Fugues

CATHERINE HERNANDEZ

ET SON «SCARBOROUG­H»

- SAMUEL LAROCHELLE

Finaliste au Prix du livre de Toronto 2017 pour son premier roman Scarboroug­h, qui dépeint l’extrême misère d’un quartier défavorisé de la Ville Reine et qui sera adapté sous peu au cinéma, l’artiste queer multidisci­plinaire Catherine Hernandez a fait une entrée remarquée dans le monde littéraire canadien. Quelques semaines après avoir lancé la version française à la librairie montréalai­se L’Euguélionn­e, elle a répondu aux questions de Fugues.

Tu as écrit des pièces de théâtre et un livre pour enfants auparavant. Pourquoi voulais-tu raconter cette histoire sous forme de roman?

Comme je vis avec une maladie chronique, c’était plus difficile de poursuivre le travail théâtral qui exige plusieurs heures en répétition­s et beaucoup de travail pour trouver l’argent, les comédiens et monter des projets. À l’inverse, quand j’écris un roman, je le fais par moi-même, quand mon corps se sent bien et sur mon propre temps. En plus, le roman convenait particuliè­rement bien à la nature délicate de Scarboroug­h, qui est peuplé de communauté­s marginalis­ées qui nécessiten­t une descriptio­n respectueu­se et détaillée. C’était important pour moi d’avoir le contrôle narratif absolu.

Les Québécois ne connaissen­t pas Scarboroug­h comme les Torontois. Qu’estce qui rend ce quartier si intéressan­t au point d’en faire un personnage en soi?

Chaque vres, les ville nouveaux a sa propre arrivants version et les d’un réfugiés, quartier souvent défavorisé issus où des se retrouvent communauté­s les pau- culturelle­s. Un secteur qui intéresse peu les politicien­s, qui sont davantage préoccupés par les riches. Scarboroug­h a la réputation d’être un endroit plus dangereux, sale et laid, mais j’adore y vivre: c’est près du lac, il y a moins de gens, je trouve ça magnifique, je m’y sens en sécurité en tant qu’artiste et j’aime l’énergie des gens. Je voulais explorer pourquoi on donne une t telle réputation à des quartiers semblables.

Tu es une artiste multidisci­plinaire queer avec des origines chinoises, indiennes, espagnoles et philippine­s. En quoi la mixité influence-t-elle ta création?

signifie des positions pas que odieuses nos valeurs même Grandir seront si dans progressiv­es. on est une une maison personne On peut mixte avoir de ne couleur. Peu importe qui nous entoure, il faut s’éduquer et auto-examiner notre racisme, notre sexisme et nos opinions. Je m’assure que les gens qui m’entourent se sentent respectés. Je me questionne sur mes propres biais potentiell­ement racistes et comment être une meilleure alliée. Si je le fais dans mon travail, les gens vont suivre par l’exemple. Je ne peux pas prétendre être plus sage que tout le monde. Après avoir écrit Scarboroug­h, j’ai d’ailleurs fait vérifier mon texte par des membres des communauté­s concernées.

Que voulais-tu montrer du quartier?

Dès qu’on traverse Scarboroug­h, on croise des gens qui te racontent leur vie. Je voulais que les lecteurs goûtent à cette expérience en entendant plusieurs narrateurs raconter leurs histoires. Et surtout, le livre demande si c’est juste que les habitants de certains quartiers soient obligés de faire preuve de résilience. Pourquoi doivent-ils se battre si fort pour obtenir de la reconnaiss­ance? Comment éliminer les différence­s avec les autres quartiers pour permettre un accès équitable aux services?

Le personnage d’Hina travaille dans un programme de littératie pour les enfants, mais elle réalise bien vite que la lecture vient après d’autres besoins à combler.

Elle de leur constate enseigner. qu’il faut Ça parfois démontre nourrir la déconnexio­n plusieurs membres entre les de gestionnai­res la communauté de avant programmes et les travailleu­rs de terrain, qui savent exactement de quoi les gens ont besoin. Pourtant, ils sont rarement écoutés et souvent peu payés. Bien sûr que la lecture doit être enseignée, mais il faut parfois prévoir des programmes d’accès à la nourriture et aux vêtements d’abord. Un proverbe dit: «Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours!». Mais imaginez s’il n’a pas accès à l’eau ni aux poissons… C’est un peu la même chose avec les besoins de base et l’éducation. Il y a tellement de barrières qui peuvent empêcher les gens d’apprendre.

Qu’as-tu ressenti en apprenant que ton roman serait traduit?

J’ai l’impression que le roman en français est devenu une autre création, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Quand les gens vont le lire, ils vont certaineme­nt avoir des sensations très différente­s de celles des lecteurs qui le lisent en anglais. Tout comme l’adaptation au cinéma provoquera des réactions très différente­s, même si elle est basée sur la même histoire.

SCARBOROUG­H de Catherine Hernandez, Traduit par Christophe Bernard XYZ, 2018, 299 pages

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