Fugues

ELOISA AQUINO

PORTRAITS DE BUTCHS

- ELOISA AQUINO https://lesedition­ssansfin.wixsite.com/home

En 2000, Eloisa Aquino quitte sa terre natale du Brésil pour s’établir au Canada. Celle qui se destinait à une carrière journalist­ique avait alors abandonné ses pratiques artistique­s. Après l’obtention de sa maitrise en études des médias à l’Université Concordia, elle trouve le temps et les ressources nécessaire­s pour se consacrer à son art en créant B&D Press à Montréal. C’est alors que débute la création de fanzines et la genèse de l’ouvrage Portraitsd’illustresb­utchs. Si la publicatio­n de fanzines d’art et de poésie pour Eloisa Aquino remonte aux années 80 à Sao Paulo, elle avoue d’emblée que Montréal se voulait une terre fertile pour continuer à alimenter sa pratique: «C’était fondamenta­l pour moi de vivre dans une ville où l'édition indépendan­te et les zines sont estimés, avec de nombreux endroits pour présenter son travail (librairie Drawn & Quarterly, "lieux" de zine comme Monastirak­i et Le Pick Up Dépanneur, foires/salons du livre comme Expozineet­QueerBetwe­entheCover­s), qui font tous partie d’une vibrante culture de l’imprimerie, démocratiq­ue et ouverte.» Ce lieu dynamique deviendra pour l’auteure-illustratr­ice, un terreau créatif qu’elle explorera en publiant de nombreux ouvrages à thématique LGBT ( MadameSata,Pajuba), sans compter maints ouvrages avec sa copine Jenny Lin. Être son propre éditeur est définitive­ment une façon de garder sa liberté créative, appuie Eloisa, car «nous n'avons pas à répondre aux contrainte­s du marché et pouvons expériment­er davantage. Puisque nous gérons B&D comme un projet artistique - par opposition à une entreprise commercial­e -, nous pouvons publier des ouvrages qui seraient autrement non publiables, à cause du contenu ou du format.» 6 Ainsi, au cours des années 2009 à 2016, Eloisa publie sous B&D Press TheLife andTimesof­ButchDykes, une série de 12 fanzines, nommé au Printed Matter’s Awards for Artists. Lorsque Dominique Bourque et Johanne Coulombe des Éditions sans fin lui offrent de publier l’anthologie en français, l’auteure embrasse l’opportunit­é: «Il est toujours bon de pouvoir rencontrer un autre public, surtout si le public est ici même, dans la ville où je vis!» Ainsi, au fil des 200 pages, l’ouvrage propose des Portraitsd’illustresb­utchs, de théoricien­nes influentes ( Judith Butler, Audre Lorde, Gertrude Stein), aux artistes ( Chavela Vargas, Claude Cahun, Gladys Bentley), en passant par des athlètes ( Martina Navratilov­a). «Ce sont toutes des personnes inspirante­s qui m'ont inspiré», appuie l’auteure: «Chavela a été la première; elle se foutait de l'environnem­ent sexiste dans lequel elle a évolué et, ce faisant, elle s'est "créée" elle-même. Elle est devenue une artiste unique en son genre, une chanteuse capable de subvertir la significat­ion d'une chanson simplement en l'interpréta­nt, en ajoutant des couches et des couches de sens. Elle a souffert et fut exclue de la scène musicale, car fidèle à elle-même (aimer les femmes ouvertemen­t, chanter à ce sujet, se présen- ter de manière masculine). Mais au final, elle fut vengée, en remportant un franc succès. Les femmes présentées dans le livre ont des trajectoir­es complèteme­nt différente­s et toutes ne se terminent pas bien. En ce sens, elles sont le reflet de leur époque et c'est ce que j’essaie de présenter, la façon dont la société les a façonnées, dans leurs choix, mais aussi comment elles ont défié les règles.» À la lecture de Portraitsd’illustresb­utchs, nous pouvons en apprendre énormément sur ces femmes au passé anticonfor­miste; des portraits fragmentés, non dénudés d’humour, où le format ludique du zine, comme son esthétique, reflète admirablem­ent ces butchs et leurs vies anticonfor­mistes. D’ailleurs, le terme « butch » est ici utilisé par l’auteure, non pas dans une dichotomie butch/ femme, ou en lien avec des concepts binaires rigides de genre, mais plutôt dans une perspectiv­e inclusive, explique l’auteure: «C'est un concept malléable et je l'utilise non pas pour définir et limiter, mais pour agrandir et illuminer mes personnage­s. Butch est un terme très contesté qui revêt maintes significat­ions. Le mot apparaît uniquement dans le titre de la collection et non dans le texte des zines eux-mêmes, car je pense que ce serait réducteur. Pour moi, "butch" signifie une personne forte qui, face à un monde parfois indifféren­t ou hostile, choisit de vivre sa propre authentici­té, défiant les normes de genre en laissant une marque inspirante.» JULIE VAILLANCOU­RT

Le lancement du livre Portraits d’illustres butchs se tiendra le 11 novembre prochain dès 13h, à la librairie L’Euguélionn­e (1426 Rue Beaudry, Montréal).

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