à grand déploiement présenté dans le cadre du 350e anniversaire de Montréal. C’est le Théâtre Sans Fil qui l’engage. « On était 60 marionnettistes. Quand j’ai postulé, il ne restait qu’un poste à combler: j’ai été le dernier choisi! »
Presque 25 ans plus tard, Patrick fait un survol de tous les projets auxquels il a participé… et il y en a : des émissions jeunesse (1,2,3…Géant , Iglou-glou, Paul et Suzanne, etc.), du théâtre de marionnettes, particulièrement avec le Théâtre de l’Avant-Pays, et aussi l’enseignement à l’UQAM, ayant mis la main à la pâte pour créer le DESS en théâtre de marionnettes contemporain de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM.
Le secret de son succès? « Pour gagner sa vie dans ce milieu, faut pas que tu ne fasses qu’une chose, faut que t’en fasses 60! Moi, ma théorie, c’est dire "oui" à toutes les opportunités! C’est ce que j’ai fait… jusqu’à l’an dernier, lorsque j’ai reçu un coup de fil pour travailler sur le nouveau spectacle sur Cirque du Soleil. »
À l’été 2015, Patrick est approché par le duo Victor Pilon et Michel Lemieux, à qui le Cirque a donné le mandat d’adapter pour la scène le film à succès de James Cameron, Avatar. « Travailler sur Toruk, ça a été un cadeau de la vie! D’autant plus que j’ai pu être impliqué à plein de niveaux : à la conception des seize marionnettes, au suivi de la fabrication et aussi à la direction du jeu des marionnettistes. »
Le plus grand défi relevé par Patrick demeure la création du toruk, cet immense oiseau-dragon dont l’envergure des ailes dépasse 12 mètres. « Même s’il était surdimensionné, il ne devait pas dépasser 200 livres (le poids d’une homme) une fois démonté, pour des raisons de logistique de transport ».
Mission réussie pour Patrick et son équipe, le toruk a pris son envol en décembre dernier. « Travailler sur une mégaproduction comme avec le Cirque du Soleil ou sur une petite production à trois marionnettistes, c’est pas mal identique. Ce sont les mêmes étapes, les mêmes questions qu’on se pose, les mêmes doutes et les mêmes moments "eurêka"! Y’a juste plus d’intervenants! »
Fier de son travail, Patrick tourne la page sur cette aventure avec le Cirque du Soleil, qui l’a occupé depuis un an et demi, et part en