TROIS MODÈLES DE POLITICIENS LGBT
L’orientation sexuelle ou l’identité de genre ne nuit pas à la possibilité de mener une brillante carrière en politique, selon l’expérience de trois membres de la communauté LGBT+ qui ont obtenu la reconnaissance de leurs concitoyens. Agnès Maltais, députée péquiste de Taschereau durant 20 ans à l’Assemblée nationale nationale, Réal Ménard, Ménard député bloquiste de Hochelaga à la Chambre des communes (1993-2009) et maire de l’arrondissement Mercier–HochelagaMaisonneuve (2009-2017), et Julie Lemieux, première élue transgenre au Canada en 2013 comme conseillère municipale de Très-Saint-Rédempteur puis mairesse du même village de la Montérégie depuis 2017. Dans le cadre de la Fête Arc-en-ciel de Québec, ils ont participé à un panel organisé par Fierté au travail Canada et l’Alliance Arc-en-ciel de Québec sous le thème Êtreun.eacteur.tricedechangementenpolitique.
Le goût de s’impliquer dans sa communauté
Impliquée dans le milieu culturel et le secteur de la santé, Agnès Maltais s’est lancée en politique à la suite de la suggestion d’un groupe d’amies qui souhaitaient qu’une femme représente les électeurs de Taschereau. Son père et sa mère ont occupé notamment la fonction de maire dans son village natal de Sault-au-Mouton sur la Côte-Nord. «Nous avons convenu que ce serait moi, entre autres parce que je portais quelque chose de particulier, c’est-à-dire d’être une femme gaie. Nous voulions qu’il y ait une femme gaie à l’Assemblée nationale», a-t-elle raconté. Elle a été battue aux élections générales de 1994, mais elle a été élue quatre ans plus tard. Julie Lemieux s’est d’abord impliquée dans la sauvegarde d’un bâtiment patrimonial de Très-Saint-Rédempteur. Comme elle trouvait que ce dossier n’avançait pas assez vite à son goût, elle s’est présentée comme conseillère municipale et elle a été élue par acclamation. «Nous avons réussi à sauver l’église du village, qui datait de 1886, en la transformant en centre socioculturel», relate-t-elle avec fierté. Réalisant alors qu’elle pouvait améliorer la vie de ses concitoyens, elle s’est présentée à la mairie où elle a été élue avec près de 50% des voix. C’est vers l’âge de 15 ans que Réal Ménard a su qu’il mènerait une carrière en politique. «Je me levais, le samedi matin, pour écouter avec mon père les débats à l’Assemblée nationale», se souvient-il. À l’âge de 31 ans, il a décidé pour la première fois de briguer les suffrages pour devenir le député fédéral d’Hochelaga, parce qu’il aimait s’impliquer dans sa communauté, avait le goût du service public et adorait les débats.
Un coming-out inattendu
Réal Ménard et Agnès Maltais ont annoncé publiquement leur orientation homosexuelle à un moment précis de leur carrière. Lors d’une mêlée de presse en septembre 1994, Réal Ménard a révélé son orientation sexuelle en posant une question au premier ministre Jean Chrétien. Une députée libérale avait associé l’homosexualité et la pédophilie, lors d’un débat à la Chambre des communes sur l’inclusion de la violence contre les homosexuels à tenir en compte comme facteur aggravant dans la détermination d’une peine. «Dans les années 90, l’homosexualité avait encore une connotation élégamment négative», a-t-il fait remarquer. En novembre 2003, Agnès Maltais a dévoilé officiellement son homosexualité à la suite d’affiches homophobes apposées à l’extérieur du local du Groupe gai de l’Université Laval (GGUL). Elle allait prononcer une conférence dans le cadre du 25e anniversaire du GGUL. «J’étais tellement choquée que j’ai fait mon coming-out devant les médias présents qui en ont parlé ensuite en une de leur journal ou de leur bulletin télévisé». Le lendemain de son annonce retentissante, elle a rencontré Louise Harel dans un couloir de l’Assemblée nationale. «Elle m’a prise dans ses bras et elle m’a dit qu’elle était fière d’être membre du Parti Québécois qui compte dans ses rangs la première femme ouvertement homosexuelle à siéger à l’Assemblée nationale.» Julie Lemieux a raconté que c’est la «commère du village» qui a dévoilé son ancienne identité de genre aux citoyens de Très-Saint-Rédempteur, lorsqu’elle s’est présentée aux élections municipales de 2013. «Il a voulu prendre [ma nouvelle identité de genre] pour en faire un élément négatif», a-t-elle déploré. Durant les quatre ans de son mandat de conseillère et responsable des loisirs, elle faisait du bénévolat et rencontrait régulièrement ses concitoyens. «Au début, c’était Julie la transgenre. À la fin, c’était Julie. Aux élections de 2017, ils ont voté à la mairie pour Julie. J’ai défait le maire qui siégeait depuis 20 ans et qui était également le préfet de la MRC. Certains me disaient que je n’avais aucune chance de gagner. […] Aujourd’hui, on s’aperçoit que ce n’est plus comme avant, et ce, grâce à Internet et aux médias sociaux qui permettent aux gens de s’informer.»
Les personnes LGBT+ ont leur place en politique
Les trois panellistes pensent que plus de personnes LGBT+ devraient se prrésenter en politique. «Je suis la première femme trans à être élue, peu importe le palier de gouvernement au Canada. Je ne veux pas être la première et la dernière, a souhaité la sympathique Julie Lemieux. Avant de se présenter en politique, elle considère que les futurs candidats doivent ‘être bien avec leur marginalité pour être capables de s’exposer publiquement». Selon Réal Ménard, les personnes LGBT+ doivent être prêtes à dévoiler leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Lors de son élection en 1993, des gens d’une centrale syndicale l’avaient menacé de rendre publique son orientation sexuelle. «Ça m’avait beaucoup blessé. Je suis contre l’outing. Il faut être prêt. Je ne veux pas qu’on me définisse seulement selon mon orientation sexuelle. Je suis compétent dans d’autres dossiers comme le crime organisé et la lutte contre la pauvreté», a-t-il souligné. À son avis, le «goût du combat» est un prérequis en politique. Agnès Maltais a recommandé aux personnes LGBT+ de s’engager dans leur communauté avant de penser à une carrière politique. Elle leur a également conseillé d’être «authentique». Elle pense aussi que les élus LGBT+ ont la responsabilité d’être des modèles dans la société. «Notre communauté doit avoir des modèles de représentation publique dans des postes électifs de haut niveau comme Réal et Julie.»