Fugues

KATHRYN FOSS

FEMEM TRANS ETMILITAIR­E

- SAMUEL LAROCHELLE

Militaire depuis trois décennies, Kathryn Foss a reçu en octobre dernier la Mention d’honneur Liz Hoffman de l'Ombudsman du ministère de la Défense nationale pour son soutien aux membres de la communauté LGBTQ+ au sein de Forces armées canadienne­s. Que signifie l’obtention de la Mention d’honneur pour vous?

C’est une reconnaiss­ance que je n’attendais pas. J’étais surprise que des gens remarquent le travail que je fais au-delà de mes tâches habituelle­s. Je passe tant de temps à penser aux autres que j’oublie qu’on peut s’intéresser à moi.

Comment vous impliquez-vous?

J’ai débuté en m’impliquant dans le programme Espaceposi­tif du gouverneme­nt fédéral, qui favorise l’accueil et l’inclusion de tous. J’offre du soutien aux membres de la communauté LGBTQ. J’éduque les gens à propos de tout ce qui concerne l’orientatio­n sexuelle, l’identité de genre et les différente­s terminolog­ies associées au monde LGBTQ+. Par exemple, j’explique que nous ne voulons pas de traitement spécial, mais simplement l’égalité et du soutien. Je n’aime pas me plaindre, mais j’apprécie provoquer le changement. Et je crois que de partager mon histoire est un bon moyen pour favoriser la compréhens­ion de certains enjeux, en permettant aux gens de mettre un visage sur une réalité ou un problème.

Retournons dans le temps. Pourquoi avez-vous joint l’armée?

Dans les années 80, le Canada était en récession. J’ai toujours su que je voulais avoir une éducation, mais mes parents ne pouvaient pas se permettre de m’envoyer à l’université. L’armée m’offrait une éducation gratuite et un emploi garanti. En plus, quand j’étais ado, mon grandpère m’avait suggéré de joindre les cadets, parce que «that’s what young men should do». J’aimais l’aventure, apprendre et voyager. Donc en mélangeant tout ça, j’ai pensé que l’armée serait une voie intéressan­te.

Vos débuts en 1987 ont-ils été positifs?

Au centre de recrutemen­t, un officier m’a demandé si j’étais gai, car c’était illégal dans l’armée. Pour être accepté, j’ai répondu non, ce qui était un mensonge selon la compréhens­ion de qui j’étais à l’époque. Jusqu’à ce que les règles changent en 1992, afin de permettre aux gais et lesbiennes de servir dans l’armée, je ne pouvais pas être moimême. Durant mes cinq années au collège militaire, je devais cacher ma vraie nature à des collègues avec qui j’étudiais, avec qui je vivais et avec qui je partais en vacances. J’ai appris beaucoup sur l’absence de diversité, les normes sociales et comment me protéger pendant cette période de ma vie.

Quand avez-vous débuté votre transition?

J’ai compris qui j’étais en 1991, en lisant sur les personnes trans durant ma dernière année d’université. À cette étape de ma vie et de ma carrière, je ne sentais pas que c’était un bon moment pour penser d’abord à moi et pour transition­ner, alors que j’allais faire mon entrée dans ma première unité sur le terrain. J’ai plutôt débuté il y a trois ans.

Comment vos proches ont-ils réagi?

Je ne peux pas dire que tous mes amis et tous les membres de ma famille ont bien réagi. Certains ont pris plus de temps pour comprendre, accepter ou juste me reparler à nouveau. Mais en général, j’ai surtout reçu du soutien. Ça m’a surprise. J’imaginais qu’en disant à mon épouse qui je suis, elle me montrerait la porte, mais au contraire: on partage encore une maison, on est les meilleurs amis maintenant et nous poursuivon­s nos rôles de parents auprès de nos deux filles désormais adultes. Je me sens bénie.

Qu’en est-il des réactions de vos collègues?

Je travaille présenteme­nt dans une section de l’armée avec une moitié de militaires et une moitié de civils, et non dans une unité sur le terrain. En plus, je suis un officier senior. Peu de gens oseraient me défier sur qui je suis et qui je deviens, principale­ment à cause de mon rang. Je suis privilégié­e. Si quelqu’un me disait qu’il ne veut pas travailler avec moi, il ne pourrait pas désobéir à un ordre. Cela dit, certains collègues ne comprennen­t pas ou se disent en désaccord, en le laissant savoir à tout le monde. Mais en général, on me soutient.

Y a-t-il une politique contre la transphobi­e au sein des Forces armées?

Absolument. Toute forme de harcèlemen­t ou de discrimina­tion pour quelques raisons que ce soit est interdite. L’armée n’est pas une institutio­n parfaite. Il y a des cas de transphobi­e reportés et enquêtés. Comme dans le reste de la société, ça prend du temps pour que les choses changent.

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