DLA NOUVELLE VIE D’ÉRIC RADFORD
À la mi-février, Eric Radford a défrayé les manchettes du monde entier en devenant le premier homme ouvertement gai à gagner l’or olympique aux Jeux d’hiver. Aujourd’hui retraité de la compétition, le Montréalais d’adoption se concentrera désormais sur le patinage dit «professionnel», en plus de devenir entraîneur, chorégraphe et compositeur de musique. Au cours de la prochaine année, il fera le tour du monde avec les spectacles StarsonIce, planifiera son mariage, prévu à l’été 2019, avec le patineur nouvellement retraité Luis Fenero, et décidera s’il déménage à Vancouver pour travailler dans la future école de patinage artistique de son ami Patrick Chan ou s’il s’impliquera auprès de son entraîneur des dernières années, Bruno Marcotte.
Malgré son horaire de premier ministre, il a pris le temps de s’asseoir pendant plus d’une heure pour raconter son histoire, trois jours après la fin des JO et deux jours avant de s’envoler en Australie, où il a offert un séminaire avec sa partenaire Meagan Duhamel.
Te vois-tu désormais comme un porte-parole de la communauté lgbt? Ma vision a beaucoup changé sur le sujet. Je suis extrêmement fier de ce que j’ai réalisé à PyeongChang, et je sens que j’ai désormais une responsabilité. Je reçois beaucoup de messages des gens qui me remercient pour mon courage. Ironiquement, je ne me sens pas courageux. J’essaie seulement d’être moi-même. Sauf que ces messages démontrent que je fais une différence. C’est un meilleur fantastique! Ça me replonge dans ma propre expérience : je repense aux années d’intimidation que j’ai vécues et à l’absence de modèles LGBT durant ma jeunesse...
Pendant un temps, je pensais être le seul homosexuel de ma ville, et je me demandais pourquoi ça m’arrivait! Je n’en voyais pas non plus à la télévision. Rien ne me laissait savoir que les gais pouvaient connaître du succès et trouver leur place dans le monde. Si j’avais eu quelqu’un de qui m’inspirer, ça m’aurait aidé à m’accepter. Aujourd’hui, j’ai envie d’être cette personne pour d’autres.
Te faisais-tu intimider parce que tu faisais du patinage artistique ou parce que les gens supposaient que tu étais gai?
Un peu des deux. J’avais des manières qui pouvaient être considérées plus féminines et je parlais en zozotant, ce qui pouvait être associé à un stéréotype gai. Durant ma dernière année au primaire, on se moquait de moi tous les jours, sans arrêt, en me lançant des insultes associées à l’homosexualité. Une fille m’a même déjà demandé si mes parents pensaient que j’étais une fille, puisqu’ils m’avaient inscrit au patinage artistique et à la gymnastique, deux «sports de filles». Je me souviens avoir pensé que ce n’était pas une décision de mes parents. C’est moi qui voulais pratiquer ces sports. Alors, je me suis demandé ce qu’il y avait d’anormal en moi pour que je veuille faire ça. Je me suis longtemps détesté à cause de ma sexualité. Entre 13 et 16 ans, je me battais contre mes sentiments et mes désirs.
Quand as-tu annoncé ton homosexualité à tes proches?
Vers 18 ans. Mes amis avaient créé un environnement plein d’amour et de sécurité qui m’a fait réaliser qu’ils m’aimeraient peu importe ce que je ferais ou qui j’étais. Je me suis senti confortable de leur en parler. Quant à mes parents, ils ne m’ont offert que du soutien et de l’amour quand je leur ai dit. Je suis très chanceux. Il y a quelques jours, des amis m’ont expliqué que certains de leurs proches avaient des relations très difficiles avec leurs parents, depuis leur coming out. Par contre, en me voyant aux nouvelles et en voyant mes parents m’encourager, cela leur a ouvert les yeux sur le fait que l’homosexualité n’avait rien d’anormal...
Qu’est-ce qui t’a convaincu de faire ton coming out public des années plus tard, en 2014?
Avant, je n’en ressentais pas le besoin, puisque mes proches et le milieu du patin le savaient. J’étais dans ma bulle et je me concentrais à réaliser mon rêve olympique en me qualifiant pour Sotchi. Puis, après les JO en Russie, beaucoup de choses ont changé. Ma partenaire Meagan et moi avons changé notre perspective sur le patinage et la place que le sport occupait dans nos vies. On est devenu plus solides, plus ancrés. Durant l’année qui a suivi les Jeux, on était sur un momentum. On était invaincus en compétitions. On savait qui on était. Et l’opportunité de raconter mon histoire à ma façon, au bon moment, s’est présentée. J’ai senti instinctivement que j’étais prêt. Je me disais que plus les athlètes et les personnalités publiques parleraient ouvertement de leur homosexualité, moins ce serait une grosse histoire avec le temps. J’avais envie de participer à ce mouvement.
Récemment, le skieur Gus Kenworthy a publié un statut illustrant la quantité de commentaires homophobes très violents qu’il a reçus depuis la publication de la photo le montrant en train d’embrasser son copain aux Jeux olympiques. As-tu reçu ce genre d’insultes depuis ton coming out?
Au homosexualité. j’ai cours partagé des la quatre photo J’étais dernières de out ma de demande façon années, discrète. en aucun mariage Mais, média sur en ne juin les me réseaux dernier, parlait sociaux, de lorsque mon j’ai lais reçu attraper beaucoup le sida… de réactions Je trouve négatives. ça tellement Des étrange inconnus qu’ils me disaient me suivent que j’al- sur Instagram et qu’ils prennent le temps de m’écrire ça. Il y a réellement des gens qui nous détestent et qui veulent nous l’exprimer pour qu’on se sente mal. Ceci dit, durant et après les Jeux de PyeongChang, je n’ai rien vu de négatif. Ma situation est très différente de celle de Gus. Il est Américain. Il s’exprime beaucoup plus fort que moi. Et il a au moins 10 fois plus de gens qui le suivent.
Qu’aimerais-tu faire auprès de la communauté LGBT dans le futur?
En juin, je vais participer à la Pride d’Oslo, à l’invitation de l’ambassadeur canadien en Norvège. Et j’aimerais écrire un livre sur les liens entre mon expérience sportive et le processus pour assumer ma sexualité. Je suis une personne introspective, analytique et très près de mes émotions. Mes amis trouvent que je les exprime bien et que je devrais partager tout ce que j’ai vécu. J’ai envie de donner des exemples aux plus jeunes pour qu’ils puissent s’identifier à quelqu’un et voir comment j’ai réussi à m’accepter, malgré les peurs et l’anxiété qui m’habitaient. SAMUEL LAROCHELLE