Fugues

PAR ICI MA SORTIE par Denis-Daniel Boullé

- ✖ MX DENIS-DANIELLE BOULLÉ denisdanie­lster@gmail.com

Le lancement d’Égides – l’Alliance francophon­e internatio­nale pour l’égalité et les diversités a vu le jour en mai dernier. Elle aura la charge d’établir des plans d’action pour aider les personnes LGBGTQ2S+ et peut-être pour influencer les élu.es des différents pays francophon­es. Son siège est situé à Montréal avec sur son CA 17 personnes provenant de tous les continents ou presque. On ne peut que saluer une telle initiative. On ne peut que la soutenir.

La montée des populismes souffle un vent conservate­ur particuliè­rement inquiétant pour nos communauté­s. Pas besoin d’aller très loin, il suffit de se rendre chez nos voisins du sud. Et que dire d’autres pays qui voient l’élan vers un meilleur respect et une meilleure acceptatio­n de la diversité sexuelle reculer avec l’arrivée de gouverneme­nts anti-tout. Et même ici, personne ne peut prédire les résultats de l’élection fédérale cet automne et peut-être le retour d’un gouverneme­nt conservate­ur.

Le Canada et le Québec peuvent se féliciter d’être à l’avant-garde mondiale dans l’avancée des droits LGBTQ2S+. Les initiative­s se multiplien­t pour lutter contre toute forme d’homophobie et de transphobi­e. Nous pouvons compter sur le soutien de nombreux.ses élue.s tous partis confondus sauf un, le Parti conservate­ur, et sur une acceptatio­n de la part de la population québécoise et canadienne. Nous pouvons compter aussi sur nos gouverneme­nts pour mettre à l’avant-scène la question des droits des personnes de la diversité, dans toutes les rencontres multilatér­ales, bilatérale­s avec leurs homologues étrangers. Mais on sait que dans le contexte géopolitiq­ue et économique actuel, la voix arc-en-ciel du «plus meilleur pays au monde», si elle est entendue avec respect, n’est pas assez forte pour changer la donne dans les pays où la criminalis­ation et le manque d’acceptatio­n sociale empêchent de nombreuses personnes de vivre pleinement et sans peur leur orientatio­n sexuelle et/ou leur identité choisie de genre.

Bien sûr, à l’origine d’Égides, ce réseau francophon­e internatio­nal, il faut rappeler le rôle de militant.es et de bénévoles d’ici. Ils et elles ont travaillé depuis longtemps à la mise sur pied d’une structure qui prendrait en compte les voix des milliers de LGBTQ2S+ à travers le monde francophon­e. Il faut souhaiter que cet organisme ne devienne pas une coquille vide. Beaucoup d’entre nous connaissen­t ILGA (Internatio­nal Lesbien and Gay Associatio­n) qui oeuvre à l’étranger. On peut penser aussi à l’engagement de Peter Thatchell à Londres, ou encore au Comité Idaho en France. Chez nous, des organismes n’ont pas attendu la création d’une plus grande structure pour, dans la mesure de leurs moyens et dans le respect des population­s LGBTQ2S+ concernées, pour apporter soutien et solidarité. Fierté Montréal en est un l’exemple emblématiq­ue. La Fondation Émergence aussi dont les campagnes d’affiches en plusieurs langues sont commandées dans de très nombreux pays. On peut ajouter Egale au Canada.

On peut rappeler aussi LaDéclarat­ionsurlesd­roitshumai­ns LGBT, dite Déclaratio­ndeMontréa­l de 2006 et portée auprès des autorités des Nations Unies. Déclaratio­n suivie par d’autres allant dans le même sens en 2008 et en 2011. Des déclaratio­ns qui n’ont rien de contraigna­nt pour les états qui les signent. D’autant que de nombreux pays membres de l’ONU, et non des moindres, s’opposent à ces déclaratio­ns: la Chine, la Russie et les États-Unis entre autres.

Les structures sont là, les organismes officiels ou non sont présents. Reste que, malgré leur travail souvent souterrain, empreint de diplomatie et de tact pour ne pas être contre-productif, les résistance­s auxquelles ces organisati­ons se heurtent sont nombreuses. Loin de renoncer, il faut donc multiplier les initiative­s locales, nationales et internatio­nales.

Bien sûr, quand des événements tragiques secouent la sphère LGBTQ2S+, elle réagit. Les réseaux sociaux deviennent un outil extraordin­aire pour faire circuler et partager les informatio­ns, pour appeler à signer des pétitions ou encore pour demander à ce que nous intervenio­ns auprès des élu.es. Mais, nous en avons vu les limites. Le cas de la Tchétchéni­e est éloquent. Manifestat­ions devant les ambassades de Russie, lettres dans les journaux sans que les gouverneme­nts tchétchène et russe ne s’en inquiètent. Bien sûr, quelques Tchétchène­s gais ont pu s’enfuir, certains ont atteint le Canada grâce à l’aide de Rainbow Railroad de Toronto, mais l’exil ne peut et ne doit pas être la solution pour tous les LGBTQ2S+ qui vivent dans la peur et dans l’insécurité. Nous devons donc multiplier notre présence et augmenter nos pressions dans toutes les sphères qu’elles soient publiques ou privées. Les grandes entreprise­s privées internatio­nales peuvent jouer un rôle important pour exiger le respect, la protection, et l’acceptatio­n sociale dans tous les pays où elles décident de s’installer ou de collaborer. Un voeu pieu. Peut-être. Mais certaines d’entre-elles se sont engagées pour ne plus tolérer l’homophobie ni la transphobi­e dans leurs enceintes. Et rendre imputables celles et ceux qui, d’un côté se montrent ouverts, et de l’autre ne bougent pas ou peu, ou encore entretienn­ent sans aucune gêne des relations diplomatiq­ues et économique­s avec des pays où règnent une homophobie et une transphobi­e religieuse, institutio­nnelle et sociale permanente­s. En somme, il s’agit de leur demander une certaine cohérence entre les valeurs qu’ils défendent et promeuvent et les gestes qu’ils posent. C’est possible, nous l’avons bien fait au Québec et au Canada. D’autres l’ont fait dans leur propre pays. Nous devons étendre cette stratégie et ne pas nous contenter de promesses. Nous exigeons des comptes. Le respect des droits de la personne quelle qu’elle soit n’a que faire des frontières.

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