MONTRÉAL SANS SIDA
Le 29 novembre dernier, à quelques heures de la Journée mondiale de lutte contre le sida, l’hôtel de ville de Montréal recevait les représentants de plusieurs organisations de la santé et de groupes communautaires VIH/sida pour le dévoilement du plan collectif Montréalsanssida. Suivant la Déclaration de Paris, signée le 1er décembre 2017 par la mairesse Valérie Plante, Montréalsanssida cherche à atteindre les fameux seuils des trois 90: 90% des gens connaissent leur statut sérologique, 90% sont sous traitement antirétroviral et 90% possèdent une charge virale indétectable. Plus que jamais, on désire que ces objectifs soient atteints afin d’éradiquer ce virus d’ici 2030.
«Montréal sans sida : un plan d’action commun pour accélérer la riposte à l’épidémie du VIH/sida», tel est le nom de cette stratégie qui est le fruit de la collaboration entre la Ville de Montréal, la Direction régionale de la Santé publique de Montréal et la Table des organismes communautaires montréalais de lutte contre le sida (TOMS). Ce plan a été élaboré en collaboration avec les communautés les plus concernées et vise à enrayer l’épidémie localement et à participer ainsi à l’effort international déployé par de nombreuses villes pour éradiquer le virus d’ici 2030 à travers le monde. «Montréal était la première ville canadienne à répondre à cet appel», a lancé la mairesse de Montréal, Valérie Plante. «La Ville de Montréal est fière de lancer ce tout premier plan d’action collectif dont les objectifs, ambitieux, nous permettront de mieux lutter ensemble contre le VIH/sida, tout en prenant soin de nos citoyens qui sont touchés. Depuis un an, nous préparons ce plan avec les partenaires de façon résolument collective, rassembleuse et inclusive des personnes et communautés concernées, parce que c’est ce qu’il faut pour faire de Montréal une ville solidaire et sans sida !», a souligné dans son discours la mairesse de Montréal. À Montréal, selon les statistiques révélées le 29 novembre dernier, en se basant sur des chiffres de 2017 : 86% des personnes vivant avec le VIH connaissaient leur statut sérologique (données de 2016) ; 97% de ces personnes étaient sous traitement et 92% de ces personnes avaient une charge virale indétectable (données de 2015). Ces chiffres sont basés sur les 10 000 personnes suivies dans les quatre grandes cliniques de Montréal, soit Clinique de médecine urbaine Quartier Latin, Clinique médicale l’Actuel, et les clini-ques du CHUM et du CUSUM. «Sur l’île de Montréal, environ 10 000 personnes vivent avec le VIH. En 2017, il y a eu plus de 200 nouveaux diagnostics de VIH sur le territoire et ce, malgré les progrès remarquables observés dans la lutte contre le VIH/sida. Il ne faut donc pas baisser les bras, et ce plan d’action commun vient justement cibler les actions les plus prometteuses à mettre en place afin d’éliminer les derniers obstacles à la fin de l’épidémie», dit la directrice régionale de la Santé publique de Montréal et coprésidente de Montréal sans sida, la Dre Mylène Drouin.
UNE STRATÉGIE EN QUATRE AXES
Les intervenants qui ont oeuvré au sein de Montréal sans sida ont abouti à quatre grands axes d’intervention. Il y a d’abord le fait de communiquer pour réduire la stigmatisation et la discrimination. On veut, entre autres ici, «diffuser largement le message i = i indiquant qu’une personne vivant avec le VIH dont la charge virale est indétectable grâce à un traitement antirétroviral pris assidûment ne transmet pas l’infection par voie sexuelle».
Ensuite, on veut travailler à l’élimination des préjudices causés par l’application de lois criminelles et la judiciarisation des personnes issues de communautés marginalisées. Parmi les propositions, on retient le fait d’élaborer «une stratégie municipale en matière de réduction des méfaits en invitant les différentes parties prenantes des milieux communautaires, de la sécurité publique, de la santé publique et du réseau de la santé et des services sociaux à participer à la réflexion».
En 3e lieu, on voudrait «améliorer les conditions de vie des communautés vulnérables». On veut ici favoriser l’accès au transport en commun, améliorer la sécurité alimentaire, favoriser la stabilité résidentielle et l’hébergement des personnes vulnérables grâce à des logements abordables, etc.
Finalement, le 4e axe est le plus étoffé puisqu’il tombe sous la juridiction presque exclusive d’organismes de la santé : «Déployer des services accessibles et adaptés aux besoins des personnes». Cette stratégie se décline en 12 points divers allant d’augmenter la distributions de matériel de prévention des ITSS (condoms et matériel de consommation), à faire connaître les services de santé et les services communautaires de prévention, ou encore réduire les barrières au dépistage du VIH en simplifiant les indications diffusées aux professionnels (recommander le dépistage de routine, etc.), et également favoriser l’accès à «l’autotest» du VIH actuellement non disponible dans les pharmacies communautaires.
«La reconnaissance de la diversité des besoins de nos communautés concernées, notamment en ce qui a trait à la discrimination et aux inégalités systémiques qui touchent les personnes autochtones, racisées, migrantes, ou issues des communautés LGBTQ+, ainsi que les personnes en situation de pauvreté, d’itinérance, les jeunes et les personnes en conflit avec la loi, est au coeur de la démarche que nous conduisons. Nos communautés sont mobilisées et nous travaillons ensemble à la réalisation de ce plan d’action commun», souligne la déléguée de la TOMS et coprésidente de Montréal sans sida, Sandra Wesley.
DES VOEUX PIEUX ?
«Oui et non, de dire le Dr Pierre Côté de la Clinique Médecin Urbaine du Quartier Latin qui était présent ce soir-là. Je suis impressionné positivement. Pour certains points, comme la lutte à la stigmatisation, c’est une belle initiative qui, j’espère, sera menée jusqu’au bout. J’espère que dans un ou deux ans, on va être capable d’identifier des actions concrètes qui ont été mises de l’avant.»
«On a une mairesse et une administration municipale qui veulent agir sur le plan de la pauvreté, de l’exclusion, etc., donc c’est très positif. Il faut maintenant savoir comment on va intégrer les personnes les plus vulnérables, celles qu’on n’arrive justement pas à rejoindre dans les cliniques ou le réseau de la santé. […] Sur d’autres points, on n’a pas d’emprise, comme par exemple le logement, on n’arrête pas de construire des tours à condos à Montréal, donc je ne vois pas comment on peut répondre positivement à pouvoir loger des gens à un prix modique. Il y a aussi l’accès au transport, je ne sais pas si la STM serait ouverte à des discussions pour prévoir quelque chose pour les per- sonnes à très faibles revenus. Cela dit, je trouve cela positif que l’on ait élaboré un tel plan», considère le Dr Pierre Côté.
MONTRÉAL SANS SIDA : montrealsanssida.ca