VINGT-TROIS SECRETS BIEN GARDÉS
Dans la même veine que Douzecoupsdethéâtre, Unangecornuavecdesailesdetôle,Bonbonsassortisetquelquesautres, Michel Tremblay nous offre une incursion privilégiée au coeur de sa mémoire. L’ouvrage débute par la petite enfance, rien d’étonnant en soit, si ce n’est qu’il s’agit d’un événement qui remonte à une époque où il était encore aux couches et se contentait donc de gazouiller. L’anecdote ne compte que quelques pages et malgré sa brièveté – littéralement, un instantané capturé dans les profondeurs abyssales de l’enfance – est impressionnante de réalisme. L’auteur précise cependant, on s’en doutera bien, que chaque fois qu’il la relate, elle suscite généralement un scepticisme condescendant. Le périple se poursuit ensuite, dans le désordre, au fil des expériences et des événements qui se présentent généralement sous la forme de premières ayant marqué son imaginaire, son cheminement personnel ou sa perception de la réalité. Premier voyage à l’extérieur des frontières du Québec, première incursion dans un bar de personnificateurs féminins, premier succès en tant qu’écrivain, imbroglio au coeur d’un cinéma porno, rencontre avec André Brassard au parc La Fontaine et, bien évidemment, moment où il réalise qu’il est gai. Des événements qui seraient souvent bien banals si on les relatait soi-même, mais dont toute l’importance se révèle grâce à la verve dont il fait montre ainsi que la maestria avec laquelle il reconstitue l’ensemble des petits détails qui ravivent l’émotion propre à ces derniers et qui donnent l’impression d’y participer de près ou, tout au moins, d’en comprendre la puissance et la portée. Et, en ce sens, on pourrait presque dire que l’auteur ne nous offre pas 107 pages d’anecdotes colorées, mais plutôt un bouquet de madeleines amoureusement confectionnées. VINGT-TROIS SECRETS BIEN GARDÉS / Michel Tremblay. Leméac, Actes Sud (2018, 107p.)