Métier galériste
POUR LE PLAISIR DE FAIRE VIVRE LES TABLEAUX ET LES ARTISTES Le 5 mai dernier, la Galerie Youn fondée par Juno Youn célébrait ses cinq ans d’existence. Cinq ans déjà au coeur du quartier Mile End, sur Saint-Laurent, où des dizaines et des dizaines d’artist
De 1999 à 2017, Juno Youn a cofondé et dirigé la Galerie SPIN à Toronto avant de s’installer à Montréal. Ici, M. Youn a d’abord créé une galerie virtuelle appelée Projets contemporains Flying Rooster. Mais, en mai 2013 Juno Youn pousse sa passion des arts jusqu’à avoir pignon sur rue sur Saint-Laurent, dans le dynamique secteur multiculturel du Mile End…
En 2013, Juno Youn a été nommé parmi les 20 «Plus grandes personnalités de la diversité de l’année» par Médiamosaïques. C’était une raison de plus pour faire une entrevue avec Juno Youn sur la galerie et sur l’art contemporain…
Mais comment M. Youn voit-il l’évolution de cette galerie ? « Eh bien, bien des choses ont évolué et nous continuons constamment de transformer la galerie. J’avais d’abord entrepris de créer une galerie en ligne, mais j’ai alors réalisé qu’à la fois les artistes et les clients désiraient un contact physique avec l’art. À peu près un an plus tard, j’ouvrais donc cette merveilleuse galerie dans le Mile End. En 2013 donc, j’ai été interviewé par Radio-Canada/CBC et on m’a posé une question que je trouvais étrange: ‘’Pourquoi voudriez-vous ouvrir une galerie d’art lorsque tout est en train de fermer à Montréal ?‘’ C’est là que j’ai alors répondu ceci : ‘’Je ne suis pas vraiment intéressé à savoir ce que les autres font ou sur ce qui ferme ou ouvre. Je veux simplement créer un bel environnement où je peux exposer de très intéressantes pièces d’art contemporain. Et, avant de me juger, attendez quelques années et revenez me voir pour savoir où j’en suis rendu.‘’ À présent, j’ai atteint les cinq ans d’existence. Nous avons exposé des artistes tant émergents qu’en mi-carrière et de réputation internationale et pas uniquement du Québec, de Toronto ou de Vancouver, mais [des artistes] reconnus à travers le monde. Nous avons participé à des foires d’art internationales et nous avons publié, également, plusieurs catalogues. J’ai le sentiment que nous avons vraiment bâti ici des assises » , solides et nous sommes prêts à aller vers la prochaine étape qui est la scène artistique internationale. J’aimerais exposer des artistes canadiens à l’étranger et amener des artistes internationaux à Montréal », d’expliquer Juno Youn.
Y a-t-il quelque chose qui a changé concrètement en ces cinq ans ? « Nous changons constamment, mais je pense que nous sommes définitivement plus confortablement établis à Montréal en ce sens que nous avons un bon réseau de collectionneurs et d’appuis. » Mais est-il autant passionné qu’au début ? « Absolument, je sens que nous entreprenons un tout nouveau chapitre et je suis très excité », affirme-t-il.
Comparé à Toronto où vous étiez établi avant, est-ce que Montréal est un bon marché pour l’art selon vous ? « On ne peut pas comparer Toronto à Montréal, ce serait comme comparer des pommes et des pêches, poursuit M. Youn. Chacune de ces villes possèdent de bons et de mauvais côtés. Les gens croient que Toronto représente un plus grand bassin pour l’art, mais pour ma part, je suis impressionné de constater à quel point les gens de Montréal apprécient l’art. Le marché de l’art canadien en est encore à un stade émergent, mais il est en pleine croissance. Montréal regorge de collectionneurs d’art. Il faut seulement continuer et persévérer.»
Votre galerie a toujours encouragé et appuyé les artistes gais. Est-ce qu’il y a un marché à Montréal pour un art dit «gai» et comment cela est-il perçu? « Le fait est que je suis ouvert à sélectionner les meilleurs artistes qui soient. De manière naturelle, plusieurs artistes sont gais, lesbiennes ou trans. »
Qu’est-ce que vous pensez de l’art contemporain (en général) aujourd’hui? « Gérer une galerie d’art semble très ‘’glamour’’ et facile, mais c’est loin d’être la réalité. Nous travaillons très, très fort, les gens ne voient pas ce qui se passe en arrière scène et tous les efforts qui y sont mis. Le marché de l’art est changeant. Les foires d’art internationales sont imprévisibles. Ce n’est plus comme il y a 10 ou 15 ans alors que nous, les agents, nous étions capables de tirer un certain profit des foires parce qu’il ya à présent tellement de salons d’art partout. Parfois, un salon qui était génial l’année précédente sera plutôt médiocre cette année ou vice versa. Maintenant, les foires sont là plus pour la reconnaissance et pour promouvoir les artistes que de faire réellement de bonnes affaires. Une partie importante de mon travail est d’éduquer le public sur le fait que l’art n’a pas besoin d’être précieux ou coûteux, mais qu’il peut être accessible et à collectionner. Je dis toujours à mes clients qu’ils achètent une oeuvre parce que cela leur plaît. Et je sais que bien des agents seraient d’accord avec moi, cela semble être un cliché, mais c’est vrai. Bien des collectionneurs d’art contemporain sont loin d’être millionnaires. Vous seriez surpris de savoir combien d’agents permettent des paiements mensuels… Bien des oeuvres sont à un prix fort raisonnable. C’est même souvent meilleur marché que de s’acheter des sacs à mains ou des souliers griffés. »
Pour le mois de juin, vous avez choisi d’exposer les oeuvres de Bruno Leydet, parlez-nous un peu de lui et de l’intérêt que vous lui portez ? «Bruno Leydet m’avait demandé d’aller visiter son studio, mais il avait été très modeste lorsque je lui ai demandé de me décrire son travail. En fin de compte, j’y suis allé et j’ai été très agréablement surpris par ses oeuvres. Il possède un très large éventail d’oeuvres, dont certaines datent d’il y a dix ans même, des oeuvres très bien rendues et sophistiquées. C’est un artiste mature, mais qui n’a pas jusqu’à présent vraiment exposé dans une véritable galerie. Je suis plus qu’heureux d’avoir pu le programmer pour une première exposition solo. Offrir une telle occasion à un artiste émergent me comble beaucoup [d’un point de vue personnel], d’autant plus que c’est rare de trouver un artiste émergent dont les oeuvres sont aussi matures que celles de Bruno Leydet.»
Est-ce que vous voudriez ajouter autre chose ? «Oui, j’aimerais dire que je trouve cela admirable que Fugues accorde une visibilité aux galeries d’art et aux artistes de Montréal. Les Montréalais appuient énormément le milieu de l’art et particulièrement la scène locale. Et nous, dans la communauté gaie, nous contribuons pas mal à cet encouragement.»