MONA BELLEAU
AUTOCHTONES LGBT
«Le mot fierté prend tout son sens lorsqu’on parle des Autochtones LGBT. Certains font parfois face à une double discrimination, c’est-à-dire qu’ils peuvent être discriminés parce qu’ils sont des personnes autochtones et parce qu’ils sont des personnes LGBT», a déclaré Mona Belleau, une femme d’origine inuite qui demeure maintenant à Québec avec sa conjointe d’origine québécoise et leurs deux garçons. Elle a tenu ces propos lors d’une allocution sur la réalité des Autochtones LGBT, présentée à la fin de mars dans le cadre de la Semaine de la diversité sexuelle et de genre de l’Université Laval organisée par l’Association pour la diversité sexuelle et de genre de l’Université Laval (ADSGUL). « Cette double discrimination peut donc être très lourde à porter et difficile à accepter pour certaines personnes ou elle peut renforcer leur identité et en faire des personnes incroyablement fortes, résilientes et positives.» Elle a précisé avoir vécu plus de racisme que d’homophobie au Québec. Elle a ensuite souligné que des aînés de sa communauté autochtone ont récemment «décrié» la possibilité que deux personnes de même sexe puissent éventuellement se marier au sein de l’Église anglicane du Canada. «Pourtant, ces personnes sont très dévouées envers leur Église et prônent les valeurs chrétiennes», a-t-elle fait remarquer. Elle a raconté que ces derniers n’avaient également pas vu d’un bon oeil que le drapeau arc-en-ciel soit hissé devant l’hôtel de ville de leur village du Nunavut, lors des Jeux olympiques d’hiver de 2014 à Sotchi (Russie) en guise de solidarité aux athlètes LGBT. «Certains ont dit que ce n’était pas dans les us et coutumes des Inuits d’être LGBT, car c’est un concept des Blancs qui a été importé avec la colonisation de leur village. Par conséquent, certains Autochtones LGBT peuvent se sentir exclus de leur propre communauté et même de leur propre culture. C’est vraiment très dommage.»
Elle a aussi mentionné que des Autochtones LGBT migrent du Nunavut vers les grands centres urbains du Sud du Québec, étant donné qu’ils vivent dans des petits villages isolés, de quelque 150 personnes, qui sont accessibles uniquement en avion. «Ce n’est pas évident de faire son coming-out dans de si petits villages et encore moins de se trouver un ou une partenaire de vie quand tout le monde est ton cousin ou ta cousine. La migration vers les grands centres permet donc de vivre plus librement et dans un certain anonymat, ce qui peut faire du bien à la personne concernée. Cette migration amène toutefois chez cette personne son lot de difficultés comme la perte de sa langue et de sa culture, l’éloignement de sa famille, de ses amis et de son réseau de soutien, et l’isolement.»
Sur une note plus positive, elle a parlé de la facilité pour les Autochtones LGBT de fonder une famille par l’adoption coutumière autochtone. «L’adoption traditionnelle inuite vise à assurer la survie des clans, étant donné la vie très rude parfois avec les familles, les déplacements et les maladies. Pour ce faire, les gens qui ne pouvaient pas avoir d’enfants se faisaient donner un enfant par une personne ou une famille en couple qui n’avait pas de problème à avoir des enfants. La survie des clans en dépendait. Aujourd’hui encore, il est donc relativement facile pour les couples gais de fonder une famille par l’adoption traditionnelle. C’est de cette manière que nous avons eu notre premier fils et, pour cela, nous en sommes très reconnaissants.»
À la fin de son allocution, elle a rendu hommage à ses prédécesseurs qui ont pu vivre leur orientation sexuelle ou leur pluralité de genre dans le secret. «Aujourd’hui, je peux clamer haut et fort devant vous que nous sommes là, que nous existons et que nous nous méritons tout l’amour et le respect du monde», a-t-elle dit. Elle a aussi rendu hommage aux Autochtones LGBT qui viendront après elle. Elle leur a lancé le message suivant: «Vivez librement, soyez heureux et fiers de qui vous êtes.» 6